Coke en stock (XXXIX) : en Bolivie, une effarante hécatombe d’avions qui mène... en Serbie
par morice
jeudi 5 mai 2011
Et puis, il y a d'autres états encore. Dont un, qui a toujours été un fief de la production de coca, pour "usage interne" dirons-nous, et qui s'est doté depuis d'un président favorable à la culture "ancestrale" de son pays, où l'on semble voir apparaître depuis peu une résurgence du trafic de cocaïne : La Bolivie, où les trafiquants auraient perçu dans les propos présidentiels une ombrelle pratique pour leur activité ? En tout cas, ce qui est surtout alarmant, c'est le nombre incroyable de crashs aériens ces dernières années de petits appareils, la plupart impliqués comme par hasard dans le trafic de drogue en Bolivie. Toute l'année 2010, notamment, avait en effet été marquée par des accidents d'avions, la plupart mêlé à un trafic illicite, dans le pays, ou en provenance du pays, prouvant l'intense activité du trafic de drogue. Une vraie hécatombe !


La Bolivie elle aussi est en effet secouée depuis peu par une vague étonnante de crashs d'appareils, ou de crashs dans d'autres pays voisins dans lesquels on découvre des boliviens comme pilotes ou trafiquants. Ainsi le 11 avril 2010, un Cessna-210 Centurion, un des avions les plus représentés en Bolivie, se crashe, c'est le numéro CP-1373, tuant quatre personnes, à Concepcion, près de Santa Cruz.
Le 31 mars 2008, un autre accident spectaculaire avait marqué les esprits : un Cessna 206 CP-2295 survolant l'International Airport Jorge Wilstermann se plantait littéralement verticalement de retour d'une visite de la jungle, en route vers Cochabamba. Les images du crash étaient très impressionnantes, le pilote seul à bord s'en sortant avec des égratignures. Les crashs de petits appareils sont donc nombreux, en cause en partie la raréfaction de l'air en haute altitude en Bolivie, mais avec parfois plus de chances pour les gros porteurs, avec le 727 du 5 février 2008... par exemple, qui s'en sortira un peu comme le triréacteur russe dont je vous avais parlé naguère. En Bolivie, comme ailleurs en Amérique du Sud ou Centrale (et comme en Afrique !), c'est surtout l'absence de bon état des routes qui a fabriqué un trafic intense de petits appareils. Aux alentours de l'aéroport d'El Trompillo, à Santa Cruz, et près de celui de Jorge Henrich, à Trinidad, on dénombre ainsi pas moins de 400 appareils, les deux aéroports voyant par jour un trafic moyen de 225 décollages/atterrissages par jour, note Tristán Landívar dans son remarquable article "Civil aviation's bad streak in Bolivia continues"... L'année 2010, dans le genre, avait été un record pour les accidents. et 2011 a déjà démarré sur le même rythme : place donc aux crashs successifs boliviens, révélateurs d'une intensification du trafic de coke dans le pays...
Mais le 8 février, cette fois c'est bien un avion avec de la drogue à bord qui s'écrase. C'est encore un Cessna 210 qui fait alors la une de la presse : "Un avion avec double inscription (ZP-PZU ou PT-KET) et le drapeau du Paraguay destiné à transporter de la drogue a eu un accident hier à Gaza, une ville du nord du pays, à environ 9 miles de Yapacani. Selon le témoignage. recueilli par la brigade des stupéfiants de l'incident l'avion s'est crashé à l'endroit où des hommes attendaient à bord d'un camion". Selon des témoins, plusieurs paquets ont été chargés dans le monomoteur, qui a ensuite tenté de décoller, mais le pilote a perdu le contrôle de l'appareil et après le crash, l'équipage s'est échappé dans le même camion avec la charge de l'appareil. Un procès-verbal indique qu'avant que les personnes de UMOPAR n' arrivent, l'avion avait été délesté de sa radio, des sièges et des ceintures de sécurité".
Le 6 mars dernier, on a le droit à une scène complète de transfert de drogue en pleine jungle bolivienne : " l'organisme bolivien de lutte contre les stupéfiants (FELCN) a découvert que les réseaux de trafiquants de drogues utilisent les routes de la minorité rurale protestant mennonite de la Bolivie pour le transport de la cocaïne ou d' ingrédients comme la pâte de cocaïne et de chlorhydrate de cocaïne vers les pays étrangers. Cette découverte a été provoqué par un avion mystérieux qui s'est écrasé sur un sentier près de la petite colonie "California 1", à quelque 200 km de Santa Cruz qui serait impliqué dans le commerce de la drogue. "Des défricheurs (colons) de jungle nous ont informés que de petits avions de diverses marques atterrissaient presque tous les jours sur les routes mennonite et chargeaient de petites cargaisons, transférées à partir de camions », a déclaré le Directeur Départemental de la FELCN, le colonel Jorge Romero. L'avion s'est écrasé à 06h30 jeudi dernier parce que ses roues sont restées coincées dans un fossé sur le bord de la route. Selon les habitants, au même moment un camion pick-up rouge a essayé de remettre l'avion sur la route du retour sans succès. À défaut de remettre l'avion d'aplomb, c'est le camion qui s'est mis sur le blanc et les deux occupants du Cessna Centurion vert et se sont enfuis". L'avion, encore une fois un Cessna Centurión blanc (d'une valeur d'environ un demi million de dollars), était enregistré sous un numéro paraguayen, le ZP-BAC. Le groupe de trafiquants a subtilisé avant de partir à bord de l'avion un GPS, un journal de bord et d'autres instruments". Le 17, c'est un avion venu de Pedro Juan Caballero qui se fait arrêter au Brésil à Lucelia à l'Ouest de l'Etat de Sao Paulo. A bord 80 kilos de cocaîne et 291 kilos de marijuana.
Le pays est donc l'objet d'un trafic qui s'est renforcé ces dernières années. Et comme dans ce même pays, historiquement, ce sont installés des personnes venues de pays de l'est, liées le plus souvent à un extrémisme de droite, il est logique d'en trouver la filiation au sein des mafias de la drogue bolvienne. Avec une production croissante, les appétit mafieux se sont réveillés. Avec 23 600 hectares de plantations de coca en 2003 et 27 500 en 2006, la production est passé de 100 tonnes à 115, et elle croît toujours, selon la Maison Blanche. En février 2011, la police bolivienne fait une "découverte" dont tout le monde se doutait : c'est bien le cartel colombien du Norte del Valle qui s'est replié de la Colombie vers la Bolivie, et qui a notamment tenté d'envoyer 900 kilos de drogue directement vers l'Espagne, via un biréacteur chargé habituellement du don d'organe, une affaire que j'ai évoqué ici-même. Comme preuve de l'envahissement, les responsables boliviens citent l'arrestation du mafieux colombien Jesus Maria Osorio Torrez, capturé en 2010 avec 174 kilos de cocaïne découverte à La Paz et à Santa Cruz. Il y aurait été depuis l'an 2000 déjà. La police avait déjà rappelé les années précédentes qu'elle avait saisi 27,4 tonnes de drogue entre janvier et novembre 2008, près de 10 tonnes de plus qu'en 2007, et qu'elle avait arrêté en décembre 2008 un avion qui avait tenté de décharger 297 kilos de cocaïne non coupée dans la province argentine de Santiago del Estero. Au même moment, elle avait aussi révélé qu' "il y avait au moins 1000 pistes d'atterrissage clandestines en Bolivie, appartenant à des trafiquants de drogue". On comprend mieux l'arrivée du nuage de sauterelles des petits Cessna Centurions, là. Des pistes en herbe, ce n'est pas ce qui manque en effet dans le pays. Les touristes les utilisent régulièrement !
Mais il n'y a pas que les pistes d'atterrissages comme problème. La mafia bolivienne a des ramifications surprenantes. C'est la seconde "découverte" de la police du pays. Tout a démarré avec la tentative de capture d'un baron de la drogue, William Rosales Suarez. Trois de ces gardes du corps seront retrouvés morts dans l'opération de police. Et là, surprise : ils sont... serbes. Sasa Turcinovic, 40 ans, Predrag Cankovic, 38 ans, et Bojan Bakula, 29 ans, arrivé la veille seulement en Bolivie et refroidis le lendemain.
Mais la Bolivie nous réservait encore une autre surprise... de taille, que nous verrons demain, si vous le voulez bien. Dans le lot décrit, il manque un avion...
PS : les sources essentielles sont les registres des crashs d'avions boliviens, tenus au jour le jour dans ces documents :
http://www.aviacionboliviana.net/civil/index_empresas.htm
les différentes années y sont répertoriées avec une très grande précision. Une vraie mine.