Combien vaut Sciences Po ?

par Herrick du Halgouët
lundi 30 juin 2008

Le XXIe siècle sera l’ère de l’immatériel dans l’économie. Mais, ce concept ne s’applique pas seulement au monde des affaires, mais aussi à l’univers associatif. Deloitte, Sciences Po et EasyBourse se sont associés dans une Tribune ouverte aux Internautes pour lancer le débat en France sur l’Immatériel. A vos claviers...

Même si chacun a son opinion sur l’Institut d’études politiques, voire certains préjugés, il n’existe pas de méthodes incontestables pour répondre à cette question. Faut-il compter le nombre de clubs de fumeurs de cigares, auxquels participent les Anciens ? Chiffrer sa part de marché dans la collecte de la taxe d’apprentissage ? Etablir le pourcentage de professeurs et d’étudiants venus de l’étranger ? Faire la liste des ouvrages publiés par sa Fondation ? Voir combien de fois son nom est cité sur Google ? Comparer le charisme de son directeur à celui de la London School of Economics ? Egrainer dans un inventaire à la Prévert la longue liste de ses diplômés, hommes et femmes, qu’elle a préparés à gouverner le pays ? Ou vaut-il mieux regarder tout simplement le salaire de sortie de ses diplômés ?

Il existe pourtant des indices, qui permettent de s’en faire une idée. Son ouverture aux étudiants défavorisés a fait du bruit, alors que son image était jusqu’alors assez parisienne. Selon le site www.telquel-online.com, le modèle Sciences Po devrait être prochainement décliné au Maroc. L’exportation d’une enseigne culturelle a déjà prouvé sa valeur. C’est en effet la création d’un Louvre à Abou Dhabi qui a permis de prendre conscience de la valeur de ce musée et de sa charge émotionnelle dans le public. D’autres éléments tangibles peuvent être pris en considération pour évaluer une formation, comme la qualité des partenariats passés avec les entreprises, l’existence de laboratoire de recherche, etc.

Autant d’éléments assez immatériels, mais qui mis bout à bout perpétuent ce qu’on appelle la réputation, qui est un concept beaucoup plus complexe à saisir que la notoriété. Mais, à moins d’une mise en vente de l’IEP Paris, une marque de fabrique qui pourrait être rachetée par un oligarque russe ou par une université du Golfe, le seul moyen de connaître la valeur de cette vénérable institution serait sans doute de fermer les portes de la rue Saint-Guillaume pendant une génération. Verrait-on alors dans vingt ans un retour à un excédent budgétaire en France ou à l’opposé assisterions-nous à une poussée des discriminations ?

Pour Richard Descoing, directeur de l’IEP Paris, rien n’est acquis pour Sciences Po. Pour que les adeptes de la péniche puissent espérer continuer à trouver un emploi demain, l’école doit s’adapter aux techniques modernes de partage des connaissances et transmettre à ses étudiants la culture de l’immatériel. Ils ne doivent pas être largués et vivre sur une promesse, fruit d’un passé lointain, fut-il glorieux. L’image de Sciences Po n’est pas une rente. Richard Descoing déclare ainsi : « dans un univers concurrentiel planétaire, la croissance qu’un pays sera susceptible de capter viendra des entreprises qui se battront non pas sur leur prix de revient, mais sur des facteurs de compétitivité qui font la différence : les marques, l’innovation, le talent d’attirer et garder les meilleurs, la capacité à fidéliser des clients par une co-création de biens et services adaptés en temps réels à leurs besoins  ». Le même raisonnement s’applique parfaitement à une méthode pédagogique.

C’est pourquoi le cabinet de conseils Deloitte a lancé le 27 juin dernier la « Tribune Sciences-Po de l’économie de l’immatériel et de la Connaissance », conçue comme un projet collectif faisant plancher des étudiants de Sciences-Po. Des personnalités sont venues épauler ce projet, qui va continuer à prendre de l’ampleur : Jean-Pierre Jouyet (secrétaire d’Etat aux Affaires européennes), Maurice Levy (président du Directoire de Publicis), Georges Drouin (président du Groupement des professions de services), Daniel Lebègue (président de l’Institut français des administrateurs).

Dans ce débat sur l’immatériel, des académiques et des experts (OCDE, CAE, OFCE…), des personnalités du monde des affaires ainsi que des acteurs des marchés financiers sont intervenus. Avec un certain pragmatisme, consistant à détecter les meilleures pratiques dans la « chasse à la valeur immatérielle ». La même démarche a été étendue aux organismes à but non lucratifs (OSBL), qui créent non pas de la valeur pour l’actionnaire, mais du bien-être social.

Pour ceux qui veulent en savoir plus, les étudiants de Sciences Po ont synthétisé les débats. Leurs contributions sont en ligne sur www.easybourse.com, qui se veut un forum d’échanges ouvert à tous. Comme quoi des partenariats, l’ouverture sur l’inconnu et la notion de partage du savoir ont sans doute accru la valeur de Sciences Po, mais aussi celle de ses nouveaux partenaires (Deloitte, EasyBourse, Publicis). Mais, dans une proportion malheureusement non mesurable…


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