Comme avec Zemmour ou Marine, l’insécurité et l’immigration ça va être vite réglé ! Si on voyait pour le reste ? La dette…

par Alain Alain
lundi 25 octobre 2021

Donc pour rembourser une dette publique, il faut pendant des dizaines d’années, soit des excédents budgétaires, soit des politiques d’austérité paralysant l’économie et perpétuant la pauvreté en l’aggravant. Comme depuis 1974 la France n'a pas réussi à dégager d’excédents budgétaires, ce n’est pas tout de suite qu’on commencera à rembourser la dette.

Pour ceux qui ont lu mes deux précédentes chroniques de cette série (comme avec zemmour …), sur les impôts puis sur l’Europe, peuvent sauter les deux paragraphes suivants.

Oyez, oyez, oyez ! Françaises, Français (de souche), dormez tranquilles ! Avec Zemmour ou Marine ou Bertrand ou Pécresse ou Wauquiez ou Ciotti ou même Barnier ou Valls, l’insécurité et l’immigration seront à jamais vaincues.
C’est sûr ! N’en parlons plus alors.

Intéressons-nous plutôt à tout le reste : impôts, dette, chômage, pouvoir d’achat, gilets jaunes, injustices, inégalités, pauvreté, Europe, mondialisation, crise climatique, catastrophe écologique, extinction de l’humanité…
Aujourd’hui, la dette…

Dans cette suite d’articles je vous propose de découvrir les analyses d’auteurs compétents oubliés par les grands médias, télévision, presse écrite et radio, appartenant quasi exclusivement à quelques milliardaires, ce qui explique cela.

La dette, j’en ai parlé dans trois de mes précédentes chroniques.
OUI / NON : la dette comme alibi de l’austérité. (14 avril 2021)
« Dans cette première chronique sur la question de la dette publique, examinons d’abord comment les orthodoxes des mouvances de l’économie néolibérale, ordolibérale ou ultralibérale nous la présentent. Ensuite nous exposerons la vision de ceux qui les contestent. »

Ils nous croient trop stupides pour décrypter leur boniment. (22 avril 2021)
« Ce même discours qu’ils utilisent pour nous raconter le scénario cauchemardesque de la dette dévastatrice qui hypothèque gravement notre avenir. La dette, c’est quoi ? Ça veut dire quoi la rembourser ? » 

Pour Marine Le Pen aussi, la France est tenue de rembourser sa dette. Alors, chaque Français doit rembourser 42 400 euros. (27 mai 2021)
« Ces Bruno Le Maire, Marine Le Pen, Christine Lagarde, Éric Woerth, avec les Xavier Bertrand, François Bayrou, tous les macronistes, Anne Hidalgo, certains écologistes, etc., savent très bien que la dette ne pourra jamais être remboursée. Ce qu’on peut et doit faire au niveau national. […] À l’international, ... » 

Dans ces trois chroniques j’abordais le sujet de la dette sous tous ses aspects, de la définition, l’origine, les divers points de vue, les conséquences jusqu’aux moyens de son extinction.
Aujourd’hui, je complèterai par quelques précisions utiles à connaitre en vue de l’élection présidentielle de 2022.

La quasi-totalité des leaders politiques prétendent devoir nous la faire rembourser, y compris Marine Le Pen. Seuls deux ou trois d’entre eux contestent cette obligation. En revanche de très nombreux économistes affirment qu’il existe d’autres possibilités que l’exclusif remboursement. Quant à Zemmour, la dette n’ayant rien à voir avec l’islam, il ne sait pas qu’en faire.

On trouve peu d’exemples de remboursement d’une dette dans l’histoire.
(Une brève histoire de l’égalité, Thomas Piketty.)
« Cette stratégie de remboursement des rentiers au long cour fut celle du Royaume-Uni au XIXe siècle, sous un régime censitaire il est vrai.
La dette britannique dépassait 200 % du revenu national en 1815. Elle fut remboursée par un siècle d'excédents budgétaires (2-3 % du revenu national entre 1815 et 1914, acquittés par la masse des contribuables au profit des propriétaires, à une époque où l'investissement éducatif était d'à peine 1 % du revenu national), sans l'éteindre complètement.
Le cas d’Haïti est emblématique (…) car cet épisode (abolition de l’esclavage et indépendance de l’île) se termina par une gigantesque dette qui contribua à miner le développement d’Haïti au cours des deux siècles suivants. (…) le gouvernement Haïtien dut accepter de payer à la France une dette de 150 millions de francs-or, afin de dédommager les propriétaires d’esclaves. (…) La dette de 1825, transmise d’un créditeur à un autre, fut officiellement éteinte au début des années 1950. »

Donc pour rembourser une dette publique, il faut pendant des dizaines d’années, soit des excédents budgétaires, soit des politiques d’austérité paralysant l’économie et perpétuant la pauvreté en l’aggravant. Comme depuis 1974 la France n'a pas réussi à dégager d’excédents budgétaires, ce n’est pas tout de suite qu’on commencera à rembourser la dette.

(Capital et idéologie, Thomas Piketty.)
« Autrement dit, les contribuables devraient payer des impôts plus élevés que les dépenses dont ils bénéficient, avec un écart de 3,5 % du PIB, possiblement pendant des décennies. Cela voudrait dire que l'on consacre pendant des dizaines d'années des ressources gigantesques à rembourser des dettes et des intérêts aux détenteurs de patrimoines financiers, alors même que l'on manque de moyens pour investir dans la transition énergétique, la recherche médicale ou la formation. »

Qui est responsable de la dette ?

Ceux qui prétendent obligatoire le remboursement de la dette apeurent les citoyens avec la menace que celle-ci ferait courir à l’économie française sinon.


(Reprendre le pouvoir, François Boulo)
« Notez que ce sont les mêmes qui sont responsables de la constitution de cette dette puisque ce sont eux qui depuis 1975 ont voté des budgets systématiquement en déficit ! Ceux qui prétendent nous faire la leçon sont donc précisément ceux à l'origine du mal qu'ils pointent du doigt. C'est l'hôpital qui se moque de la charité.
Parallèlement, les États ont eu tendance à faire stagner (voire réduire) leur taux d'imposition alors que le niveau des dépenses publiques continuait mécaniquement d'augmenter par l'effet du développement capitaliste. C'est donc l'économie mondiale tout entière qui à partir des années 1970, et pour faire face à son ralentissement, a commencé à fonctionner sur le crédit. Les niveaux d'endettement n'ont depuis lors jamais cessé de progresser. Il faut donc arrêter de culpabiliser les citoyens en instrumentalisant la dette publique. »

 (Utopies made in monde - Le sage et l'économiste, Jean-Joseph Boillot, citant Raghuram Rajan, docteur formé au MIT américain, professeur à l’Université de Chicago.)
« En accumulant finalement de plus en plus de dettes pour masquer les problèmes de fond de la mondialisation, dont le creusement des inégalités et le sous-emploi structurel, et en instaurant une sorte d'économie casino pour spéculer sur ces dettes, ce capitalisme nous condamne à la répétition de crises financières plus meurtrières les unes que les autres. »

(Reprendre le pouvoir, François Boulo)
« Pour ceux qui pensaient que l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron et de sa philosophie ultralibérale signerait le début du renouveau, il doit être observé que le déficit public a bondi de 67 milliards d'euros en 2017, à 76 milliards d'euros en 2018, et à plus de 108 milliards d'euros en 2019 (Avant la covid). Plus de néolibéralisme, c'est plus de dette. »

Une dette c’est de l’argent qu’on doit à quelqu’un.
Quand les dépenses d’un état ne sont pas couvertes par les recettes publiques, cet état emprunte ce qui lui manque sur un marché financier. Comment ça se passe. L’état émet des valeurs du trésor.
Valeurs du Trésor : qu'est-ce que c'est ?
Les valeurs du Trésor sont des titres émis par l'État. Certains sont réservées aux investisseurs institutionnels et d'autres aux particuliers. Quand on achète un de ces titres, en échange de l’argent versé, on reçoit comme une reconnaissance de dette qui stipule le taux des intérêts versés annuellement et la date à laquelle l’état remboursera le capital engagé. Entre temps les titres peuvent être revendus à d’autres souscripteurs, alimentant ainsi la spéculation.
Le grand intérêt de ces titres est qu’après avoir rapporté des intérêts réguliers et sans risque, on est sûr qu’ils seront remboursés par l’état à l’échéance prévue car celui-ci peut toujours émettre de nouveaux titres pour emprunter les sommes nécessaires en cas de besoin.
Donc, les institutionnels et les particuliers suffisamment riches pour détenir des valeurs du trésor en immobilisant leur capital durablement s’enrichiront chaque année grâce aux impôts prélevés sur tous les autres citoyens ; 40 milliards d’euros dans leur poche. En plus ils sont sûrs de récupérer tout leur capital investi.
En voilà qui ne se plaindront pas de la dette et qui au contraire en redemande !
C’est un placement garanti et rentable mais il n’y en pas pour tout le monde.
En plus, en France, l'anonymat est assuré aux créanciers.
(Reprendre le pouvoir, François Boulo)
« Que les Français ne puissent pas identifier les créanciers qui ponctionnent chaque année sur leurs impôts plus de 40 milliards d'euros au titre des intérêts de la dette pose tout de même un sérieux problème démocratique.
Au-delà des réductions d'impôts, les ultra-riches captent en large partie les intérêts de la dette publique pour 40 milliards d'euros par an. Et ce sont encore les mêmes qui pratiquent l'évasion fiscale, évaluée à 100 milliards d'euros par an. »

Pourquoi affirmer qu’on ne peut pas faire autrement que rembourser la dette ?
Certains politiciens, journalistes, économistes répètent ce qu’ils ont appris ou simplement entendu sans chercher plus loin. Parfois on a vraiment l’impression que certains parmi eux déclarent des choses qu’ils n’ont pas comprises.
Certains tirent profit de la menace supposée de la dette pour imposer des mesures d’austérité, pression sur le pouvoir d’achat, sur l’emploi, sur la démocratie, lesquelles mesures permettent l’enrichissement d’une extrême minorité. (Bruno Le Maire, Christine Lagarde, Éric Woerth, Xavier Bertrand, François Bayrou, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron…)
Certains affublent l’économie, par essence amorale, des règles éthiques nécessaires aux relations sociales entre individus : «  Une dette doit être remboursée. Il y a là un aspect moral essentiel. » (Marine Le Pen). On dirait qu’elle parle d’une de dette de jeu contractée au poker. 

Pourtant de très nombreux experts économistes mondialement reconnus proposent de réfléchir à d’autres moyens pour neutraliser ces dettes.
Voici par exemple, deux suggestions élaborées par Thomas Piketty.
« Dans le contexte spécifique de la crise de la zone euro, où un ensemble de pays a choisi de créer une monnaie unique tout en conservant dix-neuf dettes publiques et des taux d'intérêt différents, le projet présenté prévoit également la possibilité (si l'Assemblée européenne le décide) d'une mise en commun du taux de refinancement des États pour tout ou partie de leurs dettes.
Là encore, compte tenu du climat de défiance décrit plus haut, il importe d'être précis si l'on veut éviter tout malentendu et se donner une chance d'avancer. Il ne s'agit pas de partager les dettes. Autrement dit, il ne s'agit pas de mettre dans un même paquet la dette allemande (64 % du PIB en 2018) et celle de l'Italie (132 % du PIB) et de demander aux contribuables allemands et italiens de rembourser l'ensemble, en oubliant qui a mis quoi dans le paquet. Non pas que l'idée soit totalement saugrenue en soi : les jeunes Italiens ne sont pas plus responsables que les jeunes Allemands des dettes qu'ils ont reçues en legs.
Autrement dit, l'Assemblée européenne pourrait décider de mettre en commun tout ou partie des dettes des États signataires dans un même fonds de refinancement et décider chaque année, à mesure que les dettes viennent à échéance, quelle partie doit être refinancée par l'émission de titres de dette commune. Le point important est que l'on garderait des comptes séparés de façon que chaque pays continue de rembourser sa propre dette mais à un taux d'intérêt identique pour tous.
Ce point peut sembler technique mais il est en réalité fondamental. C'est en effet l'évolution chaotique sur les marchés financiers de l'écart de taux d'intérêt entre pays de la zone euro qui est à l'origine de la crise européenne de la dette ; dette qui, à la veille de la crise de 2008 n'était pourtant pas plus élevée en zone euro qu'aux États-Unis, au Japon ou au Royaume-Uni. C'est cette mauvaise organisation collective et cette incapacité des pays européens à créer un titre de dette commune qui expliquent pour une large part la piètre performance macroéconomique des pays de la zone euro depuis la crise de 2008. Pour résumer, la zone euro a réussi par sa seule faute à transformer une crise financière venue initialement du secteur financier privé étatsunien en une crise européenne durable des dettes publiques. »

Ou plus radicalement et pourtant parfaitement réalisable :
« Les dettes publiques au bilan de la BCE (banque centrale européenne) pourraient par exemple être prolongées de quarante ou cinquante ans sans intérêt, ou bien en fonction de la réalisation d'objectifs climatiques. Pour les dettes publiques comme pour les éventuelles sommes créditées sur les comptes des particuliers, on pourrait aussi les inscrire au bilan de la BCE comme dette perpétuelle sans intérêt, ce qui équivaut à les annuler. »
Le Japon a fait cela pour une partie de sa dette.

Première constatation, la dette enrichit les riches !
Deuxième constatation, ceux qui agitent la menace terrifiante de la dette le font pour empêcher la mise en place d’une autre politique que l’austérité et pour paralyser les citoyens apeurés.
Troisième constatation, rembourser la dette grâce aux excédents budgétaires financés par les impôts et la baisse des dépenses publiques prendrait des décennies voire des siècles. Surtout avec des excédents budgétaires jamais obtenus depuis 46 ans !
Quatrième constatation, historiquement le remboursement d’une dette d’État a très rarement été réalisé. En revanche l’annulation ou la neutralisation de ces dettes est survenue de très nombreuses fois : par exemple, l’annulation de la dette allemande le 27 février 1953 à Londres.
Cinquième constatation, les vrais économistes experts sont ceux qui enseignent dans les plus grandes universités à travers le monde, qui réalisent des recherches, des études, qui publient des rapports, des livres, qui obtiennent les grands prix en particulier le Nobel mais qu’on écarte des médias, des centres de décision, qu’on bâillonne. Ceux-là affirment que le seul remboursement de la dette n’est pas la solution et en proposent d’autres. Ils confirment que le remboursement seul conduira à des difficultés sociales accrues et surtout pour les plus pauvres.
Sixième constatation, ce ne sont pas les français dans leur ensemble qui ont vécu au-dessus de leurs moyens et qui sont responsables de la dette. Cette accusation est assénée par les dirigeants au pouvoir, l’ensemble de la droite et quelques francs-tireurs de centre gauche, pour faire passer la pilule : « c’est de la faute de tous ces français qui ont abusé, de plus ils ont hypothéqué l’avenir de leurs enfants, donc ils doivent rembourser ! »
C’est comme pour le chômage : « c’est la faute aux chômeurs. »
Comme pour les pauvres : « qui n’ont que ce qu’ils méritent parce qu’ils n’ont pas fait les efforts qu’il fallait. Quand on veut, on peut. »
Etc.

Après les impôts, l’Europe, la dette, inquiétez-vous de la démocratie, des médias, du chômage…
Qu’un président de la république, élu par moins de 18% des adultes français, puisse imposer ses décisions seul ou enfermé dans un conseil de défense opaque, en prétendant qu’il est légitime pour le faire puisqu’il a été élu en opposition à l’immense majorité des citoyens majeurs (82 % donc), ne pose-t-il pas un énorme problème démocratique ?
Que les médias français les plus influents appartiennent quasi exclusivement à une petite dizaine d’ultra-riches, ne pose-t-il pas un énorme problème de liberté et d’honnêteté de l’information ?
Que le chômage présenté comme une calamité naturelle ne soit en fait que le résultat d’un choix politique*, ne pose-t-il pas un énorme problème d’éthique et d’injustice ?
*Voir : Le choix du chômage, De Pompidou à Macron, enquête sur les racines de la violence économique de Benoît Collombat et Damien Cuvellier.

Françaises, Français de toute origine sachez reconnaitre les vrais enjeux pour notre avenir avant de choisir votre candidat. Pour vous y aider, vous pouvez lire ces livres utilisés pour cette chronique :
Reprendre le pouvoir, François Boulo, avocat au barreau de Rouen, porte-parole des Gilets jaunes ;
Une brève histoire de l’égalité, Thomas Piketty ;
Capital et idéologie, Thomas Piketty ;
Utopies made in monde - Le sage et l'économiste, Jean-Joseph Boillot ;
Le choix du chômage, De Pompidou à Macron, enquête sur les racines de la violence économique de Benoît Collombat et Damien Cuvellier.

Je viens de terminer la lecture du livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, Le traitre et le néant, une enquête sur Macron illustrée par plus de 110 témoignages. Après avoir lu ceux de Juan Branco, François Ruffin, Corinne Lhaïk, Marc Endelweld, Eliot Blondet et Paul Larrouturou, dans une prochaine chronique, je crois devoir faire connaitre ce qu’ils révèlent sur cet effarant personnage.

En complément, ces chroniques sur Agoravox :
Comme avec Zemmour ou Marine, l’insécurité et l’immigration ça va être vite réglé ! Si on voyait pour le reste ? Les impôts…
Comme avec Zemmour ou Marine, l’insécurité et l’immigration ça va être vite réglé ! Si on voyait pour le reste ? L’Europe…

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