Comment passer de la revendication ciblée sur les hausses de prix des carburants au débat d’idées donc à la politique

par Elliot
mardi 18 décembre 2018

 

Derrière toute expression de malaise social il y a des pécheurs en eau trouble. Chaque manifestation charrie ses accompagnateurs qui profitent de l’occasion pour s’adonner à leur sport favori, la castagne ou la rapine.

C’est aussi inévitable qu’un club de supporteurs de foot sans tordus à qui tout prétexte est bon pour en découdre : soit on sublime la victoire en agressant les partisans du club battu oit on venge la défaite en s’en prenant au camp des vainqueurs, bref toute situation est mise à profit pour extérioriser ce qui n’est probablement qu’un profond mal de vivre. Ou un tout cas un profond attrait pour les plaies et les bosses, résurgence des temps anciens où l’homme était un loup pour l’homme.

 Parmi les gilets jaunes, comme dans tous les groupes humains, il y a de braves hères sensés, raisonnables qui sont respectueux des biens d’autrui et surtout des symboles collectifs et il y en aussi qui sont revenus de tout, qui ne votent plus, qui n’ont plus aucune activité sociale sinon celle de geindre, de gémir sur leur sort et d’en rendre les symboles de la collectivité responsables.

Tous ces fâcheux caillassages que les Médias ont exploités jusqu'à plus soif n’ont pas ou ont à peine réussi à entamer le capital sympathie que le mouvement a réussi à se créer dans l’opinion publique. De même l’exploitation à tout le moins indécente par le gouvernement du geste assassin d’un illuminé à Strasbourg n’a pas rencontré l’effet escompté, les gens faisant tout de même encore la différence entre un geste insensé et la geste des Gilets jaunes qui s’inscrira dans la continuité historique en renouant avec un passé frondeur.

 

Aujourd’hui il ne faut pas être particulièrement lucide pour voir que les propositions du gouvernement ne répondent plus aux revendications plus générales des gilets jaunes.

 

Bref, ce qui était perçu au départ et par tout le monde y compris la vraie Gauche comme un mouvement de rejet de la hausse des carburants s’est étoffé à l’occasion des discussions sur les lieux de rassemblement pour devenir une mise en cause globale du système ( certains parleront de fuite en avant ) y compris dans ce qui paraît le plus utopique à concevoir une remise à plat des Institutions pilotées par ceux qui en sont actuellement en charge.

J’incline à penser que c’est le plus bel acquis de ces luttes illustrées par l’occupation des ronds- points : il y a là des gens que leur vie passée n’aurait jamais pu réunir et qui ont noué des affinités.

Rien ne dépassera jamais ce renouveau de la sociabilité élective entre ces gens que tout séparait et qui ont trouvé dans l’expression de leur lutte un formidable adjuvant à renouer avec la vie communautaire. Puisse cet élan ne pas se perdre à nouveau dans l’individualisme forcené que sous-tend le piège tendu par les dominants qui ont beau faire un peu profil bas mais n’ont pas pour autant desserré le collet.

Dans un précédent article je craignais que l’issue du mouvement ne soit anticipée par l’absence de leaders et de projet.

Certains gilets jaunes – moins nombreux samedi passé à Paris pour l’acte V mais peut-être plus déterminés – ont enfin avancé une vraie revendication politique portée par des personnes qu’ils n’ont pas contestées : le referendum d’initiative citoyenne.

Ceux-là étaient entrés dans le mouvement méfiants des jeux politiques : ils font maintenant de la politique au sens noble du terme.

Et tout le monde politique aujourd’hui ou à peu près embraye sur ce qui était – mais chut ! il ne faut pas le dire - un point du programme des Insoumis dans l’Avenir en commun, les uns d‘évidence pour en faire un hochet sans importance, d’autres parce qu’ils ont compris – enfin je l’espère - que l’on ne gouverne pas une nation contre l’avis majoritaire de ces citoyens.

On pourra toujours compter sur certains pour dévoyer le projet dans le sens d’une division de la nation en cherchant à dresser les nationaux contre les immigrés ou assimilés tels car il y aura toujours suffisamment de tronches en biais, congestionnées, les yeux révulsés, exorbités, la bouche pâteuse pour éructer des « On est chez nous » entre deux hoquets acides causés par le mauvais pinard qu’ils ingurgitent à pleins seaux.

Le Président Macron avait déjà saisi toute l’astuce de mêler l’immigration aux thèmes soumis à discussion avant de la retirer sous la pression dans son propre camp de ceux qui ont encore un vague souvenir de leur passé à gauche et ne peuvent pas pousser le reniement jusqu’à ces extrémités procédurières.

On sait que de tout temps n’importe quel chiffon agité devant le museau de certains demeurés peut se muter en problème existentiel et a fortiori un chiffon de papier comme le fameux pacte de Marrakech qui n’est qu’une déclaration d’intentions dont il est expressément déclaré qu’elles resteront au niveau des tentatives inabouties si tel est le souhait des gouvernants à l’écoute des peurs de leur propre population.
Tout cela n’empêche pas certains au Figaro d’y voir par on ne sait trop quels tortueux cheminements sémantiques une dangereuse portée jurisprudentielle qui viendrait faisander le cortex cérébral de nos législateurs et de ceux qui sont chargés d’appliquer leurs directives.

 

Macron sera-t-il le dernier président d’une cinquième république à bout de souffle ou un nouvel autocrate à imposer sa politique sous la contrainte en faisant fi de la volonté majoritaire ?
Refusera-t-il de modifier de fond en comble la manière d’appréhender la gouvernance en favorisant autrement qu’en théorie la consultation populaire quand se posent à la nation des problèmes que les simplifications néo-libérales ont tendance à snober voire à nier ?

A moins qu’il n’abandonne toute velléité d’encore engager les réformes qui lui semblaient nécessaires pour le bien de la France selon ses dires mais sans doute davantage mandaté par l’oligarchie mondiale dont il était un des fers au feu.

Il s’était bien promis de les mettre en œuvre mais il devra peut-être se contenter de tirer sa flemme, son mandat pardon ! pendant encore trois longues années. En évitant de faire des vagues.


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