Comment réussir quand on est con et pleurnichard

par Jacques-Robert SIMON
mardi 4 mai 2021

 Être con et pleurnichard semblent être les deux vertus cardinales pour ‘réussir’ dans la vie. Des exemples précis peuvent être donnés, des solutions pour ne pas le rester également.

 Prendre le pouvoir pour augmenter le bien être d’une clientèle donnée, d’une fratrie, d’électeur circonscrits, d’une strate socio-culturelle déterminée… semble constituer le but ultime des personnes qui se réclament de la gauche. La droite quant à elle se contente d’affirmer qu’elle est la seule à savoir gouverner par ses aptitudes, son savoir faire, son entregent et qu’il suffit de la confirmer dans ses privilèges, elle saura faire ruisseler les miettes du festin vers le peuple. Cependant, ceci constitue-t-il une démocratie ?

 Commençons par une évidence. Si chacun se comportait en honnête homme, c’est à dire s’il traitait avec la même rigueur et les mêmes principes lui-même et les autres, n’importe laquelle organisation politique conviendrait. Ce n’est pas le cas loin s’en faut ! Il faut donc contraindre tout ou partie du corps social afin de s’éloigner un tant soit peu de l’animalité résiduelle qui couve en chacun. Les dirigeants sont destinés à prendre les décisions qui nécessitent des efforts, les autres allant de soi.

 Commençons par les pleurnicheries !

 Le crédit d’impôt recherche (CIR) existe depuis plus de 30 ans. Il a eu pour objectif d’améliorer l’innovation et la compétitivité des entreprises pour permettre de sauver voire de créer des emplois. Les entreprises purent ainsi engager des dépenses de recherche et développement en étant en partie remboursées de ces dépenses. Une longue liste de conditions doivent être réunies pour bénéficier de cet avantage mais presque tous sont capables de donner de leur énergie pour récupérer des subventions. L’industrie pharmaceutique, en particulier, fut une des grandes gagnantes de ce dispositif tout en détruisant d’une façon significative des emplois de R&D en France. Le CIR a été multiplié par 10 ces dernières années et quelque 20 000 entreprises en bénéficient. Profiter des subsides de l’État rencontre un réel succès parmi ceux qui professent la libre concurrence, les lois du marché, l’adaptabilité aux imprévus, ces subsides n’allant que marginalement vers les investissements et servant plutôt à rétribuer les actionnaires. D’autres types d’aides publiques se prêteraient aux mêmes commentaires.

 Les trois principaux syndicats quant à eux dénoncent les plans sociaux proposés et le plan de relance du gouvernement, qu’ils jugent décevant, en faveur des grandes entreprises, mais pas des salariés. Ils désirent, entre autres choses, l’abandon de la réforme de l’assurance-chômage. Ces revendications baignent dans un tissu demandant plus de moyens, plus d’effectifs, plus de primes ou de salaires de la part de presque tous les secteurs d’activités.

 Une classe dirigeante doit diriger, c’est un fait, mais pour l’ensemble de ses assujettis, avec comme unique critère de choix le bien de tous. Les règles qui s’appliquent à une unité n’ont rien à voir avec celles qui guident une collectivité. Et les décisions confortent la plupart du temps les intérêts des décideurs sans d’ailleurs qu’ils s’en rendent vraiment compte. Les partis, les cénacles, les clubs de pensée, les ‘think tanks’… ne pensent pas ils s’organisent pour garder le pouvoir en se donnant des armes de domination. Non seulement ils obscurcissent la démocratie mais ils l’interdisent. Tous veulent convaincre, personne ne souhaite expliquer.

 Comment dans ces conditions ne pas rester c… ! 

 Les savants, les érudits, les lettrés, les innovateurs, plus généralement les créateurs, sont peu portés à exercer des fonctions qui nécessitent incessamment de trancher afin de dégager une décision. Ils savent que rien n’est simple et qu’il est plus aisé de faire des erreurs, surtout si on les noie dans un grand volontarisme, que de déterminer ce qu’il est bon de faire. La raison n’est qu’une aide ténue pour devenir un décideur, la plupart d’entre eux se référent plutôt à une idéologie même s’ils préfèrent souvent la cacher sous le terme enchanteur de libéralisme. Les premières générations d’une élite naissante sont généralement d’une assez grande qualité intellectuelle et morale (ce n’est pas une règle). Il leur a fallu se frotter aux difficultés pour arriver près des dieux. Mais Érasme l’avait déjà constaté, ‘le poisson pourrit par la tête’. Année après année, les découvreurs initialement solitaires fondent des lignées, tissent des liens de plus en plus étroits avec leurs semblables, mijotent dans le même bain d’idées frelatées qui ne sont que des prétextes à ne plus rien remettre en cause, générations après générations ils forment avec leurs coreligionnaires une caste de ‘gens comme il faut’, fréquentables et ils se préoccupent alors bien plus de sauvegarder leur statut social qu’à se passionner pour des innovations. La créativité s’effaçant, elle est remplacée par un certain esprit de concurrence qui consiste en fait à faire acquérir à ceux qui ne les ont pas les codes sociaux dont ils sont les possesseurs, en se posant évidemment en arbitres des contrôles.

 Puisque cela semble parfaitement inévitable, va pour une élite, mais au moins une élite qui en soit une.

 À cet égard, la fin de la convertibilité du dollar en or effectué en 1971 peut être une aide considérable. La créativité lorsqu’elle disparaît fait presque toujours place à la cupidité et il est difficile de récupérer les sommes accumulées par les possédants sans déstabiliser gravement l’État ou la Nation qui les abrite. Ne reposant plus sur un bien matériel quelconque, le dollar est devenu une monnaie virtuelle dont la valeur reflète l’état d’un rapport de forces et non pas une réserve de biens. Il a pu être constaté récemment que la création monétaire pouvait atteindre des sommets vertigineux sans que le système ne soit le moins du monde ébranlé. Il est donc possible de noyer les possédants par une monnaie virtuelle sans qu’il soit nécessaire de les déposséder de manière plus visible. À noter que les fortes périodes d'inflation liées aux deux guerres mondiales ont provoqué ‘ l’euthanasie des rentiers’ comme saluée par J. M. Keynes. Ce grand remplacement de la bourgeoisie vieillissante pour une autre en devenir a très probablement permis l’essor des ‘Trente Glorieuses’. De 1939 à 1946 l’inflation annuelle a pu atteindre 50%.

 La Démocratie doit être réinventée sous peine de disparaître. Le suffrage universel (masculin) date du 11 août 1792 lors de l’élection à la Convention nationale. Le principe ‘un Homme, une voix’ a été capté par les partis politiques (et autres cénacles) pour en faire un instrument d’accession au pouvoir. Pour transformer les intelligences individuelles en forces inintelligentes, on inventa les programmes électoraux sous-tendus par une idéologie, voire, pour les plus prétentieux, justifiés par une théorie. Mais aucune théorie n’est juste ! Certaines d’entre elles, mais ni en économie ni en politique, sont en accord avec le réel et tentent d’en décrire un fragment. Se référer à une transcendance même sous un aspect scientifique conduit immanquablement à un affrontement entre les bons et les méchants, les croyants et les infidèles, les raisonnables et les dévergondés.

 Les démocraties ne meurent pas de la déliquescence des partis, elles entrent en agonie à cause de leur présence. Les citoyens doivent s’emparer pleinement de leur voix indépendamment de toute pression, de toute gesticulation de tribune, de tout attrait pour un Homme : il doit voter lui même les lois (importantes). Bien entendu des professionnels de la politique doivent être conservés pour élaborer et discuter ces lois. Celles-ci sont tellement pleines de pièges et d’embûches qu’elles doivent être passées à travers l’étamine et la férocité de personnes rompues à cet exercice. Mais une fois formalisées, chaque homme, chaque femme, doit exprimer seul son accord ou son désaccord à dans le secret d’un isoloir. La démocratie représentative laisser place à la Démocratie qui pourra alors devenir ou redevenir un sacré qui lui manque tant.

 Bien évidemment le diplômé germanopratin se déterminera selon des critères bien différents de ceux du chauffeur routier, mais c’est justement la vertu d’une démocratie qu’il en soit ainsi. En dehors du respect que l’on doit à tous et à chacun et de la justice, il en va de l’efficacité et de la survie des démocraties. 

 


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