Complotisme, désespoir d’un père
par eddofr
lundi 21 juin 2021
Hier soir, nous avons dîné en famille, après plusieurs mois de "distanciation", confinement et couvre-feu oblige.
A un moment de la soirée, je ne sais plus comment, le sujet dérive sur le peuple juif...
Et là, mon fils, pas n'importe qui, pas un pauvre enfant inculte des cités défavorisées, non, mon fils, nous assène cette vérité incontestable : "On ne peut rien dire sur les Juifs."
Et de poursuivre pour nous expliquer que "les Juifs contrôlent tout et qu'on peut critiquer n'importe quelle communauté sauf les Juifs".
Et de nous expliquer que "la Shoah a été largement exagérée et que les nazis n'ont tué que quelques dizaines, peut-être centaines de milliers de Juifs".
Et de préciser que "les nazis ont tué bien plus d'Africains, d'Arabes, de Tziganes que de Juifs, mais on n'en parle pas".
Et d'ajouter "quand on voit qu'on est incapable de brûler les morts de la Covid-19, comment les nazis auraient-ils pu brûler des millions de Juifs ?"
Nous avons alors tenté, son frère et moi, de l'interroger, de comprendre comment il en arrivait à cette conclusion effarante.
Nous avons essayé d'argumenter aussi.
Pour avoir vu ou visité quelques sites (Buchenwald, Auschwitz...), vu des archives photos, lu des témoignages, peut-on mettre en doute la Shoah ?
Peut-on comparer l'incinération "en urgence et dans la pagaille" des victimes de la Covid-19 avec l'incinération planifiée et "industrialisée" des victimes des chambres à gaz ?
Mais la discussion a tourné court et mon fils a quitté la pièce en pestant "ils sont forts ces Juifs, dès qu'on parle d'eux, même entre nous, ça se finit comme ça".
Je suis, aux yeux de mon fils, instrumentalisé par les "Juifs".
Je ne pourrais même pas discuter avec lui, essayer d'obtenir ses "sources" pour les étudier, les analyser et, si nécessaire, les critiquer.
Je ne pourrais même pas essayer de comprendre pourquoi il soutient cette théorie conspirationniste et comment il en est arrivé là ?
Pourtant, j'ai essayé de lui apprendre à lire, à confronter les sources, à analyser, à essayer (autant que faire se peut) de vérifier les données, à faire appel à son esprit critique, à comprendre les intérêts en jeu...
Pourtant, jamais je n'ai jamais nié l'existence de complots, mais je lui ai expliqué la différence autre la concomitance et la causalité.
Pourtant, je lui ai toujours montré qu'avant de chercher "à qui profite le crime", il fallait déjà vérifier qu'il y ait effectivement "crime".
Pourtant, je lui ai démontré, à plusieurs reprises, qu'on peut tirer profit d'un évènement (mauvais pour certains) sans pour autant en avoir été ni instigateur ni complice.
Pourtant, je lui ai enseigné la "légitime défiance", contre les affirmations du pouvoir et contre les affirmations des "opposants proclamés", mais aussi contre ses propres certitudes.
Mais voilà, il détient maintenant une "certitude", une vérité absolue et on ne peut même plus essayer d'en discuter avec lui, puisque, si on n'est pas d'accord avec lui, c'est qu'on est complice ou manipulé.
Comment, mais comment a-t-il pu en arriver là ?
Et surtout, comment l'en sortir ?