Concours infirmier, une belle anarque ?

par Prosper
mardi 10 avril 2007

En plein dans la session des concours pour une rentrée en IFSI (Institut de formation en soins infirmiers) pour la rentrée de septembre 2007, le business qui tourne autour des concours est tout bonnement hallucinant. A ceci s’ajoutent des contraintes totalement farfelues, donnant un peu l’impression de se faire plumer plus qu’autre chose.

Mais tout d’abord, qu’est la formation infirmier ?

C’est une formation de trois ans, quasiment à temps plein, avec seulement six ou sept semaines de vacances par an, une dizaine de stage validant (ou pas) dans les différentes secteurs hospitaliers et, au bout des trois ans, un examen pour obtenir le diplôme d’IDE (Infirmier diplômé d’Etat). La formation a pour réputation d’être particulièrement difficile, le taux d’abandon ou d’élimination pendant les trois ans étant de plus de 50% dans certains IFSI. En parallèle on notera des détails amusants comme la non-reconnaissance du statut d’étudiant (donc pas de CROUS, et plus de difficulté pour accéder aux différentes bourses) et un diplôme reconnu pour deux ans de formation. Autant dire qu’il faut être clairement motivé pour ce lancer dans cette aventure. Rappelons enfin, qu’infirmier fait partie des trois secteurs prioritaires à l’emploi, et permet donc d’avoir le droit à un AFF (Allocation de fin de formation) des Assedic, et ceci, sans avoir à batailler, pour mon plus grand bonheur de chômeur.

Mais revenons à nos moutons. Depuis une vingtaine d’années, la sélection pour rentrer en IFSI se fait via un concours en deux étapes, chacune éliminatoire.

La première partie est un concours écrit, mêlant culture générale sur des thèmes sanitaires et sociaux par de l’expression écrite et des tests psychotechniques. Autant la culture générale ressemble, à mon avis, plus à de la roulette russe, comme peut l’être la partie philo au concours du baccalauréat, autant la partie psychotechnique frôle le n’importe quoi. Ce sont essentiellement des tests de logique et de mathématique, en temps limité (voire très limité), de niveau quasiment ingénieur pour certains. Les fameux masterminds, tant redoutés, sont à mon avis le summum. Ils demandent une logique parfaite, et à 30-40 secondes pour des masterminds à 4 ou 5 inconnues, cela frise l’illumination pour arriver à tout faire. Pour pouvoir passer à la partie suivante, il faut avoir une note supérieure à la note éliminatoire. La seconde partie du concours est un oral, lui aussi éliminatoire en dessous d’une certaine note. Avec une première partie de 10 minutes sur un thème sanitaire et social, et une seconde partie ressemblant à un entretien d’embauche où le jury, composé de corps enseignant et médical, juge de votre capacité à vous vendre. Je ne reviendrai pas sur les deux aspects du concours, quand il y a 1 200 inscrits pour 68 places (comme dans le cas de l’IFSI de la cCroix rouge), il faut bien trouver une méthode d’élimination. Mais la sélection primaire ne s’arrête pas là. Il y a une troisième élimination, car les futurs étudiants qui ont passé avec succès les deux premières étapes sont maintenant classés suivant une liste principale (les pris d’office) et une liste complémentaire (en attente que les pris d’office se désistent).

Passons à la partie vraiment arnaque du système : les méthodes d’inscriptions.

Il y a deux sessions par an, l’une au printemps (de mars en mai) et la seconde à l’automne (de septembre à novembre), donnant des rentrées, soit classique en septembre, soit moins classique en février. Une majorité de futurs étudiants comme moi, raisonnent sur le principe suivant : "Je suis à telle période de l’année, les prochains concours sont ceux de la période du printemps (ou de l’automne), comme je ne sais pas si je ne serai pas éliminé avant de pouvoir au moins arriver à une des deux listes, je vais passer un maximum de concours pour maximiser mes chances, plutôt que d’attendre la prochaine session (reportant alors de six mois) et recommencer tout à zéro". En conséquence de quoi, pour chaque session, sur la région visée, on cherche à passer le maximum de concours. Et c’est là que cela se complique, car il faut clairement avoir un budget conséquent. Eh oui, pour le concours, il est demandé des frais d’inscription (de 68 euros pour Fontainebleau à 99 euros pour la Croix rouge française), plusieurs lettres (celle pour l’envoi, une pour la/les réponses), différents documents (photocopie de la carte d’identité, d’un diplôme validant la fin des études secondaires et une ou plusieurs lettres manuscrites). Mais il faut aussi compter les frais annexes comme les frais de transports, ce qui donne environ 100 euros par concours, tout compris. Pour la session de la RP (Région parisienne), il y a grosso modo trois concours possibles. Comme les IFSI se regroupent pour faire passer le concours le même jour, pas de possibilité d’en faire plus de 3 ou 4 par régions. Mais si le concours est commun dans son contenu, seul l’AP fait un concours unique pour tous les IFSI AP. Pour tous les autres, c’est à chaque fois individuellement. Diminuant ainsi le nombre de concours passable par session et augmentant la probabilité de devoir revenir pour la session suivante, en remettant la main au porte-monnaie, les frais d’inscription n’étant pas remboursés. Pour ma part, j’ai pris les trois concours possibles, ce qui m’a déjà coûte la modique somme de 300 euros tout en sachant que si je suis élimine à l’écrit (et donc ne passe pas l’oral) ou à l’oral, j’aurai perdu 300 euros. Une partie conséquente allant dans les poches de l’IFSI et/ou finançant les oraux des autres. Prenons l’exemple de l’AP HP qui est le plus probant. Le nombre de candidat au concours est d’environ 8000. A 70 euros par personne, cela donne un budget de 56K€. Cela fait quand même une sacrée somme. Théoriquement, les 70 euros servent pour financer l’écrit et l’oral. Seulement statistiquement (enfin, statistique très personnel), environ 50% sont éliminés au premier tour. Sur les 56K€, 28K€ sont donc réservés pour l’oral (encore une fois, estimation très personnelle). Si 50% sont recalés à l’écrit, il y a 14K€ qui vont ... dans les poches de l’AP HP (ou de l’IFSI faisant le concours). Et encore, l’AP HP ne fait pas partie des plus chers. La CRF avec ses quasiment 100 euros (le choix de 99 euros doit être un effet marketing), n’a pas plus de coût de fonctionnement que l’AP HP. On peut estimer qu’ils ont plus de difficulté à réduire les coûts avec une quantité inférieure de postulant, mais faites le calcul avec 50% pour l’écrit et 50% pour l’oral. C’est très rentable. Pour faciliter les éliminations (ou la sélection, il y a un autre paramètre à prendre en compte, à la fois au niveau du concours, et au niveau des formulaires d’inscription. Et alors là, cela frise vraiment le ridicule. Autant les points enlevés (ce sont en fait des points perdus) à l’épreuve de culture général, si on fait 11 lignes au lieu de 10 quand c’est précisé, peuvent encore se comprendre. Par contre les contraintes pour remplir les formulaires d’inscriptions sont tout bonnement hallucinantes. Par exemple pour l’APHP, il y a deux formulaires "d’état civil". Sur un il est spécifié (en pas très gros) qu’il faut impérativement écrire en noir, et sur l’autre rien du tout, sinon le dossier est refusé. Je me demande d’ailleurs s’ils gardent le chèque dans ce cas-là. Mais le top reste encore une fois la CRF qui fait preuve d’imagination à demander une carte postale (oui, vous avez bien lu) à son adresse, uniquement pour confirmer la réception du dossier.

Pour conclure, je pourrais parler des préparations aux concours, qui permettent de s’en mettre un peu plus dans les poches sur le dos de l’étudiant ; ou encore de la facturation aux personnes en AFF, du coût effectif de formation. Soit la bagatelle de 7K€/an. Plus cher qu’une école d’ingénieur, mais sur cinq ans.

Et après ça, on manque d’infirmiers ...

Liens :

- L’excellent site de Stéphane Beltrane qui met à disposition gratuitement des exercices corrigés.


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