Confinement renforcé : Du paradis à l’enfer, selon que vous serez nanti ou misérable...

par Alexandre Gerbi
mardi 24 mars 2020

Dans la France macronienne de l'an de grâce 2020, on confine sur fond de coronavirus. Mais attention : il y a "confiné" et "confiné". Galerie de portraits d'un peuple en immersion totale, propulsé dans la folie par un Président et un Système ayant apparemment rompu toutes les amarres de la réalité.

Germain, 38 ans, est professeur d'Histoire-Géographie dans un grand lycée de banlieue parisienne. Il habite une belle maison avec jardin. Le confinement ?

- Le panard... On est en vacances ! Toute la journée avec Christelle et les enfants, j'ai enfin du temps libre pour tout ce que je ne peux pas faire le reste de l'année. Le panard, c'est le mot !

Seul bémol :

- Ces imbéciles de la municipalité ont fermé le bois d'à côté. Comme si les arbres pouvaient nous coller le Covid-19 !

Sofia, 47 ans, institutrice elle aussi en banlieue parisienne, habite un joli deux pièces lumineux avec balcon dans une petite ville privilégiée. Elle vit seule et traverse le confinement comme une plage de repos et de méditation.

- Je ne sais pas ce qui m'arrive, je n'arrête pas de dormir ! Ça fait un bien fou... Les copines au téléphone me bassinent avec le coronavirus. Ras-le-bol ! Heureusement, je ne suis pas obligée de sortir, le gens ne parlent que de ça, je n'en peux plus... Et puis la queue au supermarché, c'est du délire ! Alors j'y vais au minimum. Je reste tranquille chez moi, je bouquine et je butine sur Internet...

 

"C'est vrai que ça fait tout drôle..."

Bernard, 73 ans, lui, a fait un autre choix. Médecin spécialiste à la retraite, avec sa femme, elle aussi ancien médecin, ils ont quitté leur appartement haussmannien du VIIIe arrondissement de Paris, dès le lendemain de l'annonce du confinement par Macron. Le trajet à bord de leur puissante Mercedes s'est passé sans encombre. Ils ont retrouvé leur maison de campagne en Sologne, rejoints dès le lendemain par leur fils, Cyril, 42 ans, haut fonctionnaire, leur belle-fille, DRH dans un grand groupe, et leurs deux enfants. 

- Nous profitons de ce splendide mois de mars, se félicite Bernard, le ciel est avec nous ! Certains jours nous pouvons même déjeuner sur la terrasse, et les produits locaux sont comme toujours excellents ! L'après-midi, c'est partie de raquette ou de ping-pong dans le jardin et jeux de société. Mes petits-enfants adorent et sont surexcités d'être dispensés de l'école dont ils ne sont pas des fanatiques (il rit). Bien sûr, le cheval ce sera pour une autre fois, le haras est fermé. C'est vrai que ça fait tout drôle...

Pour Muguette, 68 ans, ça fait aussi tout drôle. Femme de ménage retraitée, veuve depuis cinq ans, elle habite un tout petit studio exposé plein nord dans une banlieue populaire. Ses enfants, tous les deux employés dans la grande distribution, vivent à Dunkerque, pas question de les rejoindre. Elle n'en a pas les moyens et eux non plus. Ses deux meilleures et seules amies résident à l'autre bout de la ville, et "il est défendu de prendre le bus". C'est en tout cas ce qu'elle a cru comprendre du discours de Macron. Et avec son minimum vieillesse et la toute petite pension de réversion de son défunt mari, la perspective d'une amende à 135 euros est pour elle synonyme de ruine.

- Je sais que les flics ne me rateront pas ! lâche-t-elle, d'une petite voix faible et amère.

Un peu paranoïaque, Muguette ? Peut-être. En tout cas, elle vit sagement confinée depuis sept jours. Elle n'a mis que deux fois le nez dehors, pour remplir son cabas roulant de légumes, au marché qui se tenait encore deux fois par semaine "à deux pâtés de maisons". Elle redoute que le confinement n'entre dans sa phase plus "stricte", comme l'a annoncé Edouard Philippe au journal de TF1. Que le marché s'arrête et qu'elle doivent se rabattre sur la supérette, où "les légumes sont plus chers et moins bons". "Ça dépendra du maire d'après ce qu'il a dit", conclut-elle le regard dans le vague.

 

"Une nasse se referme"

Paranoïaque aussi, Adeline, 44 ans. Elle ne l'était pas avant le confinement, dont elle reste une chaude partisane "pour enrayer cette épidémie hyper meurtrière". Dans son HLM parisien, plutôt vaste pour une personne seule, elle fume des pétards pour oublier le "corona" qui la terrorise. Elle ne voit plus personne puisque "personne ne l'appelle". Elle a "la flippe" de sortir son chien dans les rues vides avec leur ambiance de fin du monde. Peur d'une agression, elle qui pourtant, en temps normal, fait l'éloge du "vivre ensemble". Elle veut fuir dans sa province natale, "retrouver des potes" qui peuvent l'héberger et avec qui elle pourra "au moins discuter", même si elle avoue avoir quelques craintes sur les risques d'un huis-clos prolongé. Mais échapper à la solitude dans laquelle le confinement la noie est devenu son rêve quotidien, son obsession. Partir en voiture ou en train ? Elle hésite, refait ses calculs, car son allocation chômage n'est pas énorme, et elle est déjà lourdement endettée. Qu'arrivera-t-il si elle croise la police sur le trajet ? Faut-il qu'elle se fasse envoyer une attestation par ses parents avec qui elle n'a plus guère de contacts ? Mais est-ce valable ? La poste fonctionne-t-elle ? A-t-elle le droit de se rendre à la gare ? Les questions se bousculent dans sa tête. Elle ne va pas très bien...

A 26 ans, Louis non plus ne va pas très bien. Dans une minuscule chambre de bonne du XIXe arrondissement, au septième étage sans ascenseur, il s'accommode en temps ordinaire de la lucarne qui lui sert de fenêtre. Sous prétexte de jogging autorisé par les autorités, il n'a jamais autant couru que depuis le début du confinement. Il vit comme une catastrophe l'annonce que dorénavant, le périmètre de ses courses devra être réduit à un kilomètre autour de son petit domicile, qu'il voit maintenant "comme un cachot", et surtout se limiter à une heure par jour. Il a l'impression qu'"une nasse se referme" autour de lui...

 

Tour de vis et réalités

Le confinement que vivent Germain, Sofia et Bernard ressemble à des vacances. Celui que subissent Muguette, Adeline et Louis ressemble à une prison. Pour les premiers, un parfum de paradis ; pour les seconds, un avant-goût de l'enfer.

Selon un raisonnement et au gré de motifs qui restent à éclaircir, Macron, sous les ors de l'Elysée, a décrété du jour au lendemain le confinement pour tout le pays. Il vient une nouvelle fois de le durcir, sous les encouragements de Le Pen et d'Hidalgo. Si tout se passe comme jusqu'à présent, ce nouveau tour de vis aura lieu avec le consentement de toute la classe politique, le soutien des médias et, nous disent les sondages libres et non faussés, l'approbation massive de l'opinion publique poussée à la résignation et abreuvée de psychose. Pour quelques dizaines ou centaines de milliards d'euros de plus, car le confinement coûte affreusement cher. Des sommes astronomiques, pharamineuses qu'il faudra bien rembourser, même si les caisses de l'Etat sont déjà plus que vides et que l'économie va en prendre un sacré coup. On voudrait couler le pays qu'on ne s'y prendrait pas autrement... Du reste sans aucune garantie que le fameux virus en sorte vaincu. Avec même un petit risque qu'il s'en trouve renforcé. Les desseins de Macron sont impénétrables (1)...

Le président de la République et ses acolytes, politiques ou journalistes vedettes, vivent bien loin de la réalité des petites gens qui sont les premières victimes, présentes et futures, de leurs choix délétères. Ils décident, manipulent, imposent, et après eux, le déluge. Un peu comme au temps des rois.

C'est à se demander à quoi a servi la Révolution.

 

(1) Ici et ici une hypothèse intéressante en deux volets.


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