Cons, sots, mais pas trop !
par Iris
vendredi 6 juillet 2007
Je n’y connais rien en économie et en finances, mais on n’arrête pas de nous dire que pour sauver la croissance (la croissance de quoi ? Des haricots ?), il faut consommer. Tout tient sur ce mot magique, la Con-Sommation.
Et attention, pour consommer, il faut avoir le moral. C’est qu’il est testé régulièrement par l’INSEE le moral des consommateurs, le moral de la ménagère. Elle a intérêt a avoir le moral la ménagère et ne pas dépasser 50 ans, attention parce qu’après elle n’est plus "baisable", heu, testable, pardon. Excusez-moi, j’ai le cerveau un peu lobotomisé parfois. Après, on ne parle plus de la ménagère, mais des seniors, on mélange les deux sexes, la vieille ménagère et le vieux à ménager, si, si, c’est dans les cours de marketing.
Il y a aussi le panier moyen du consommateur comme indicateur du moral des troupes. C’est quoi un panier moyen ? Des pommes de terre, des carottes et des saucisses ? Ou du foie gras et des huîtres ? Ou les deux ? Hum, cela doit être la moyenne du panier riche avec le panier pauvre. Oui, c’est la moyenne du panier d’en bas avec la moyenne du panier d’en haut. C’est la moyenne de ceux qui n’ont pas le moral avec ceux qui ont le moral
Donc, le moral, tous les jours il faut l’avoir le moral, en allant faire ses petites courses. Et ce n’est pas tous les jours facile de le garder. Ils me font rire avec leur moral, parce que si je comprends bien, qui dit moral dit argent à dépenser. Et pourquoi je ne pourrais pas avoir le moral sans un sou en poche, hein ! Et qu’est-ce qu’ils font des radins riches, hein ! Ils ont le moral, eux, ils planquent tout en épargne. Ah, si, j’oubliais ils font marcher les banques, ça doit entrer dans leurs statistiques de bons consommateurs, de bons citoyens.
Ainsi, il faut être guilleret pour sauver l’économie, joyeux, optimiste, plein de frénésie d’achat. Renault a vendu moins de voitures, le semestre dernier, - 13,1 %, je crois qu’ils ont dit à la télé. "Hein", "quoi", "horreur", les Français n’ont plus le moral et ils font souffrir Renault, oui, car Renault souffre, ils l’ont dit dans le journal.
Mon Dieu, pardonnez-nous de ne pas avoir acheté assez de voitures le semestre dernier, nous faisons souffrir les constructeurs automobiles.
Je répéterai trois fois ce soir agenouillée devant mon lit, "je garderai le moral pour pouvoir acheter une voiture dès que je peux", "je ne ferai plus souffrir l’économie, dorénavant, j’achèterai tous les jours un petit quelque chose" -une voiture, veuillez me pardonner, mais mes moyens ne me permettent pas d’en acheter souvent - "je promets d’être joyeuse et pleine de confiance en l’avenir pour acheter des produits qui permettent à l’économie de résister, de créer le plein emploi, de rendre le marché euphorique"...
Non, mais, c’est vrai tout cela ? Je ne rêve pas là ? Dites-moi que je rêve et que ce n’est pas possible qu’on en soit arriver là ! Dites-moi que je rêve...
Dites-moi que je peux encore me sentir joyeuse devant un ciel étoilé, un soleil qui se couche, un sourire de l’être aimé, sans avoir bourse à délier. Dites-moi comme Rimbaud :
"Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la nature, heureux comme avec une femme"
Je vous l’avais dit, je n’y connais rien en économie.
Allez, consommez pas trop quand même, on peut mourir de trop de bonheur !