Conspi contre anti : Match nul

par ecophilopat
mardi 10 février 2015

Les articles abordant le sujet du complot ou de sa théorie se multiplient sur le net et après la lecture d'un certain nombre d'entre eux, et en particulier des commentaires les accompagnant, il apparaît que le sujet soulève les passions mais que la cacophonie qu’ils engendrent ne produit pas grand-chose d’intéressant.

Dans ce texte sans prétention je vais essayer de vous faire part de ce que j’ai retenu de mes lectures et éventuellement de faire un peu de tri, de remettre deux ou trois choses à leurs places et de fournir une grille de lecture pour ce genre d’article.

 

D'après ces articles et leurs commentaires donc :

Le monde se divise en deux catégories, les complotistes et les anti-complotistes, ou, c'est selon, les conspis et les anti-conspis, également synonyme de pro VO et anti VO. Pour me faciliter la tâche dans l’écriture de cet article, j’utiliserai les abréviations conspi et anti.

Il est nécessaire je pense avant toute chose, de bien préciser la définition de ces deux termes, et comme il n’en n’existe pas d’académique, celle-ci nous sera donnée respectivement par leur antagoniste.

 

Définition du conspi donnée par un anti  :

Personne réfutant systématiquement toutes V.O. sur tous les sujets. Adepte d’un gourou. Qui pense que les médias traditionnels et les différentes autorités mentent toujours, et qui par conséquent gobe tout ce qui s’écrie sur internet. Pense également que l’on nous cache tout et que le monde est dirigé par, au choix, les Illuminatis, les Francs-maçons, les Sionistes, voire les Reptiliens.

 

Définition de l’anti donnée par un conspi :

Personne qui avalise systématiquement toutes V.O sur tous les sujets. Drogué au 20heure de TF1. Qui est crédule voire naïf. Qui ne jure que par les médias traditionnels et rejette tout ce qui vient d’internet. Qui pense que les autorités ne peuvent mentir et que par conséquent tout va bien dans le meilleur des mondes.

Une troisième catégorie rarement cité et qui pourtant à mon sens est la plus représentée, et celle des « ceux qui doutent » aussi appelés sceptiques et dont tout le monde connaît la définition.

Pourquoi n'en parle t-on pas plus souvent ? Parce que la situation du sceptique est instable, il peut à tout moment basculer dans l’une ou l’autre des deux catégories précitées. Si par exemple, dans un accès de sincérité, une personne se pensant sceptique évoque un article de Thierry Meyssan, non pas comme une preuve de quoi que ce soit mais juste comme un point de vue à ajouter au débat, aussitôt donc ce sceptique va se retrouver catalogué dans la section conspi.

Et à l’inverse si ce même sceptique vient à critiquer, en toute bonne foi, l’article de Meyssan il se verra de facto renvoyé dans la section anti.

Le statut des « ceux qui doutent » fluctue donc en fonction de l’interlocuteur.

A partir de cette présentation, on commence à comprendre qu’une discussion sérieuse entre ces trois catégories peut s’avérer compliquée.

 

Après s’être penché sur leurs définitions, venons-en aux protagonistes eux même.

La tâche du conspi est compliquée, il doit, d’une part faire un travail de fourmi afin de collecter, dans tous les médias mais principalement sur internet, des infos, photos et autres vidéos.

Il va devoir ensuite analyser et décortiquer son butin afin de pointer les zones d’ombre, les mensonges, les omissions, relever certains détails, pour ensuite construire un scénario qui tienne à peu près la route. A ce stade une concertation avec d’autres conspis est souhaitable.

A la suite de cela il va s’évertuer à convaincre les antis et les sceptiques en accompagnant les résultats de ses investigations d’un argumentaire adéquat.

Le travail de l’anti est beaucoup plus simple, il lui suffit, comme d’habitude, de lire le journal ou de regarder le J.T et, convaincu de tout savoir ce qu’il y a à savoir, il pourra aller balayer d’un revers de main la dernière « théorie du complot » après avoir éventuellement fait semblant, pendant cinq minutes, de s’intéresser aux arguments du conspi.

Le sceptique a bien du mal à trouver sa place dans tout cela. Il a, à l’instar des conspi, compris qu’un gouvernement ou qu’une officine comme la C.I.A. peut si elle y trouve un intérêt commettre ou laisser commettre les pires choses, et si il n’est pas convaincu qu’un complot se cache derrière tout attentats, il n’accablera pas le conspi pour autant et prendra un peu de temps pour s’intéresser à ses thèses. Il pourra d’autres fois se ranger à l’avis d’un anti en n’accordant aucun crédit à ce qui lui est proposé comme l’indice qui prouverait le complot.

 

Intéressons-nous maintenant au débat

L’auteur de l’article ayant posé les jalons en orientant son texte, les zones de commentaires vont donc voir fleurir des échanges, ou plutôt des confrontations, entre ces trois catégories, ce qui va donner vie, suivant la personnalité ou l’humeur de chacun, à toute une palette de tonalités comme le sarcasme, la mauvaise foi, l’ironie, la moquerie, parsemé de quelques insultes et nom d’oiseaux.

Le conspi sommera l’anti de lui fournir une explication sur le petit détail « là en bas de la photo, quand on zoom y manque 1 pixel » et se verra taxé de valet du système si il n’en n’est pas capable.

Quelques fois, afin de démontrer son ouverture d’esprit, l’anti se dira prêt à reconnaître le complot, à condition que le conspi lui fournisse le nom et l’adresse des commanditaires ainsi que le but précis de l’affaire, tout cela évidemment accompagné de preuves irréfutables.

Chacun des deux partis se renverra la balle à coup de liens sur un site ou une vidéo.

Au final, après quelques centaines de commentaires, chacun restera parfaitement campé sur ses positions et même si à un moment donné un argument fait mouche, il s’agira de le contourner par une pirouette avant de finir par l’ignorer totalement, mais jamais au grand jamais il ne sera question de réviser son jugement et de reconnaître que peut-être là, sur ce point bien précis, et dans un contexte bien défini on ait pu se tromper, il en va de toute une vision du monde qui pourrait basculer.

A ce stade il faut rajouter un quatrième acteur qui apparaît de façon récurrente sur tous les sujets. Le Trolleur, celui qui n’a rien à dire et dont le seul but, parfois inconscient mais souvent prémédité, et de contribuer à envenimer encore un peu plus le débat.

Au final, les seules convictions qui ressortiront intactes, voire renforcées, de ces empoignades, c’est que l’autre est un idiot et qu’on a bien raison d’penser c’qu’on pense.

Bon, je vais cesser là cette caricature qui n’a pour seule prétention que d’inviter les auteurs et les commentateurs à prendre un peu de recul. Tout le monde a bien compris que les complots existent mais qu’il ne faut pas en voir partout, il faudrait cette fois apprendre à relativiser, aussi bien à propos de nos convictions que dans la façon d’en débattre.

Si le net renferme des dangers, à mon humble avis, celui de monter les gens les uns contre les autres en raison d’une incompréhension mutuelle, en est un plus important que celui de partager ses doutes ou ses convictions.

Je ne suis pas un partisan du « chacun sa vérité », je pense qu’il est sain de les mettre à l’épreuve, essayons de le faire intelligemment sans tomber dans le piège de la division qui nous est souvent tendu, d’autant que contrairement à l’oral, les échanges par écrits permettent une pose entre les réponses, tirons en partie pour les tempérer.

 

Une petite citation d’André Gide que j’adresse aux uns et aux autres : « Croyez ceux qui cherchent la vérité, doutez de ceux qui la trouvent »


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