Contes et légendes libérales

par Vincent Marot
mardi 16 septembre 2008

Le bestiaire politique de la droite foisonne de chimères malfaisantes : Etat, impôt, service public, protection sociale, 35 heures, fonctionnaires, chômeurs, immigrés… Comme pour les peurs ancestrales qui charriaient avec elles d’innombrables fantasmes, ces calamités drainent des fables qui se transmettent de père RPR en fils UMP, de journal télévisé de TF1 en pauses café, de marchés aux légumes en salles de marché.
 
Voici un recueil incomplet des idées reçues les plus courues : « les salariés français ne travaillent pas assez, déclinable à souhait en les salariés/les fonctionnaires/les chômeurs sont des fainéants, il faut travailler plus pour gagner plus, les 35 heures ont dévalorisé la valeur travail, le Code du travail est trop rigide, en France on est toujours en grève, les entreprises sont asphyxiées par les charges, on paie trop d’impôt, accompagné de son fumeux "trop d’impôt tue l’impôt", moi je paie des impôts alors que la moitié des Français n’en paie pas, l’ISF fait fuir les riches, il coûte plus qu’il ne rapporte, les droits de succession sont spoliateurs et frappent tout le monde, l’héritage est le fruit du travail, le bouclier fiscal profite surtout aux foyers modestes, la gauche est dispendieuse et la droite rigoureuse, l’éducation n’est pas une question de moyens, il y a trop d’immigrés, ils font beaucoup d’enfants et ils coûtent à la collectivité, la justice française est laxiste ».

Aucune de ces idées reçues ne résiste à un examen rationnel, si tant est que l’on se donne la peine de fouiller un peu dans les chiffres, ce que ne font malheureusement pas assez une bonne partie des « journalistes ».
 
Face à un monde et à des problèmes complexes sans réponse simple, il est plus aisé de trouver des coupables désignés et des réponses faciles, et plus vendeurs aussi : ces idées reçues ont fini par s’immiscer dans l’esprit des gens, avides de fautifs déclarés pour calmer leurs peurs ou leurs frustrations. Elles ne sont pas simplement colportées par la rumeur populaire ou par des médias passifs ou complices. Elles sont alimentées par des hommes politiques bonimenteurs, adeptes du profit électoral immédiat, et par des prétendus économistes nourris au néolibéralisme anglo-saxon, adeptes du profit financier immédiat ; aussi vides sur le fond qu’efficaces sur la forme, comme tout bon slogan démagogique, elles ont fini par construire de toutes pièces l’idéologie en place, et consacrer un bateleur en chef.
« Approchez, approchez braves gens, votez pour moi et je vais remettre de l’ordre dans la maison. Avec moi fini les profiteurs, le peuple paresseux va se remettre au travail, et l’Etat, ce voleur, va vous rendre votre argent. Voici mon programme : plus de travail, moins de charges, moins d’impôt, plus d’héritage, plus de répression, plus de religion, moins d’Etat, moins de Code du travail, moins d’immigrés ».
Une recette vieille comme la droite, qui sert évidemment les intérêts d’une minorité, riches et possédants, mais, comble du cynisme, vendue sous des couverts d’intérêt général et de modernité par tous les VRP illusionnistes du gouvernement et du Medef.
Le tour de force est là, dans l’inversion incroyable des valeurs : les constructions les plus élaborées des sociétés évoluées, les protections sociales, le contrat de travail, les congés, l’impôt, la régulation du marché, la répartition des richesses, la solidarité, l’égalité républicaine, la laïcité sont présentés comme rétrogrades et archaïques, à l’inverse des régressions en cours vendues comme des réformes modernes.
 
Dans les contes, les menteurs et les méchants finissent généralement par payer et les autres par vivre heureux. Dans cette mauvaise fable, c’est l’inverse.

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