Corrida : stop à la barbarie !

par Fergus
jeudi 10 avril 2014

Du 18 au 21 avril se déroulera dans la ville d’Arles la traditionnelle Féria de Pâques. Beaucoup de musique au programme, et notamment des concerts de bandas ou des aubades de peñas, sans compter l’ambiance conviviale des bodegas. La fête pour tous. Sauf pour les taureaux qui, une fois encore, seront martyrisés dans l’arène pour satisfaire les instincts du public. Des instincts indignes d’une civilisation moderne, indignes d’un peuple éduqué...

Avant toute chose, il est important de ne pas confondre corrida et tauromachie, l’art d’affronter le taureau dans une arène ne constituant pas dans tous les cas une pratique barbare, loin de là. Il suffit, pour s’en convaincre, de faire témoigner les amateurs de course landaise ou les afecieunados provençaux de course camarguaise. Comparée à ces spectacles plutôt bon enfant, la corrida héritée de la tradition espagnole est en revanche une monstruosité d’un autre âge dont on se demande comment elle peut encore être acceptée dans une société qui se prétend civilisée et par conséquent soucieuse du bien-être animal.

La corrida n’est autre, en effet, qu’une suite de tortures infligées à l’animal. Et les Français ne s’y trompent pas : dans un sondage Ipsos du 5 août 2010, nos compatriotes se déclaraient déjà à 66 % en faveur de l’interdiction de la corrida, ce pourcentage étant – fait remarquable – de 63 % dans les régions de tradition taurine où nombre de gamins sont pourtant élevés dans l’amour de cet « art » décadent. Or, la cause de l’interdiction ne cesse de gagner du terrain, et cela jusqu’en Espagne et en Amérique latine. Comment pourrait-il en aller autrement lorsqu’on sait quelles effroyables blessures, quelles indicibles souffrances sont infligées aux taureaux de combat dans l’arène ? Sans compter les trop fréquentes éventrations des chevaux, mal protégés par un caparaçon dont l’utilité consiste moins à protéger le cheval qu’à masquer ses tripes. Tout cela sous les acclamations d’un public effrayant car déshumanisé par la résurgence d’un instinct ancestral l’amenant à jouir de la torture infligée.

Dès la veille de la corrida, le taureau est conditionné. Enfermé dans la pénombre d’un torril durant les 24 heures qui précèdent, il est soudain lâché, au comble du stress, dans la lumière crue de l’arène où l’accueille un public hurlant son plaisir et savourant déjà les exploits des bourreaux. Des exploits souvent biaisés, mais on se garde bien de le faire savoir, par l’administration préventive de sédatifs aux taureaux en vue de limiter leur dangerosité. Et que dire de l’afeitado qui consiste, lors de certaines corridas de charité (!), à scier à vif la partie terminale des cornes ?

 

Le révoltant martyre du taureau

Dans l’arène, sitôt terminé le paseo (le défilé des bourreaux !) aux accents d’un paso doble, le supplice commence avec le travail des picadors sur la première victime désignée. Juchés sur des chevaux dont un œil a été occulté pour éviter la panique à la vue du taureau, les cavaliers plongent leurs instruments de torture jusqu’à 20, voire 30 cm, dans les muscles et les ligaments du cou de l’animal jusqu’à la rupture de ces derniers visant à obliger le taureau à garder la tête basse. Vient ensuite le travail des peones dont l’acier des 6 banderilles – en réalité de redoutables harpons – reste fiché dans le corps du taureau en occasionnant à chaque mouvement de l’animal des dégâts toujours plus grands. Objectif : compléter le travail des piques en augmentant les hémorragies et l’affaiblissement du taureau afin de faciliter la mise à mort. Celle-ci vient à la fin, l’épée du matador étant censée achever le taureau dans une estocade fatale. Mais l’aorte visée par la lame est rarement atteinte et l’agonie de l’animal se prolonge le plus souvent entre paralysie ou hémorragies internes parfois traduites par des vomissements de litres de sang dans le sable doré de l’arène. Du grand spectacle ! Dès lors, c’est au poignard que l’un des aides doit intervenir pour parachever la sanglante et monstrueuse boucherie.

Malgré l’inhumanité du traitement infligé aux taureaux de combat, il se trouve encore des aficionados pour défendre les pratiques barbares de la corrida. Au nom de la culture, disent les uns, au nom de la tradition affirment les autres. Un argument sans la moindre valeur, même si d’illustres artistes ou romanciers, tels Pablo Picasso, Federico Garcia Lorca ou Ernest Hemingway, ont – comme Francisco Franco ! –, fait l’apologie de la corrida en louant son esthétisme, en exaltant la beauté du ballet tragique qui oppose l’homme en habit de lumière à la force bestiale.

Sans valeur, l’argument de la tradition ? C’est l’évidence même. Doit-on, au nom de la tradition, laisser perdurer des pratiques barbares qui avilissent tout à la fois ceux qui en sont les acteurs et ceux qui se repaissent du spectacle de la torture ? Oui, se défendent les organisateurs de corridas et les aficionados, les premiers en affairistes avisés, les seconds aveuglés par leur passion.

Quelle mouche a donc piqué ceux qui, au nom de la civilisation, ont éradiqué les autres pratiques séculaires, immondes héritages de l’Antiquité ou du Moyen Âge, mais laissé perdurer ce spectacle dégradant ? Pourquoi a-t-on interdit dans la plupart des pays occidentaux les combats de coqs où l’on voyait des gallinacés se livrer, dans une ambiance hystérique, à des luttes à mort, dressés sur leurs ergots préalablement affûtés comme des lames de rasoir ? C’était pourtant la tradition. Pourquoi a-t-on interdit également les combats de dogues où, là aussi, les chiens transformés en fauves, se déchiraient à pleins crocs, s’arrachant des lambeaux de flanc ou de joue, parfois jusqu’à l’agonie ? C’était pourtant la tradition. Et que dire du lancer de chèvre vivante du haut d’un clocher, longtemps pratiqué dans le sud-ouest de l’Espagne au moment de Pâques ? C’était pourtant la tradition !

 

Les grands humanistes pour l’abolition

Mais revenons à la corrida. Certes, elle a eu des avocats célèbres, comme cela a été évoqué ci-dessus. Mais que pèse l’opinion de ces rares défenseurs face aux grands humanistes qui ont combattu, et combattent encore, cette pratique ? Des géants comme Victor Hugo et Émile Zola ont, en leur temps, condamné la corrida. Et cela avec d’autant plus de conviction qu’elle leur inspirait un profond dégoût, dicté non seulement par la torture infligée, mais aussi par le dégradant spectacle des vils instincts qu’elle induisait chez les amateurs : « Torturer un taureau pour le plaisir, pour l'amusement, c'est beaucoup plus que torturer un animal, c'est torturer une conscience », clamait avec force le premier. « La corrida, ni un art, ni une culture ; mais la torture d'une victime désignée » constatait avec répulsion le second. De nombreuses autres personnalités ont également fait part de leur condamnation sans appel de cette « art » décadent dont les racines plongent dans les plus sadiques jeux antiques. Parmi elles : Victor Schœlcher, Hans Christian Andersen, Franz Kafka, H.G. Wells, André Malraux, Théodore Monod ou Simone Veil.

Tous ces grands esprits, dont les qualités intellectuelles ne sont plus à démontrer, seraient-ils aveuglés par une suspecte bien-pensance ? Évidemment pas : guidés par leur profonde connaissance de la nature humaine, ils sont tout simplement arrivés, à des époques différentes, à la conclusion qu’il ne peut y avoir de respect de l’Homme lorsqu’il se livre ainsi, pour satisfaire un plaisir foncièrement sadique et avilissant, à la torture d’un animal. En France, le législateur ne pense pas autrement, comme le montre clairement le Code pénal dans son article 521-1 : « Le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves (...) ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. »

Il est grand temps que la torture cesse. Pour cela, la dérogation accordée aux régions taurines au titre d’une tradition aussi éculée que monstrueuse, doit désormais disparaître au plus vite afin que les organisateurs de spectacles tauromachiques tombent sous le coup de la loi s’ils ne respectent pas l’article 521-1. Oui aux courses landaises et camarguaises. Non, définitivement non à la corrida !

 

Vidéos :

 Non à la corrida

Toujours non à la corrida

Ska-P : Vergüenza (Ole ! Torero asesino...)

 


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