Covid-19 : Azithromycine testé en préventif. Et si en pleine période de pandémie la France faisait du curatif ?

par Dover63
vendredi 17 avril 2020

Inutile de vous annoncer que le traitement du Professeur Raoult fait débat. Ce traitement associe un antibiotique de la famille des macrolides (l’azithromycine) et l’hydroxychloroquine1. Dans ce traitement on parle beaucoup de l’hydroxychloroquine, on ne semble voir que l’hydroxychloroquine2,3. Ce composé est remis en question4. Fin mars le gouvernement interdit sa prescription en médecine de ville hors AMM.

Et l’azithromycine ? « Ce dernier médicament, je le connais très bien et je l’aime beaucoup parce qu’il a trois propriétés reconnues : c’est un antibiotique de la famille des macrolides, il stimule une réaction antivirale alors que ce n’est pas un antiviral, et il a une action anti-inflammatoire pulmonaire. Je le prescris au long cours aux gens qui ont des bronchites chroniques parce qu’il évite les surinfections et des hospitalisations itératives. » déclare le Dr Jean-Jacques Erbstein5. Avec deux collègues, ils ont développé un protocole de prise en charge du Covid-19 à domicile.

Dès fin mars d’autres médecins généralistes tentent la prise en charge des pneumopathies atypiques constatées sur des tableaux cliniques de type Covid-19 avec des antibiotiques de la famille des macrolides6,7. Cela peut sembler logique8. La piste d’une action antivirale est même proposée6.

Suite à sa visite au professeur Raoult, Emmanuel Macron déclare que son traitement doit être testé9. Quelques jours plus tard nous apprenons qu’une étude va être lancée sur l’hydroxychloroquine et l’azithromycine séparément (ce qui est une bonne idée), en préventif, sur des soignants de l’AP-HP10. Ses résultats seront connus dans 70 jours. Cela ne fait que 2 mois et quelques… en pleine période d’épidémie…

Effectivement on peut sourire ironiquement sur l’idée de tester sur des soignants en tension, une substance « vénéneuse », afin de chercher à les protéger11.

L’investigateur coordonnateur de cette étude a récemment expliqué sa démarche12. Quelques explications :

« Il nous a déjà semblé important de savoir si une chimioprophylaxie pouvait être utile »12. Il est vrai qu’en plein pic d’épidémie, songer au curatif serait un peu précoce voire à contre-temps.

« Pour l'hydroxychloroquine et l'azithromycine, des expérimentations in vitro ont montré leur potentiel. Les mécanismes en jeu sont les mêmes en préventif et en curatif » 12. Ce potentiel énoncé nous aide à mieux comprendre pourquoi il faut éviter d’entendre ceux qui les ont proposés il y a plusieurs semaines déjà. Et si « Les mécanismes en jeu sont les mêmes en préventif et en curatif » 12, alors tout s’éclaire sur la logique transcendante de se lancer poussivement, tardivement et sous la pression vers le préventif en pleine pandémie.

« De plus, pour l'azithromycine, l'équipe du Pr Pierre-Régis Burgel à Cochin a remarqué que le taux d'infection Covid-19 était faible au sein d'une grande cohorte de patients atteints de mucoviscidose, alors que beaucoup sont sous azithromycine. Il s'agit d'un constat observationnel, mais cela nous a semblé intéressant. » 12. Apparemment ce constat observationnel ne semble pas être un indicateur médical suffisant. Quand les résultats de l’étude tomberont, et s’ils sont positifs, ce faible taux d’infection chez des sujets fragiles nous amènera donc nécessairement à conclure à la prophylaxie (pour tous ?) alors que pour l’instant on serait juste tenté d’y voir un traitement pour ceux qui souffrent, alors que l’épidémie sévit. Mais patience, nous possédons déjà le paracétamol : « prenez du Doliprane et faites le 15 si ça va très mal » 7. est le mot d’ordre du moment pour la médecine générale.

Dans un pays où tout le monde connaît le slogan « les antibiotiques c’est pas automatique », il faudra expliquer au grand public leur utilisation en préventif pour une infection virale. Sans prôner l’utilisation déraisonnée des antibiotiques, on peut toujours rappeler que certains appelaient encore en février 2019 à traiter les virus respiratoires par les antibiotiques pour se prémunir des surinfections bactériennes14.

On peut s’interroger…

Comment certains pays ont-ils pu déjà se lancer dans une approche prophylactique13 ? Auraient-ils des résultats d’études suffisants pour avoir décidé d’une action ? Ou serait-ce simplement la décision d’agir en pleine pandémie ?

Comment certains pays ont-ils pu déjà se lancer dans des traitements à base d’hydroxychloroquine et/ou d’azithromycine 13,15 ? Auraient-ils des résultats d’études suffisants pour avoir décidé d’une action ? Ou simplement la volonté d’agir en pleine pandémie ?

Est-ce le fait d’être en épidémie qui a poussé l’Italie à autoriser fin mars ses médecins généralistes à prescrire l’hydroxychloroquine aux patients atteints de Covid-19 ?16 Ce serait une bien étrange raison… Clairement une raison insuffisante pour la France, qui interdit à la même période sa prescription en médecine de ville hors AMM.

Serait-ce l’épidémie qui aurait mené un médecin hospitalier à appliquer suite à une décision personnelle un protocole à base d’azithromycine et d’hydroxychloroquine déclarant « C’est ça ou rien » ? Il témoignait le 6 avril 202017.

Pourtant au jour du 26 mars des équipes hospitalières de la région de New York communiquaient des résultats d’une « valeur indicative notable » selon le Pr Christian Perronne18 concernant un protocole impliquant la combinaison du Pr Raoult complété par du zinc. Ce qui est suffisant pour les États-Unis ne semble pas l’être pour la France. D’ailleurs le Pr Perronne applique déjà le protocole azithromycine/hydroxychloroquine sur des patients « dès qu’il y a un début de pneumonie ou des signes de gravité moyenne » 19.

La tempête concernant l’hydroxychloroquine n’est pas achevée. L’hydroxychloroquine est déjà utilisée à titre préventif contre le paludisme. On pourrait penser qu’il n’est efficace qu’au tout début de l’infection, voire avant11.

Et si la pierre angulaire du protocole du Dr Raoult était tout simplement l’azithromycine et plus généralement les macrolides ?20,21,22,23,24,25,26. Sans être pour autant le médicament miracle qui conviendra à toute situation. L’hydroxychloroquine n’a peut-être qu’un effet modeste27. Il faut reconnaître que le professeur Raoult présente des résultats concernant l’hydroxychloroquine seule et l’hydroxychloroquine associée à l’azithromycine28. Clairement l’impact de l’azithromicyne seule manque et toute étude en ce sens sera la bienvenue.

Pourtant les antibiotiques sont passés longtemps sous les radars29. Cette piste associée au travail des médecins généralistes n’est-elle pas l’action à mener en ces temps d’épidémie ? 2 « On est dans une situation de guerre » déclare le Pr Perronne19.

Concernant sa démarche, le Dr Erbstein déclare « […] on a toujours fait ça ! Je suis très attaché à la médecine fondée sur les preuves : c’est pour ça que j’utilise des médicaments qui ont fait leurs preuves dans le traitement des pneumopathies (je suis médecin des mines, j’en ai vu quelques-unes) […] Surtout qu’on est très prudent : on dit juste qu’on constate qu’un traitement peut être efficace. Ensuite il faut évidemment des études pour aller plus loin. En attendant, on ne peut pas regarder les gens mourir. » 7.

Le Dr Sabine Paliard Franco écrit dès fin mars sur l’usage des macrolides : « La pandémie actuelle et le pic épidémique qui arrive dans notre pays nécessitent de réagir rapidement pour éviter les hospitalisations, et l’engorgement des hôpitaux. […] Le risque pour les patients est faible, par contre le bénéfice attendu est important en l’absence de traitement spécifique validé du covid-19. Car il est évident que les procédures engagées par les autorités entraînent des délais qui ne sont pas adaptés à l’urgence de la situation de terrain, qui nécessite des solutions applicables immédiatement. Et ce, pour éviter la perte de chance et sauver des vies humaines quand on commence à entrevoir des traitements actifs. » 6,7.

N’est-ce pas cela une belle attitude en période d’épidémie de la part de ces médecins ?

Les indicateurs médicaux sont là : des délais d’amélioration des symptômes en 3 jours voire moins, peu ou pas d’hospitalisation et pas de décès6,30.

Ces médecins ne sont pas les seuls à prescrire de l’azithromycine dans cette situation. D’ailleurs un appel à témoignage existe sur internet et ses résultats vont dans le sens d’une faible proportion de personnes traitées par l’azithromycine et dont la situation s’est dégradée29,31. Cette dernière possibilité existe et est réelle.

Au niveau international « une enquête menée par la plateforme communautaire médicale Sermo » 7 sur plus de 6000 médecins place l’azithromycine et les antibiotiques similaires en tête des médicaments utilisés pour traités les patients Covid-19 avec un score de 58 % à la date du 16 avril 202032.

Mais ce ne sont que des indicateurs…

On peut ajouter quelques éléments pragmatiques tels « […] la relative innocuité des macrolides, et des céphalosporines, médicaments anciens et bien connus, évidemment dans le respect des contre-indications, […] de leur accès facile en Médecine de ville ou à l’Hôpital, […] dans l’attente de molécules actives validées, sûres ou innovantes, et d’un vaccin, […] le rapport bénéfice-risque étant clairement favorable » 6,7.

Mais ce n’est pas le traitement que les généralistes sont tenus de proposer.

L’heure est encore aux études. En France il faut respecter la méthodologie académique dominante et attendre. En pleine épidémie l’heure de cette (la ?) médecine curative n’est pas encore arrivée.

Alors quand on voit être annoncée la nième étude lancée, avec un délai d’obtention de résultats de plusieurs mois et portant sur une approche prophylactique alors que la pandémie sévit, que penser ?

Faut-il espérer pour que cette étude soit fructueuse que dans 3 mois l’épidémie soit toujours là pour qu’on puisse enfin lancer un traitement préventif (qui ne sera certainement pas appliqué à toute la population) et songer alors à aborder l’angle curatif ?

En attendant l’épidémie se conjugue au présent.

 

 

1 : https://www.mediterranee-infection.com/hydroxychloroquine-and-azithromycin-as-a-treatment-of-covid-19/

2 : https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/covid-19-et-si-la-france-faisait-223334

3 : https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/des-medecins-ont-trouve-un-223202

(voir commentaires)

4 : https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/hydroxy-chloroquine-et-si-on-222675

5 : https://www.estrepublicain.fr/sante/2020/04/11/un-medecin-mosellan-constate-l-efficacite-d-un-protocole-a-base-d-azithromycine?fbclid=IwAR2JVB4tnSYyfT8pbP32dsIKH-l5bVinlq1-DD0fmgWe2IboGGnTpJmJOfE

6 : https://blogs.mediapart.fr/cathy-lg/blog/140420/covid-19-lespoir-par-des-traitements-antibiotiques

7 : https://www.liberation.fr/checknews/2020/04/15/l-antibiotique-azithromycine-est-il-vraiment-efficace-contre-le-covid-comme-l-affirme-cette-publicat_1785212

8 : https://www.agoravox.fr/commentaire5731540

9 : https://www.huffingtonpost.fr/entry/macron-raoult-traitement-coronavirus_fr_5e9698a1c5b6ac7eb26251d3

10 : http://www.leparisien.fr/societe/hydroxychloroquine-et-azithromycine-une-etude-va-evaluer-leur-efficacite-pour-prevenir-du-covid-19-14-04-2020-8299386.php

11 : https://blogs.mediapart.fr/arjuna/blog/160420/surprenant-rebondissement-dans-laffaire-de-lhydroxychloroquine

12 : https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/recherche-science/hydroxychloroquine-et-azithromycine-un-effet-protecteur-contre-covid-19-pourrait-reduire-le-flux-de

13 : https://www.mediterranee-infection.com/coronavirus-pays-ou-lhydroxychloroquine-est-recommandee/

14 : https://www.mediterranee-infection.com/virus-respiratoires-et-antibiotiques-il-y-a-urgence-a-traiter-les-surinfections-bacteriennes/

15 : https://www.youtube.com/watch?time_continue=6&v=5gMj6r9t-F4&feature=emb_logo

16 : https://www.parismatch.com/Actu/Sante/A-propos-de-la-chloroquine-et-de-l-inimaginable-penurie-des-masques-en-France-1680312

17 : https://www.vosgesmatin.fr/sante/2020/04/06/chloroquine-le-bilan-tres-positif-d-un-praticien-lorrain

18 : https://www.parismatch.com/Actu/Sante/A-propos-de-la-chloroquine-et-de-l-inimaginable-penurie-des-masques-en-France-1680312

19 : https://www.nexus.fr/actualite/entretien/perronne-hydroxychloroquine/

20 : https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/si-le-covid-19-est-cause-par-une-223012

21 : https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/didier-raoult-s-est-sans-doute-223082

22 : https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/des-medecins-ont-trouve-un-223202

23 : https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/therapie-antibacterienne-contre-le-223260

24 : https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/covid-19-et-si-on-ne-cherchait-pas-222778

25 : https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/covid-19-et-si-l-orage-de-223037

26 : https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/pourquoi-les-obeses-et-les-223086

27 : https://www.agoravox.fr/commentaire5731554

28 : https://www.mediterranee-infection.com/wp-content/uploads/2020/03/Hydroxychloroquine_final_DOI_IJAA.pdf

29 : https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/des-milliers-de-francais-sont-223201

30 : http://www.leparisien.fr/societe/sante/coronavirus-trois-medecins-generalistes-pensent-avoir-trouve-un-possible-remede-13-04-2020-8298963.php?fbclid=IwAR2KWhCkD6ZONDEdmWbe13q9dDyOa6MEPy8AJfiS7wPU-49OQEv_Ug6O0yg

31 : https://www.mesopinions.com/sondage/politique/avez-60-ans-etes-categorie-risques/12696

32 : https://app.sermo.com/covid19-barometer?utm_campaign=wwwsermo_covid19

 


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