Covid-19 : la bombe à retardement française

par Sylvinho De La Blanca
jeudi 2 avril 2020

 

Contrairement aux déclarations récentes de M. Edouard Philippe, le manque de préparation du gouvernement à cette épidémie combiné à ses décisions tardives, en particulier celle du confinement, pourraient accoucher d'une courbe beaucoup plus abrupte que celle de nos voisins.

 

Gouverner c'est prévoir.

Je suis français et fier de l'être. Cette estime pour mon pays a pris le pas sur la demande de consensus demandée aujourd'hui par notre gouvernement. Cette requête serait recevable si le but n'était pas de cacher une incompétence qui dans la crise actuelle a des conséquences tragiques dans la vie de certains de nos concitoyens.

 

Agent de pouvoir : élu, maire, ministre, what else ?

Plus le temps passe plus la démocratie devient un système archaïque : nos dirigeants ne sont pas responsables de leurs actes. Les carriéristes politiques connaissent les rouages du système et en jouent. Leur responsabilité se dilue dans la masse.

Quand est-ce que nous pourrons juger les actions de nos dirigeants, de nos services publiques ?

Autant je peux comprendre l'erreur d'un maire d'une ville moyenne qui a contracté un emprunt toxique à l'époque des subprimes, autant j'ai du mal à me faire à l'idée qu'à l'heure actuelle certains de nos soignants travaillent sans masques protecteurs ou ne peuvent travailler faute de masques.

Je peux également comprendre qu'une ligne budgétaire disparaisse pour rentrer dans les critères européens et que cette suppression n'ait jamais été remise en question les 10, 15 années suivantes par les gouvernements successifs. Mais en revanche comment expliquer qu'un virus qui a nécessité la mise en quarantaine d'une mégalopole chinoise n'ait entrainé aucun principe de précaution chez nous ?

 

Notre Premier Ministre.

Ceci n'est pas directement lié à la crise actuelle mais il est évident que ça n'a pas aidé. M. Philippe était candidat aux élections municipales du 15 mars. On ne peut pas avoir le temps d'être premier Ministre de la France et candidat à une quelconque élection. Il y a un problème quelque part. Quand M. Philippe discutait avec notre Président de la tenue ou non de la tenue des élections, quelle casquette portait-il ? Lorsque le premier cas de COVID-19 a été déclaré en France comment le Premier Ministre pouvait-il trouver du temps pour une campagne d'électorale ?

Les carriéristes politiques sont le cancer de notre système. Le cumul des mandats doit être strictement interdit. Les candidatures doivent également être strictement encadrée lorsqu'on exerce déjà une fonction de premier plan.

M. Philippe a probablement déjà senti le vent tourné car sa déclaration est déjà un aveux que les faits ne parlent pas d'eux même :

Je ne laisserai personne dire qu’il y a eu du retard sur la prise de décision s’agissant du confinement.

Je reviendrais plus tard sur cette décision et son timing lourd de conséquence.

 

Notre ancienne ministre de la santé : Mme Buzyn.

La problématique des masques a pris de l'ampleur avec les non-dits de nos dirigeants. A l'époque de H1N1 j'avais été de ceux qui avaient critiqué Mme Bachelot. C'était facile oui. Elle avait appliqué le principe de précaution en prenant ses responsabilités. Si le Coronavirus avait été géré de la même façon, nous serions dans une autre situation et je ne serais pas en train d'écrire ma lecture des faits. Mais alors que dire de la non prévoyance de Mme Buzyn ? A-t-elle été influencée par cette épisode H1N1 ? Sa position de candidate à la mairie de Paris la protège-t-elle vis-à-vis du pouvoir ? Je dirais peu importe les réponses à ces questions, Mme Buzyn n'a pas appliqué le quart de la moitié d'un principe de précaution. Il faut quand même noter que la Grande-Bretagne a commandé des masques à une entreprise française une ou deux semaines avant nous alors que la France a été touchée par l'épidémie avant son voisin anglais. 

Après la crise, les déclarations post premier tour de Mme Buzyn au Monde devront quand même donner lieu à un travail de police et justice.

 

La France : 7ième puissance économique mondiale.

A l'annonce du déploiement d'un hôpital de campagne militaire j'avais envisagé une tout autre dimension. L'hôpital militaire de 30 places a mis plus de temps à être déployé que les chinois en ont pris pour en construire un de 1000 lits. Avez-vous vu le bateau américain, l'USNS Comfort arriver à New York City ?

Certes nous ne sommes pas sur la même échelle que ces deux pays mais l'impression de bricoler avec des bouts de chandelles est omniprésente. Peut-être cela suffira, avec les transferts entre régions et vers nos voisins Allemands, Suisses, Luxembourgeois apparemment mieux préparés.

 

Le directeur général de la santé : M. Salomon.

M. Salomon avait fait une entrée raffraichissante dans le PAF en restant très factuel et didactique. Puis les pénuries ont commencé à remonter en surface, ensuite ceux sont les décès en EHPAD qui sont arrivés, le parler vrai de M. Salomon n'avait plus le même aspect. Personnellement lorsqu'une pandémie arrive en France, j'attends de quelqu'un qui a le titre de directeur général de la santé de communiquer des informations transversales aux hopitaux, aux EHPAD, à la médecine de ville et j'en passe ... J'attends également d'une personne avec ces responsabilités de ne pas esquiver toute question un peu difficile ou au coeur d'une polémique. Vraiment chaque esquive de ce directeur est anxiogène et cela alimente une méfiance vis-à-vis du pouvoir. Là aussi il faudrait reprendre toutes les déclarations sur les masques (disponibilité et usage) ou les tests par exemple, de M. Salomon et les confronter aux faits une fois la crise passée.

 

La bombe à retardement des chiffres.

Les statisques françaises sur le nombre de cas positifs COVID-19 sont parmis les moins représentatives de l'épidémie dans le pays.

Au 21 mars, l'Espagne a réalisé 355000 tests, 7% positifs, 1 test pour 131 habitants.

Au 31 mars l'Italie a réalisé 506968 tests, 21% de positifs, 1 test pour 120 habitants.

Au 1 avril, l'Allemagne a réalisé 918460 tests, 7% de positifs, 1 test pour 90 habitants.

Les statistiques françaises sont "assez difficiles" à obtenir comme le montre cet article.

Au 24 mars, la France a réalisé 101046 test, 20% de positifs, 1 test pour 662 habitants.

Nous sommes à peu près les seuls dans ce cas : très peu de tests, taux de positifs élevé.

Qu'est-ce que ça veut dire ? Eh bien en fait nous n'avons aucune idée de la taille de l'iceberg qui se trouve en face de nous. Et la courbe des cas confirmés françaises devrait plus ou moins être superposable avec celle de l'Italie ou de l'Espagne. Il faut bien comprendre que ces cas représentent la partie visible de l'iceberg. Mais que pour les cas non visibles, on ne connait pas encore leur proportion. Plus on permets aux cas visibles de "populer", plus la partie asymptomatique va augmenter également mais on ne sait pas encore sous quel facteur 10, 100, 1000, ... ? Et ces personnes sont contagieuses.

Dans ce cas nous pourrions prendre la courbe des morts confirmés pour peut-être nous faire une idée. Malheureusement les décès en EHPAD et à domicile ne sont pas (encore) comptabilisés. Notre courbe déjà calée sur celle de l'Italie est normalement plus croissante que cela.

L'Italie a confiné le 9 mars, l'Espagne le 14 mars et nous le 17 à midi.

Nous avons 3 jours de retard sur l'Espagne où la situation est très difficile. Mais si nous avions pu faire autant de tests qu'eux nous constaterions que l'épidémie est probablement aussi avancée chez nous.

Publiquement les données françaises sur les cas confirmés et les décès ont été minorées par rapport à la réalité.

J'en conclus que notre gouvernement a probablement sans le dire avancé la carte de l'immunité collective pendant quelques jours, expliquant notre retard au confinement. Ces quelques jours de délais supplémentaires risquent (si ce n'est pas déjà le cas) d'entrainer le dépassement de nos ressources hospitalières.

L'exécutif avait trois curseurs à prendre en compte.

En retardant le confinement on garde l'économie active et on diffuse le virus dans la population pour atteindre plus rapidement les 60% de contaminés requis de l'immunité de groupe et par conséquent un retour à la normale et à l'économie active. Mais c'est un peu la roulette russe car on ne connait pas vraiment la vitesse de propagation du virus. Si il est rapide et facilement transmissible nos ressources hospitalières qui ont tant bien que mal consolidé leurs capacités par leur propre moyen verront arriver une vague plus abrupte que nos voisins.

 


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