Covid : parenthèse fermante imminente ?

par karl eychenne
vendredi 28 mai 2021

« La vie d’avant me hèle » dit-il en trépignant. Bientôt la délivrance, sortez les coupelles et soufflez les trompettes. Il est l’heure du temps d’avant.

Sauf que. Refermer une parenthèse dépend de ce qu’on y a mis dedans. Pensez à une valise pleine de toutes ces choses tellement nécessaires mais tellement encombrantes, et que vous n’arrivez pas à fermer. Bon ben, la parenthèse Covid c’est un peu ça. On y a mis tout et n’importe quoi, et tout ça en même temps : des mots, des maux, des idées, des bêtises, du PIB, de la dette, des inégalités, et même de la culture… Ce genre de parenthèse gloutonne est toutefois assez rare, manque de bol on est tombé dessus.

La parenthèse Covid est devenue tellement chargée que se pose la question de sa fermeture. Le soucis est que l’objet le plus encombrant qu’on y trouve est aussi celui dont on aura le plus de mal à se débarrasser. Il s’agit de notre hébétude aboulique, ce regard hagard qui dure, cette incompréhension face à ce qui n’était pas censé advenir. Nous, la seule espèce à pouce opposable capable d’envoyer des Hommes dans l’espace, nous n’avons pas été capables de nous protéger contre un pangolin, à moins que ce soit un autre hôte car il faut le rappeler : on ne sait toujours pas qui a joué l’interface entre l’infecté (nous) et l’infectieux (virus).

Bon admettons qu’on arrive quand même à refermer la parenthèse Covid. Elle sera quand même bien lourde à trimbaler. On nous imagine reprendre la vie tambour battant, le cœur vaillant. Mais il n’est pas exclu que l’on redémarre plutôt claudicant, errant à hue et à dia, avec une bonne gueule de bois. « Le genre de tête dans les fesses que même un bon dolipranus ne vous fera pas passer », comme dirait le fêtard masqué. Certes, nous allons bien devoir rallumer l’interrupteur. Mais sortir de la grotte après y avoir été confiné si longtemps peut nous éblouir dans un premier temps. Puis viendra le temps du dessillement et enfin du soulagement.

 

Coulrophobiques

Pire que tout, il nous faudra gérer cette nouvelle phobie que nous avons développée tout au long de cette crise : la coulrophobie… Il s’agit de la peur des clowns. Pas ceux des cirques pour enfants avec leur gros nez rouge, mais ceux qui passent à la télé avec leur blouse blanche. Heureusement, la réciproque n’est pas vrai : ce n’est pas parce que tous les clowns portent une blouse blanche, que toutes les blouses blanches sont portées par des clowns. Autrement dit, il y eut des « bonnes » blouses blanches, malheureusement ce ne furent pas celles que l’on invita le plus souvent afin de nous informer sembla-t-il.

C’est ainsi. Avant la campagne de vaccination nous eûmes droit à la campagne de vaticination. Ces oraisons funèbres d’oracles nous prévenant du déluge si nous faisions l’inverse de ce que les autres oracles disaient. « L'ennemi est bête, il croit que c'est nous l'ennemi alors que c'est lui ! », comme nous le rappelait déjà Pierre Desproges. 

Et puis quand même, un peu de bienveillance. Pensons à nos semblables. Faire tomber le masque d’un seul coup d’un seul ne risque-t-il pas d’effrayer votre voisin ? Et que verrons-nous désormais le soir sur les plateaux télé ? Que deviendront ces chroniqueurs en blouse blanche ? Que deviendront tous ces graphistes spécialistes de la courbe qui monte de manière exponentielle ? Et tous ces masques alors, combien faudra-t-il organiser de soirées à thème ou de jeux pour adultes afin de tous les recycler ?

 

Enfin les question qui fâchent

Une fois ces questions techniques réglées, viendra alors le temps des questions qui fâchent, celles que l’on a cachées sous le tapis parce que franchement, c’était pas le moment :

 

Et il ne faudra pas rester à peindre la girafe trop longtemps, car l’histoire s’aigrit vite, l’amertume et le ressentiment pèsent lourd avec le temps. Fatalement, viendra le temps du contrefactuel, « et si on avait fait ceci ou cela, alors… ».

Promis, on ne nous y reprendra plus ? On fera le nécessaire pour ne pas se faire confiner une nouvelle fois ? À voir. « La conquête du superflu donne une excitation spirituelle plus grande que la conquête du nécessaire. L’homme est une création du désir, et pas une création du besoin. » Gaston Bachelard.


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