Crise grecque : le coq accuse l’âne d’avoir une grosse tête…

par Michel Koutouzis
vendredi 30 avril 2010

Puisque le « marché » nous parle de gros porcs boueux se vautrant dans une complaisance malsaine et corrompue et que les politiques accusent la cigale inconsciente et paresseuse de compter sur la fourmi teutonne pour boucler l’hiver financier, permettez moi d’utiliser un proverbe grec (celui du titre de cet article) pour répondre à la paysanne berlinoise (dixit Mélenchon)… mais pas seulement. En effet, cette dernière, après avoir avalé des couleuvres, et pas des moindres, de la part de ses propres banquiers, oublie qu’une fois l’âne mangé, il faut bien avaler aussi sa queue (autre proverbe grec). C’est en tous les cas ce que fait le premier ministre grec, qui accepte comme un don venu du ciel que les pays membres empruntent (via les banques) à des taux bas pour lui prêter, « solidairement », en se sucrant au passage. Comme ils ne gagnent « que » deux ou trois pour cent sur ces futures opérations fraternelles, ils se croient « éthiques » et ils le sont, si on les compare avec les taux du « marché » qui en rajoutent cinq à six points.
 

Pendant la dictature grecque, les colonels émirent un dictat, forçant les éléphants à quitter le pays. Dans la grande queue qui se format aux frontières, une souris se mit entre deux éléphants. Que fais-tu là, l’apostropha l’un d’eux, le décret parle d’éléphants, toi, tu n’es une souris, tu le sais non ? Oui, moi je le sait répond-elle, mais est-ce que les colonels le savent ? Est-ce que le « marché » sait que la France n’est pas la Grèce ? Est-ce qu’elle veut bien le savoir ? Puisque la communauté de nos Etats ont fait du marché un roi - lion (hyène je dirais plutôt), roi absolu, roi Ubu, comment peuvent-ils être sûrs qu’il veut bien savoir ? Son truc à lui, c’est le diktat. Ce que l’on produit, ce que l’on gagne à la sueur de son front, il y a belle lurette qu’il ne le prend pas en compte. Normal. Il est pour le partage équitable à sa manière, celui de Karaguioze, le héros roublard du théâtre d’ombres anatolien : un pour moi, un pour toi, un pour moi ; un pour moi, un pour toi, un pour moi ; un pour moi, un pour toi, un pour moi ; Et ainsi de suite. Donc, pour revenir à nos moutons, l’Europe, cette vache sacrée de la mythologie grecque, a interdit aux banques centrales d’émettre de la monnaie, au profit de la Banque centrale européenne, qui, elle, ne prête qu’aux riches, c’est-à-dire qu’aux banques privées, à des taux que ces dernières veulent bien payer. Comme, les pauvres, elles ont été lourdement secouées par la crise qu’elles mêmes ont créée, ce taux est, pour faire redémarrer le « marché », ridiculement bas. C’est tout de même bizarre, en passant, que l’argent soit le seul produit du système capitaliste qui ne répond pas à la règle d’or de l’offre et de la demande. Quand « tout allait bien », et qu’il y avait plein de sous, on avait des taux relativement élevés (du genre de quoi créer des bulles pour ne rien redistribuer). Désormais on invente deux catégories : ceux qui ont créé la crise (on leur prête pour des clopinettes) et ceux qui leur ont prêté, pauvres désormais, à qui on ne prête plus. On appelle cela la « rationalité du marché ». Tant qu’on avait le ramage et le plumage on vous piquait le fromage, et maintenant « chantez ». Si les Grecs ou les Espagnols n’avaient pas « mal géré » - entendons nous dernièrement dire par les spécialistes de la science économique - le « marché » n’aurait pas spéculé. Et si les derniers nés et autres aventuriers Samnites, Sabins, Visigots, Thraces, Parthes et j’en passe, n’avaient pas crié au loup et au secours, il n’y aurait jamais eu un empire Romain.

Et pourquoi donc les citoyens européens (Allemands inclus) ont emprunté comme des fous ces dernières deux décennies ? Il ne vient à la tête de personne de penser (encore un exercice d’un autre âge) que c’est faute de se faire payer à sa juste valeur leur travail ? De se faire ponctionner par les actionnaires du « marché » au lieu de recevoir des salaires décents ? De devoir pallier aux défaillances élémentaires de l’Etat de Droit, de se ruiner par des « assurances » et autre produits dérivés du « marché » qui les ont transformé en machines sonnantes et trébuchantes ? Aujourd’hui encore, on apprend que les Français et autres Danois risquent de payer cher (très cher) le fait que les banques leur ont refilé de la « dette grecque ou portugaise » à leur insu, sous la couverture prometteuse d’assurances vie et autres titres plein d’espoir ? 

La dette grecque n’est qu’un hors d’œuvre, il représente à peine 1, 5 des richesses annuelles de l’U.E. Et bien, ce ridicule 1,5 %, le « marché » voudrait le faire payer à nous autres citoyens exsangues. Ca ne sera qu’une ponction de plus, puisque on continue à tout accepter, et ne comptez pas sur les Etats membres pour que ces derniers nous en fasse cadeau comme ils l’ont fait pour les banques… Et ainsi de suite. 


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