Croissance démographique, un péril majeur trop ignoré

par Daniel MARTIN
vendredi 22 novembre 2019

Aujourd’hui, la question démographique reste l’une des données fondamentales de l’écologie qui impacte le plus. Même si l’on réduisait considérablement les émissions de CO2, ce qui est souhaitable, alors que la démographie poursuivrait sa croissance, il n’en résulterait aucun impact positif significatif, notamment pour le climat.

 

Quelques rappels concernant la Démographie

Il nous a fallu 200 000 ans pour atteindre 1 milliard d’humains (1800 ans de notre ère). Puis à peine plus de 200 ans seulement pour arriver à 7,7 milliards. En 2009 nous étions 6,7 milliards, en 2019 (10 ans plus loin) nous sommes 7,7 milliards et sauf grave pandémie, accident nucléaire majeur ou télescopage avec un astéroïde, les 8 milliards seront atteints en 2020, soit une augmentation d’un milliard d’habitants en une décennies. Si ce rythme se poursuivait ainsi, en 2050 il y aurait 11 milliards d’habitants… Et 16 milliards en 2100 soit une augmentation de 10 milliards en un siècle... Si on y ajoute la perte annuelle moyenne de 100 000 km² de terres arables, qui correspond à l’étude de B. SUNDQUIST de l’institut du Minesota, étude un peu ancienne, mais toujours d’actualité et nullement contestée par les experts du climat. C’est, par exemple, la superficie totale de la France qui disparaît tous les 5 ans… Et en 40 ans, c’est presque la totalité de la superficie des 28 pays actuels de l’UE...

Population mondiale en pourcentage par régions du monde en 1960 et 2017

Afrique : en 1960 c'est 9,4 % - en 2017 c'est 16,6 %

Afrique du Nord   en 1960, 2,1 % - en 2017       3,1 %

Afrique subsaharienne  en 1960, 7,3 % - en 2017 13,5 %

Amérique en 1960  14,1% - en 2017  13,5 % 

 Amérique Nord- USA  en 1960, 6,8 % - en 2017    4,8 %

Amérique latine    en 1960,  7,3 % - en 2017       8,6 %

Asie      en 1960  56,1 % - en 2017    59,7 %

Asie centrale  en 1960,    0,8 % -  en 2017 0,9 %

Asie de l’Est   en 1960   26,5 % - en 2017   21,8 %

Asie de l’Ouest en 1960   2,2 % -  en 2017 3,5 %

Asie du Sud    en 1960   19,6 % - en 2017   24,8 %

 Asie du Sud Est en 1960 7,0 % -   en 2017      8,6 %

Europe     en 1960    20% - en 2017   9,8%

(UE, Russie et autres pays)

Océanie    en 1960     0,5 % - en2017 0,5 %

(Source Wikipédia)

Comme on peut le constater par ces données, on ne peut pas dire que les pays les plus impactant sur le plan écologique que sont l’Europe (UE + Russie et autres pays) et les USA aient eu une progression démographique sensible, bien qu’ils représentent 14,6 % de la population mondiale en 2017 (4,8 % pour les USA, 9,8 % pour l’Europe), quand en 1960, les USA représentaient 6,8 % et l’Europe 20 % de la population mondiale ( soit un total de 26,8%). Imaginons si cela avait été l’inverse. Sauf que la population Mondiale était de 3 milliards d’habitants en 1960 et 7,4 milliards en 2017. Ce qui signifie par exemple que pour l’ensemble de l’Europe cela faisait 20 % de la population mondiale de 3 milliards soit 600 millions d’habitants, quand en 2017 avec 9,8 % de 7,4 milliards cela représente 725 millions, soit quand même une progression de 125 millions d’habitants.

L’exemple Européen est aussi valable pour les autres régions du monde. Et que dire de l’Asie,qui dans sa globalité avec 56,1 % de 3 milliards en 1960 soit 1,9 milliard d’habitants passe à 59,7 % de 7,4 milliards en 2017, soit 4,4 milliards en 2017. avec une population d’Asie multipliée par 2 fois et demi soit une très forte explosion démographique, bien qu’elle n’ait progressé en pourcentage que de 3,6 % entre 1960 et 2017, ou encore de l’Afrique, notamment subsaharienne. Pour l’ensemble de l’Afrique avec 9,4 % de 3 milliards en 1960 on a 306 millions d’habitants. En 2017 c’est un bond à 16,6 % pour 7,4 milliards, soit une population de 1,2 milliard d’habitants. Même si pour les pays Africains subsahariens, l’impact écologique est inférieur de 15 % de celui des USA et de l’Europe, sauf que leur population aspire aussi à vivre comme le modèle Occidental, ce qui est physiquement impossible, d’autant que les bouleversements climatiques vont participer aux migrations massives de ces population, avec pour nombreux d’entre eux une fin de vie tragique en mer méditerranée et des conflits régionaux en perspectives.

Réalisme et sombres perspectives si l’on n’inverse pas les processus démographiques dans tous les pays

Soyons réalistes, on ne le rappellera jamais assez, nous sommes entrés dans l’ère post - croissance économique, poursuivre ainsi sans décroissance démographique équitable et choisie est raisonnablement suicidaire, il suffit de se référer à l’écologie Science. Aucune espèce ne peut proliférer indéfiniment au détriment des autres espèces, notamment par l’épuisement des ressources naturelles, la dilapidation de leur territoire et la destruction de leur Biotope, comme le fait l’Homme, sans se mettre elle même en danger et disparaître.

Contrairement aux cinq précédentes extinctions des espèces, Pour la première fois l’homme est le seul responsable de la sixième extinction massive des espèces. Jusqu'à un million d'espèces animales et végétales sont menacées d'extinction, dont beaucoup « dans les prochaines décennies », selon un projet de rapport de l'ONU sur la biodiversité. Même s’il est compliqué de savoir si une espèce a définitivement disparu, comme l’oiseau redécouvert en Birmanie, il y a bel et bien des animaux que nous ne reverrons plus sur cette planète que l’Homme, par son nombre et son économie productiviste, détruit progressivement. Malheureusement, nous ne pouvons pas faire l’inventaire de toutes les espèces qui disparaissent. C’est d’ailleurs pour cette raison que certains anciens animaux sont plus connus que d’autres, comme le dodo.

Avec les énergies fossiles et les nouvelles révolutions numériques, un plus pour l’homme qui par sa croissance démographique est aussi le pire pour la planète

Par exemple, aujourd’hui, avec la révolution numérique des nouvelles «  intelligences artificielles » : Il s’agit d’un ensemble d’algorithmes conférant à une machine des capacités d’analyse et de décision lui permettant de s’adapter intelligemment aux situations en faisant des prédictions à partir de données déjà acquises. En se substituant ainsi à l’homme pour des opérations complexes, les robots changent de statut. Dans tous les domaines : entreprises, services, santé, hôpitaux, enseignement, transports, militaires etc. désormais l’Intelligence artificielle s’installe partout avec des applications de substitution totale de l’intervention humaine aux robots par phases successives. Il est évident que les « Intelligences artificielles » vont susciter des espoirs, parfois surréalistes, mais aussi des craintes apocalyptiques, dont certaines peuvent être justifiées.

Faut-il rappeler qu’actuellement on est en mesure de confier des taches sélectives de décision, notamment, pour la justice, la médecine, l’enseignement, mais aussi faire déplacer des véhicules sans chauffeur ou des drones-taxis sans pilote. Y compris faire fonctionner des « entreprises 4.0. « sans aucune intervention humaine, grâce aux interconnexions de l’intelligence numérique entre les machines, avec toutes les conséquences d’éthique, sociales et sociétale que cela suppose. Par exemple, s’agissant de la justice pour désengorger les tribunaux, lorsque cela ne relève pas de décisions concernant des jugements dans des situations complexes, où elles doivent être prises en « son âme et conscience », les robots peuvent très bien suppléer les magistrats pour prononcer des sanctions en fonction de critères très précis.

Si la nouvelle révolution numérique peut également participer à la restructuration des territoires, tout en participant à des politiques locales de décroissance et rééquilibrages démographiques entre grandes zones urbaines et zones rurales actuellement délaissées, notamment dans certaines régions du monde où se concentrent de gigantesques mégapoles avec une extrême misère dans les campagnes, souvent à cause des problèmes climatiques ou du pillages des ressources fossiles, Il ne s’agit pas pour autant de nier les problèmes d’approvisionnement énergétique à plus long terme en métaux issus des « terres rares » (qui ne le sont pas toutes).

En effet, la demande de terres rares est explosive, notre dépendance totale. Il n´existe peu de matières premières, dont la demande, a été multiplié par 30 fois en 50 ans. Mais aussi avec les besoins d’électricité et vu l'explosion de la croissance démographique, la demande ne fera que croître. En 1968 la population mondiale est estimée à 3,5 milliards ( http://www.politologue.com/population-mondiale/ ) elle est passée à 7,6 milliards en 2018 et atteindra très probablement les 8 milliards en 2020 ( https ://www.planetoscope.com/natalite/5-croissance-de-la-population-mondiale-naissances---deces-.html )

La Chine, c'est 90 à 95% de la production mondiale, alors qu’elle ne détient que moins de 30 % des réserves mondiales. Elle alimente à elle seule toute la planète en terres rares. En 10 ans, elle a éradiqué la quasi-totalité de ses concurrents occidentaux par une guerre de prix destructive. Elle est devenue totalement « maître du jeu ».

Plus de croissance démographique c’est aussi plus de consommation moyenne d’électricité par habitant

La consommation mondiale d’électricité est passée en moyenne par habitant de 1525,2 kw heure en 1978 ( https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/EG.USE.ELEC.KH.PC ) à 3130 kw heure en 2018 soit une augmentation de plus du double, quand la population mondiale a augmenté de près de 83 % pendant la même période (ce qui est considérable). Il y a toutefois des écarts considérables entre pays riches et pays pauvres, mais tous, sans exception ont enregistré des progressions continues.

A l’échelle mondiale, en 1978 si la consommation moyenne annuelle par habitant était de 1525,2 Kw heure, cela fait une consommation totale moyenne de 1525,2 x 4,3 milliards d’habitants soit 6558, 4 milliards de kw heures. En 2018 avec une consommation moyenne annuelle de 3130 kw heure X 7,6 milliards d’habitants, cela fait un total de 23 788 milliards de Kw heures.

Concernant la consommation de pétrole

En 1978 la consommation la consommation mondiale de pétrole se situait à 78, 9 millions de barils jours. En 2018 elle se situe à 99,2 millions de barils jours. Selon les dernières données de l’AIE (+ 1,3 Mb/j par rapport à 2017). Elle pourrait continuer à augmenter à un rythme « modeste  » de 1,2% par an, pour atteindre 106,4 Mb/j en 2024 d’après les projections de l’Agence qui n’envisage « pas de pic en vue  » pour la demande mondiale, ce qui est loin d’être approuvé par de nombreux spécialistes, y compris par l’AIE concernant le pétrole conventionnel.

Fin 2018, l'Agence Internationale de l'Energie (AIE) a apporté ses précisions. La production mondiale de pétrole conventionnel aurait franchi un pic en 2008 avec 69 millions de barils produits par jour. Elle aurait décliné, depuis, de moins de 3 millions de barils par jour. Mais pendant un temps, le pétrole de schiste a pris le relais, avec les dégâts environnementaux que l’on sait.

La situation semble aujourd'hui plus délicate. Selon l'AIE en effet, il faudrait multiplier par 2 ou par 3 les extractions de pétrole de schiste pour éviter aujourd'hui que le pic pétrolier ne soit atteint en 2025. mais à ce jour, la plupart des entreprises qui exploitent le pétrole de schiste aux États-Unis, investissent déjà plus qu'elles ne gagnent. Elles ne semblent donc pas disposées à augmenter leurs productions. D'autant que dans un contexte de lutte contre le réchauffement climatique, la demande pourrait bien finir par partir à la baisse. Une autre sorte de pic pétrolier qui arrivera, selon les spécialistes, entre la fin des années 2020 et la fin des années 2030.

La croissance de la consommation mondiale de pétrole dans les 5 ans à venir viendra en grande majorité de l’Asie (la Chine et l’Inde comptant à elles seules pour 44% de cette hausse attendue) selon l’AIE, tandis que la consommation européenne est appelée à diminuer très légèrement sur cette période (- 0,1 Mb/j entre 2018 et 2024).

Il y a également les rejets de CO2, bien que l’augmentation soit faible entre 1978 et 2018, avec la croissance démographique le volume global croît considérablement

- 4,32 tonnes en 1978 ( https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/EN.ATM.CO2E.PC ) soit pour 4,3 milliards d’habitants un rejet total de 19,5 milliards de tonnes

- 4,37 tonnes en 2018 (agence internationale de l’énergie AIE). Malgré le très faible écart de 0,05 tonnes, mais pour 7,6 milliards d’habitants X par 4,37 tonnes, c’est un rejet total de 32, 2 milliards de tonnes, soit une augmentation de 65 % ;

Avec le niveau actuel de croissance démographique et les besoins économiques minimaux qui l’accompagne, il s’avère impossible de réduire les émissions globales de CO2.

Telle est la conclusion sans appel de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE). Compte tenu des projets des pays en développement, 80 % de l’énergie utilisée sur la planète continuera à provenir des hydrocarbures au milieu du présent siècle. Les mêmes rapports de l’AIE montrent que, pour réduire les émissions globales de CO2, il faudrait que les pays riches stoppent leurs émissions, ce qui ne peut se faire par une baisse drastique du niveau de vie et que les pays pauvres deviennent encore plus pauvres, ce qu’ils refusent évidemment et serait de surcroît moralement inadmissible.

Telle a aussi été la conclusion de la « Fondation Hulot » elle-même à la veille de la Conférence de Paris de 2015 (COP 21), qui a constaté avec effarement que, loin d’être divisées par deux d’ici 2050 comme le demandait le GIEC, les émissions mondiales allaient continuer à augmenter au cours des décennies à venir (Réf. : Fondation Nicolas Hulot : Thermomètre des engagements, 29 octobre 2015).

Pour conclure

Pendant ce temps dans le monde les dirigeants politiques ne semblent guère se soucier de la question démographique. Dans des pays Européens, tels la France, on poursuit des politiques natalistes et dans la plupart l’on continue imperturbablement à construire des centrales électriques à charbon, développer les industries et des parcs de véhicules terrestres, maritimes ou aériens qui ne peuvent se passer d’hydrocarbures. La question se pose alors de savoir pourquoi ces faits incontestables et incontestés ne sont jamais pris en compte par la quasi-totalité des institutions internationales et nationales qui traitent du climat.

 


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