Croissance économique et énergétique : une simulation du futur

par John Wo
lundi 20 novembre 2017

La croissance économique est intimement liée à la consommation énergétique. Dans le système économique actuel, une croissance minimum est nécessaire pour éviter les crises économiques. Ainsi, dans le système actuel, il est indispensable que la consommation énergétique augmente pour éviter que l'économie ne s'enraye. D'un point de vue physique, il est évident qu'une croissance de la consommation énergétique indéfinie n'est pas possible. Une des grandes questions à laquelle l'humanité devrait donc répondre n'est pas de savoir si le système va s'effondrer mais quand cela va arriver si rien ne change. Je vais donc dans ce texte faire une petite simulation pour voir quand le système ne pourra plus fonctionner.

Mais avant, je vais donner quelques notions nécessaires pour comprendre l'intérêt de la simulation qui suivra.

 

Le lien entre énergie et économie

L'intensité énergétique mesure l'efficacité énergétique de l'économie. C'est le rapport de la consommation énergétique primaire sur le PIB. L'unité la plus souvent utilisée pour la mesurer est la tonne équivalent pétrole (tep) par millions de dollars. Une intensité énergétique élevée correspond à une économie gourmande en énergie tandis qu'une valeur faible correspond à une valeur faible.

Quelques valeurs données en tep par millions de dollars internationaux constants de 2000 [1].

Les valeurs par pays sont beaucoup plus variable, il y a quelques rare pays où la valeur descend à moins de 100 tep/M$ (Bangladesh, Colombie, République du Congo, Hong Kong, Maroc, Pérou et Uruguay). Il arrive aussi que l'intensité énergétique soit très importante avec un maximum assez ahurissant à plus de 4000 tep/M$ pour la république démocratique du Congo. Il doit y avoir pas mal de gâchis là-bas.

Il est très peu probable que le monde puisse descendre sous les 100 tep/M$ avec une économie moderne. Hong Kong fait figure d'exception mais pour la simple raison que l'économie de Hong Kong est surtout basée sur le commerce et la finance ce qui ne peut être appliquée au monde entier. Ce qui est vendu doit bien être produit quelque part !

Par ailleurs, Gaël Giraud, un économiste qui au contraire de ces collègues classiques considère que l'expansion économique dépend plutôt de notre aptitude à consommer de l’énergie affirme : « Pour désigner et évaluer cette dépendance [de l'économie sur le PIB], les économistes parlent plutôt d’élasticité du PIB par rapport à l’énergie : la plupart l’estiment voisine de 8-10 %. Pourtant, l’analyse de séries temporelles longues de consommation d’énergie primaire sur une trentaine de pays montre qu’en fait elle est durablement et structurellement proche de 60-70 %. Pour être plus précis, lorsque la consommation d’énergie primaire augmente de 10 %, le PIB tend à croître de 6-7 % en moyenne, avec éventuellement un retard pouvant aller jusqu’à dix-huit mois. » [2] Cela signifie donc que croissance de la consommation d'énergie primaire et croissance économique sont indissociables.

 

L'énergie d'un point de vue physique :

Après ces considérations économiques, essayons de comprendre un peu le monde physique et en particulier l'énergie. L'énergie est à la base de tous les échanges dans la nature. Les végétaux absorbent l'énergie du soleil pour grandir, les animaux récupèrent cette énergie en consommant les végétaux, voir en se mangeant entre eux. En fait la maxime célèbre « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » s'applique très bien à l'énergie. L'énergie se transforme en une nouvelle forme d'énergie. Par exemple, l'énergie solaire se transforme en énergie chimique dans les végétaux au moyen de la photosynthèse. Quand nous mangeons, on le fait principalement pour récupérer cette énergie.

On discute souvent d'énergie primaire, en effet l'énergie peut être transformée plusieurs fois avant d'arriver au consommateur final. On peut classer les énergies primaires ainsi : les énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz), les énergies renouvelables (solaires, hydraulique, éolien) et l'énergie nucléaire. Comme nous venons de voir que l'énergie se transforme, on peut donc naïvement se demander d'où proviennent toutes les énergies primaires initialement.

Pour les énergies fossiles, il s'agit de végétaux qui ont absorbés de l'énergie solaire il y a des millions d'années et qui ont été ensuite comprimés pour aboutir après un très long processus géologique à ces formes d'énergie très pratiques et très faciles d'utilisation : le pétrole, le gaz et le charbon. En fait le pétrole c'est de l'énergie solaire stockée il y a des millions d'année !

Les énergies renouvelables viennent aussi en très grande majorité de l'énergie solaire. En effet l'énergie hydraulique vient du cycle de l'eau. De façon très simplifiée, l'eau dans les mers et océans s'évapore sous l'effet du soleil pour former les nuages puis retombent sur terre pour former les glacier les fleuves et les rivières. L'énergie éolienne quant à elle provient des dépressions et surpressions sur Terre provoquées par des différences de température et donc aussi du soleil. Notons tout de même qu'en très haute altitude, les vents sont provoqués par la rotation de la Terre mais ils restent encore inexploitable. L'énergie de biomasse provient aussi évidemment du soleil. Ainsi les énergies renouvelables proviennent en très grande partie du soleil.

Ainsi la très grande majorité de l'énergie utilisée sur Terre que ce soit par les humains ou bien toute la nature provient du soleil. Nos ancêtres de l'antiquité n'avait finalement pas tort de prier le dieu Soleil qui est bien à l'origine de toute la vie sur Terre.

Quant à l'énergie nucléaire, elle provient de la matière, de la masse comme indiquée par la célèbre équation d'Einstein. On peut remarquer que le soleil est un gros réacteur nucléaire qui consomme sa masse pour créer son énergie, l'énergie solaire, c'est donc de l'énergie nucléaire.

Ainsi, toute l'énergie provient de la masse de la matière et la très grande majorité de l'énergie sur Terre nous est parvenu et nous parvient encore grâce à la bonne grosse batterie qu'est le soleil.

 

La simulation :

Combien de temps notre système économique peut-il fonctionner ? Sans croissance, le système actuel rentre en crise, or comme vu précédemment, la croissance économique ne peut exister sans croissance de notre consommation énergétique. Par ailleurs nous avons pu remarquer qu'à part le nucléaire toute notre énergie provient du soleil. On peut donc transformer le problème ainsi : au rythme de croissance actuel, dans combien de temps on consommera plus d'énergie qu'on en reçoit du soleil ?

 

Energie solaire :

Quelle est l'énergie totale que l'on reçoit du soleil ? Le soleil émet un flux énergétique de 3,826 × 1026 Watts. Cela signifie donc que chaque année il émet la quantité d'énergie suivante 1,207 × 1034 Joules. Connaissant le diamètre de la Terre et la distance Terre-Soleil on peut ainsi estimer la quantité d'énergie reçue par la Terre en une année soit 4,83× 1024 Joules, c'est à dire 115 millions de Mtep.

 

Consommation énergétique :

La consommation énergétique mondiale en 2016 a été la suivante : [3]

Energie

Production en 2016 en Mtep

Variation 2006/2016

Pétrole

4 382

+12%

Charbon

3 656

+16%

Gaz naturel

3 213

+23%

Hydraulique

910

+32%

Nucléaire

592

-7%

Eolien

217

+621%

Géothermie, biomasse, etc

127

+106%

Biocarburants

82

+195%

Solaire photovoltaïque

75

X 56

Total énergie primaire

13 276

+18%

La consommation indiquée ci-dessus est sous estimée, elle ne prend pas en compte l'énergie que nous consommons à travers notre alimentation, je parle ici du soleil dans nos aliments et non du pétrole dans nos tracteurs. Elle ne prend pas en compte non plus l'utilisation des énergies renouvelables pour produire de l'énergie thermique, par exemple, l'usage du feu de bois pour se chauffer ou pour la cuisson des aliments qui est encore très répandu en Afrique.

 

Evolution de la consommation énergétique dans l'avenir :

Faisons donc l'hypothèse que l'on se sert uniquement de l'énergie reçue par le soleil et que nos super panneaux solaires ont un rendement de 10%. On démarre la simulation la première année avec une consommation de 13 276 Mtep et on considère une croissance de la consommation énergétique de 18% tous les 10 ans.

Dans moins de 150 ans, on doit recouvrir 1% de la surface de la Terre de panneau solaire puis dans moins de 280 ans, on doit recouvrir 10% de la surface de la Terre pour assouvir nos besoins énergétiques et dans 420 ans, toute la surface de la Terre se retrouve couverte. Notons aussi qu'à ce rythme de croissance, si on suppose que l'humanité en sera capable, on finirait de construire une sphère de Dyson avant 1750 ans. C'est à dire qu'on utiliserait toute l'énergie du soleil en l'entourant de panneau solaire.

 

Que conclure de cet exercice de prospective ?

Il est assez évident que le système économique actuel qui nécessite une croissance minimum ne sera plus adapté dans quelques siècles et peut-être même d'ici quelques décennies. Notre consommation actuelle représente déjà 0,1% de l'énergie que l'on reçoit du soleil. Il semblerait que ce soit déjà suffisant pour avoir un impact non négligeable sur l'environnement. A partir de 1%, les effets sur notre environnement seront très visible. Jamais, il ne sera possible de recouvrir toute notre planète de panneaux solaires puisque cela signifierait la destruction de tout notre environnement.

Plusieurs avenir s'offre donc à nous. Si rien ne change, la crise perpétuelle qui commencerait à partir du moment où on ne pourra plus augmenter notre consommation énergétique à un rythme exponentiel. Cela pourrait en fait se produire dans assez peu de temps. Serons-nous un jour capable d'exploiter plus d'1% de l'énergie que l'on reçoit du soleil que ce soit directement ou indirectement à travers tous les types d'énergies renouvelables ? Ou alors, la seconde possibilité, le système aura changé pour ne pas imposer une croissance de notre consommation énergétique, il faudra donc un système qui permette à notre économie de se stabiliser.

On peut penser que quelques siècles c'est dans longtemps, et c'est le cas à l'échelle d'un être humain. Cela représente une ou deux dizaines de générations. Mais à l'échelle d'une nation c'est assez peu. La Chine, qui a presque toujours été la première puissance économique mondiale à part les deux derniers siècles et qui l'est à nouveau, existe depuis plusieurs millénaires. Cela représente donc à peine 10% de son temps d'existence. Et à l'échelle de l'humanité quelques siècles c'est demain !

Je conclus donc de mon exercice de prospective que le problème vient de notre système économique et plus particulièrement du système monétaire. La création monétaire telle que conçue actuellement impose une croissance exponentielle de l'économie. C'est un très bon système pour créer de la richesse lorsque nous avons à disposition une source d'énergie quasi illimitée et très facile d'utilisation. En clair c'était très adapté pour la découverte du pétrole et ses nombreux usages. Mais on arrive au limite du pétrole, il faudrait donc dès maintenant penser au futur et changer le système économique de notre plein gré.

L'économie est la science des échanges. La monnaie universelle dans la nature pour les échanges c'est l'énergie. Il est temps de baser notre économie sur la monnaie universelle !

 

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_intensit%C3%A9_%C3%A9nerg%C3%A9tique

[2] https://lejournal.cnrs.fr/articles/la-croissance-une-affaire-denergie

[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Ressources_et_consommation_%C3%A9nerg%C3%A9tiques_mondiales#cite_ref-AIE.C3.A9lec_43-1


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