D’Elisabeth Révol à Catherine Destivelle. Mais pourquoi risquer sa vie en montagne ?
par velosolex
jeudi 1er février 2018
L’épopée malheureuse d’Elisabeth Révol et de son pauvre compagnon, Tomek Mackiewicz ont remis l’alpinisme au premier plan des médias. Son sauvetage a été rendu possible grâce à une première au monde : Au-delà de son propre courage, l’intervention d’une cordée d’alpinistes qui était à proximité, tout autant qu’un appel aux dons, permit ce petit miracle, qui vaut mieux qu’un 8000, même s'il ne fut malheureusement pas complet !
Quant aux réactions du public, Il suffit de lire les commentaires des internautes pour être parfois dubitatif. Si l’intrépidité des escaladeurs n’a pas changé, l’incompréhension de certains est tout autant la même. Qu’un accident arrive, qu’un plan d’aide coûteux soit élaboré, mettant en péril parfois la vie des sauveteurs, et les mêmes réactions se font entendre : « Ils l’ont bien cherché. Personne ne leur a demandé d’aller là haut faire les cons ! Qu’ils se débrouillent ! »
D’autres, heureusement plus généreux, mais connaissant bien peu la logistique, s’étonneront qu’une intervention ne se fasse pas immédiatement, quand on apprend qu’une cordée est bloquée là haut depuis des jours…
Or, ce n’est pas tout à fait la même chose, de lancer une opération dans le massif du mont blanc, qu’au cœur du Pakistan. Là, dans cet espace immense, au sein d’une économie précaire, pas d’équipe de professionnels aguerris, en relation avec des professionnels du soin, prêts à monter dans un hélicoptère comme une équipe du SAMU dqns une ambulance.
Nous sommes bien loin à l’époque des cellules de soins psychologiques prescrites parfois à tort et à travers. Le « Aide-toi le ciel t’aidera ! » servira longtemps en même temps que la médaille de saint Christophe dans la poche, de viatique de survie.
On considère que l'alpinisme, en temps que discipline sportive, a été inventé par Horace-Bénédict de Saussure lorsqu'il proposa en 1786 une prime au premier qui gravirait le mont Blanc, appelé la « montagne maudite » : le 8 août 1786, le guide Jacques Balmat et le docteur chamoniard Michel Paccard parviennent pour la première fois au sommet du mont Blanc. C'est le récit de l'ascension de Saussure le 3 août 1787 qui donne l'élan européen à l'alpinisme
Mais il semble que depuis toujours et en dépit des superstitions, faisant tabou de ces hauts lieux peuplés de démons, des hommes n’ont pas seulement rêvé de mettre le pied là haut, mais se sont donnés les moyens d’y parvenir. L’empereur Hadrien monta l’Etna, Pierre d’Aragon le mont Canigou, et Pétrarque le mont Ventoux….Un vrai poème à la Prévert…. Quoi qu’il en soit ce fut l’époque du romantisme qui changea les esprits. On commença à admettre la beauté de ces lieux perdus, loin de toute route, au milieu de pays sauvages, et à inciter les voyageurs à s’y risquer, dans cette quête du « sublime » !
Se lancer à travers des mers inconnues pour enrichir le pays de terres nouvelles, voilà une chose qui était admise. Mais vouloir se hisser en haut d’une montagne fut là jugé comme une étrangeté, un lobby de bourgeois, qui donna évidemment lieu à un commerce.
C’est ainsi que naquit le métier de guide, au service de ces anglais si fortunés, amateurs de sensations fortes. Néanmoins, pendant longtemps, il fallut habiller ce plaisir d’un alibi scientifique. Et l’on emportait un baromètre afin de saisir là haut la pression, et sans doute autant pour la museler quand on était en bas.
Henri Brulle n’était certainement pas exégète. Les motivations d’un homme à l’autre sont sans doute très variées, et échappent elles même parfois à leurs auteurs, tout en étant dépendantes des temps.
Car il existe aussi une voie périlleuse sur la face nord, qui est celle de la vanité, de la conquête et de la domination. La montagne y a été vue pendant longtemps comme un sommet à vaincre, à l'image d'un ennemi.
Les accents guerriers, voire sexuels, ou les termes s’approchant du viol sont omniprésents. Ils nous montrent bien la réalité des rapports qui continuent parfois encore à prévaloir, entre l’homme et son milieu naturel, si signifiants d’une culture, ou femmes, ennemis et terres doivent être soumis au conquérant.
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L’iconographie virile de ces hommes, se battant dans un univers minéral hostile, à la conquête des cimes, sur fond de drapeau que l’on plantait au sommet, leur semblait une promo évidente des « valeurs aryennes » ; Volontarisme, prise de risque, éloge de la force et de la conquête.
Ce ne furent pas les seuls, bien sûr. L’expédition Herzog qui en 50 célébra la France, lors du premier 8000 mètres, fut bien une aventure nationale, Gaullienne, dont un des buts non avoué était bien de restaurer l’image du français combattant, écorné par l’humiliation de la défaite de 40, et ces années grises qui suivirent.
Et qu’importe parfois les moyens. Aux yeux de certains, peu nombreux il est vrai, seul le résultat compte. On aura beau faire, certains ne parviendront jamais à prendre de la hauteur, resteront terre à terre, même dans un 8000, l’esprit collé à hauteur du plancher des vaches et au calcul matois d’un maquignon,visant avant tout la notoriété, et les avantages qui vont avec.
Il y a l’histoire officielle d’un escalade, et celle de ses protagonistes sur le terrain. Les paroles et les échanges qui ne seront jamais restituées, la photo qu’on prend là haut fera office de preuve.
Seule la mer à cette promptitude quasi animale à vous faire passer par dessus bord, à la moindre erreur, que vous appeliez Tabarly ou non.
C’est la question que durent se poser Elisabeth Révol et son malheureux compagnon, afin de ne pas perdre la moindre minute de temps.
Car dans cette aventure, pour un drapeau planté, il y perdra semble t’il bien plus que ses pieds gelés, qu’il fallu amputer.
Parvinrent ils vraiment sur ce petit plateau ?. Il est permis d’en douter. . Quelques années plus tard Lachenal préparait un livre qui devait être édité quand il disparu dans un accident. La légende du premier 8000 était sauve pour un bout de temps. Les mystères de l'histoire - Maurice Herzog et Louis Lachenal ont-ils …
C’est peu dire que l’Eiger, et cette face nord si terrible, où le soleil ne brille jamais sur sa face gelée et friable, fut le lieu du drame par excellence. Sa légende noire flirte avec celui des vieilles légendes païennes et des monstres dont il porte le nom. La tragédie qui s’y déroulé en 57 possède tout du drame shakespearien, avec des gladiateurs improvisant une tragédie sur une scène de théâtre minérale....
Il faudra cinq années pour connaître la vérité et retrouver les corps des deux allemands, et un an pour « décrocher » le corps de Stefano Longhi de la paroi sur laquelle il était harnaché, « battu à mort par la tempête », « se balançant au bout de sa corde l’été, incrusté dans la paroi l’hiver ».
A l'assaut de l'Eiger - le drame de 1957 | Le Club de Mediapart
Mais l’écouter parler de son passé, c’est aller aussi à la rencontre des ombres, de ceux qui sont restés au fond des gouffres et des crevasses, victime parfois d’un simple piton brisé. Il n’y a pas de science exacte et de précautions suffisantes pour se garder de tout.
France/Monde | Catherine Destivelle : "Il était le plus beau grimpeur"
Tomber d’un escalier vous apportera bien plus de regret, car on pouvait si facilement prévenir la chute ! ... La vie en elle même doit elle ressembler davantage à une balade sur le balcon des dieux, qu’à une corvée de carreaux à nettoyer. On finit de toute façon par tomber un jour, qu’on soit pénétré du sens du tragique, ou de l’absurde. L’important n'est il pas de s'approcher le plus près du spectacle du monde ?.
Prévoir tout de même une petite pharmacie dans son sac.
Ces histoires d’ascension semblent parfois faire descendre les hommes qui y participent dans les zones les plus sombres, les plus étranges. Montée et descente, bien sûr, mais tout autant en dedans qu’en devers soi !
Mais pourquoi donc risquer sa vie en montagne ? Interrogés en profondeur, au-delà des réponses convenues, genre « parce que j’aime ça ! » représentant déjà en soi une addiction, un comportement compulsif, certains avoueront des difficultés psychologiques, à l’origine de leur passion.
Certains escaladeurs émérites confesseront que la montagne les a sauvé du suicide, d’une vie confrontée au vide. http://bit.ly/2nrx4U0
L’affronter en vrai, face à la pente des sommets, serait il une forme de soin empirique ?
En tout cas, elle vous met en face de choix immédiats, pragmatiques, et vous confronte a la beauté pure, à l’effort simple et rédempteur, bien loin du chant des théories absconses, et de l’attente de Godot, assis sur une chaise, la tête entre les mains, comme le penseur de Rodin.
Ce n’est pas pour rien que la montagne ou la voile sont souvent choisis par les thérapeutes pour redonner une confiance en la vie à leurs patients. Et que les chemins de Compostelle, ou les remontées de la France d’un pôle à l’autre, qui sont autant de forme de pratique de montagne « à plat »pour le peu qu’on considèrent celles ci comme les métaphores des limites particulières que chacun possède, mais qu’il peut gravir, remportent un tel succès.
« La montagne, comme dit le slogan, ça vous gagne…. »
« Homme libre, toujours tu chérira la mer ! »
Juste prévoir des chaussures adéquates. Un sac pourvu de quelques aliments. Suffisamment d’eau. Des lunettes de soleil.
Un pull over et un anorak en cas de pluie. Le reste à l’avenant des difficultés. On peut aussi emmener avec soi un livre. La poésie se récite sur ces sommet comme nulle part ailleurs.
Et à réciter les vers de Rimbaud, on peut estimer alors être à des hauteurs vertigineuses. Même si l’on est simplement dans la plaine, longeant un sentier d’été, par la nature, heureux, comme avec une femme...
Poème ; Sensation http://bit.ly/2kKrCaU
Robert Charlebois - Sensation - YouTube