D’Haïti à Dunkerque : Stéphane témoigne des conditions de vie des migrants dans le nord de la France
par Médecins du Monde
vendredi 24 décembre 2010
« Je suis arrivé en octobre 2010 à Dunkerque sur le programme de Médecins du Monde d’aide humanitaire aux
migrants.
Je revenais juste de trois mois comme gestionnaire du stock
de Médecins Sans Frontières en Haïti après le séisme. Je voulais
travailler sur la solidarité mais en France. Je pensais qu’il y avait
des choses à faire.
Franchement, je ne pensais pas que la situation ici
serait à ce point là, à ce niveau de détresse et de misère humaine. Les
conditions de vie sont vraiment très très dures.
J’ai été logisticien aux Philippines après une inondation et les personnes sinistrées qui avaient tout perdu vivaient dans de meilleures conditions que les migrants auprès de qui nous venons en aide ici. J’aurais eu du mal à m’imaginer que des personnes vivent comme cela, chez nous, en France.
Mais ce qui m’a le plus choqué car je ne m’y attendais vraiment pas ce sont les relations si mauvaises avec les autorités publiques. Elles sont presque hostiles, fondées sur la méfiance, j’ai rarement vu sur les missions où j’ai travaillé à l’international, une telle tension. D’habitude, nous les secours, on est plutôt bien accueillis.
Les gens qui sont là sont des gens très courageux, ils ont fuit des pays en guerre pour la plupart, ils n’ont pas accepté ce qui se passait chez eux. Ils sont Iraniens, Irakiens, Soudanais, Palestiniens ou Erythréens…je suis souvent très surpris de leur niveau d’éducation ou de leur vie d’avant quand ils m’en parlent : ils sont étudiants, professeurs, informaticiens ou éleveurs, propriétaires agricoles … Ils ont tout quitté pour venir en Europe. Malgré des conditions de vie déplorables, ils ont une incroyable capacité à rester dign
La première chose à faire était d’identifier les besoins sur le plan logistique, en complément des cliniques mobiles menées par les bénévoles de l’équipe Médecins du Monde. Ce qui existait sur le plan de l’hygiène, pour permettre aux migrants de se laver, pour évacuer les eaux usées, tout ce qui permet d’éviter, de prévenir des maladies de la peau, des maladies contagieuses aussi liées au manque d’hygiène. On a permis l’accès à l’eau potable avec des points d’eau à proximité des lieux de vie des migrants.
Quand est arrivée l’automne, on a vu apparaître des maux de gorge, des bronchites dus au refroidissement et au fait que les migrants vivent dehors tout le temps sans aucune protection contre le froid et le vent. Ils vivaient sous des bâches à même le sol pour la plupart. On a donc commencé par renforcer les abris précaires avec du matériel de récupération, des palettes. Tout ce qui pouvait se faire rapidement et pas cher.
Ensuite, il s’est mis à faire très froid et beaucoup plus tôt que d’habitude. Tout le monde a été pris de court. On a distribué 420 duvets depuis novembre. On s’est rendu compte que le Préfet ne prenait pas en compte les personnes sans-papiers dans le plan grand froid alors que la circulaire nationale indique bien que tout le monde doit être mis à l’abri quand les températures baissent. On s’est battu avec d’autres associations ensemble pour que les sans-papiers soient inclus dans le plan grand froid. Malgré cela, rien n’est vraiment prévu pour eux, les sites d’accueil sont déjà saturés et tous vivent et dorment dehors y compris quand il a neigé plusieurs jours de suite.
On a donc construit pour la première fois en réponse à cette situation d’urgence, une sorte de camp de "réfugiés en France". Il s‘agit pour l’instant de deux grandes tentes, isolées au sol avec des palettes et des planches, aux murs et plafond avec du polystyrène et des plaques agglomérées. On a rajouté des couvertures en laine pour garder la chaleur. Le tout est recouvert de grandes bâches agricoles. Les migrants présents nous ont aidé à monter ces tentes. Ils y ont beaucoup travaillé. Après leur première nuit dans un peu de chaleur, ils nous ont tout de suite dit que c’était bien, qu’ils avaient pu se reposer un peu pour la première fois depuis longtemps. Cela faisait plaisir. Ces abris sont en complément de la clinique mobile qui vient une fois par semaine sur les sites. Cela permettra d’éviter certaines maladies liées au grand froid.
Médecins du Monde
www.medecinsdumonde.org
Décembre 2010