D’outreau à Johannesburg

par Gilbert Comte
mercredi 21 juillet 2010

Entre un Président aux abois et plusieurs ministres en capilotade, les Français ne disposeraient plus, nous assure-t-on, de « repères ». Mot bien rabâché, et là très inexact. Car les marques bien visibles ne manquent pas toujours. Celles de la bêtise, de la désinvolture, de l’inconscience devant les effets du chaos. Lorsqu’ils s’ajoutent les uns aux autres, quelques scandales retentissants produisent même une véritable signalisation, très riche en « repères ». Ainsi, rien ne ressemble plus à un désastre qu’une catastrophe, même si ils éclatent selon des schémas identiques à Outreau avec la justice, puis à Johannesburg avec le sport. En apparence, le petit juge Burgaud distant, taciturne, coincé dans son bureau n’annonce guère les tonitruances bravaches, verbeuses, d’un Raymond Domenech, si à l’aise devant les micros. Dans des genres différents, ils émanent l’un et l’autre de nos scléroses mentales, désormais si bien établies qu’en tous domaines, elles promettent le pire. 


A l’inverse d’une légende bien commode pour ses collègues, le jeune magistrat dévastateur ne conduisit jamais tout à fait seul la sinistre enquête durant laquelle il envoyait puis maintenait pendant plusieurs années des innocents en prison. Deux-trois de ses collègues devaient surveiller, vérifier, valider ses actes selon tout un système mis au point par le Code de Procédure Pénale. Mais au lieu d’appliquer la loi, ces puissants personnages s’occupaient d’autre chose. Le terme toujours un peu mystérieux de « dysfonctionnement » s’efforce alors d’absoudre aux yeux du public des défaillances d’abord individuelles, puis corporatives. Ainsi s’évitent les sanctions. Même comédie avec les prétendus « bleus » à Johannesburg. Depuis des mois et des mois, leur sélectionneur étalait la plus parfaite incompétence. Son manque de sérieux évident, ses variations, ses faux-fuyants promettaient des revers cuisants. Mais selon la méthode efficace mise au point par Sarkozy lui-même, il pratiquait la jactance rigolarde. Rien de mieux pour méduser les Français. Toujours, ils en redemandent. Ils veulent des bouffons à leur tête à perte de vue.

Par une vraiment très curieuse coïncidence, les célébrations déclamatoires du fameux Appel du général de Gaulle à la Résistance, le 18 juin 1940, débutèrent cette année à quelques heures de notre applatissement sportif en Afrique du Sud. Pour quiconque en garde encore quelques souvenirs personnels au fond des yeux, la débâcle militaire jetait des fugitifs hagards le long des routes. Le fiasco certes moins meurtrier de Domenech laisse leurs descendants hilares aux terrasses des cafés qu’ils occupent à pleins trottoirs. Mais, sur trois-quatre générations, pour presque tous la même veulerie héréditaire. ; Aussi un peuple livre-t-il tour à tour au destin les soldats, les footballeurs, les flics, les magistrats, les élus véreux, les prêtres pédophiles, les people satisfaits qu’il mérite. Facile, après, de cogner sur Vichy, Pétain, à longueur d’années. Ca passe le temps et ça ne coûte pas cher. 


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