Daech ? C’est nous
par Argo
mardi 17 novembre 2015
Vengeance ! Riposte, « guerre totale » contre Daech ! Unité Nationale ! 66 millions de cons en un seul… Sans moi ! Daech c’est NOUS. Le problème est CHEZ NOUS. Nous ne le réglons pas depuis des années par manque, non de moyens mais de volonté politique. Par la faiblesse et le laxisme, non pas de notre constitution ou de notre police, mais de notre justice. Alors, notre première réponse, concrète, c’est la « guerre totale », foutre sur la gueule de Daech. En réalité, bombarder la Syrie et son peuple. Venger nos morts par d’autres morts, victimes collatérales, comme les nôtres, d’un conflit qui les dépasse. L’engrenage… Bush, Rambo, même combat ! Bombardons Daech, bombardons Molenbeek tant qu’on y est, la faute aux Belges, carpet bombing jusqu'à la lune… et à quand Lunel, mes couillons ? D’une boucherie l’autre. Vite ! À condition qu’elle soit toujours plus chevaleresque. Et qu’on n’en sorte plus ! Voilà donc la fine solution ?
Daech c’est NOUS. Nous l’avons créé. Nous l’avons alimenté en militaires affutés, transfuges de l’armée Irakienne, puis Libyenne et enfin Syrienne, financé par le jeu de nos alliances, équipé en armes (des transferts « malheureux »)… Et, par-dessus tout, nous lui fournissons le moteur essentiel à son développement : la haine. En nous arrogeant le droit, contre toutes les conventions, d’abattre des dictatures laïques à notre seule guise pour ne semer que la mort, ne laisser derrière nous que le chaos, la destruction, la misère. Aujourd’hui, en bombardant (avec autant de courage que d’altitude) la Syrie. En ramenant ces pays à l’âge de pierre, NOUS les avons livrés aux barbares. A présent, comme Frankenstein, la bête nous échappe.
Les auteurs des attentats sont Français, Belges, connus de nos services (dont un vivant pépère à Drancy alors qu’il est visé par un mandat d’arrêt international, cherchez l’erreur), ou en Syrie comme le fameux Abaaoud dont on découvre (seulement ?) aujourd’hui qu’il est derrière les précédents attentats (et qu’il serait venu en Belgique en janvier 2015 sans être inquiété). Pourquoi ne pas pulvériser le seul Abaaoud au moyen d’un drone ou autre ? Ça se fait, parait-il, je ne suis pas spécialiste. Pourquoi ne pas traiter les cas connus sur notre sol ? Le fichier S et toutes les lettres de l’alphabet. Eh bien, nous allons engager un débat nationaaal dans les mois qui viennent pour réformer notre constitution, cette foireuse, droite, gauche, des mois de belotes. Et, en attendant, selon les propres mots de notre premier ministre, il faut nous attendre à d’autres attentats. Ah ! Comme nous lui sommes reconnaissants de sa franchise, de nous vouer à d’autres massacres, de nous désirer dans d’autres folies. Unité Nationale ! 66 millions de cons en un seul ! Martyrs pour le triomphe démocratique !
Ces quinze dernières années, nous avons joué aux apprentis sorciers avec le résultat que l’on sait. En Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie, nous avons enfanté des monstres, lancé des guerres que nous avons toutes perdues. Al-Qaïda est anéanti, Ben Laden est mort, Daech est sur le point de l’être, au plan militaire, mais l’esprit, l’idéologie qui anime ces mouvements perdure, se renforce, les fait rejaillir ici ou là, sous un autre nom, une autre forme, une même volonté de domination, aujourd’hui, demain, comme tous les autres jours. Nous avons perdu cette guerre, elle ne peut être gagnée. Alors, peut-être serait-il temps d’arrêter, de nous poser, de réfléchir à des solutions diplomatiques, politiques, à la meilleure façon d’isoler ces mouvements, de les réduire, de couper leurs ressources humaines, financières, de tarir la gaine qui les alimente. Nous trouverons des alliés pour cette besogne, y compris parmi ceux qui nous reprochent aujourd’hui nos actions. Sans compter nos grands et juteux amis. Au point où ils ont investi notre économie, acheté nos mirages de combat et nos PSG de gala, ils peuvent bien veiller un petit peu sur nos avenirs, non ? Ce n’est pas le pognon et le carburant qui leur manquent.
Avons-nous envie de laisser ce monde à nos enfants ? Et quand le moment sera venu d’écrire l’histoire de ces 15 dernières années, dans un siècle ou deux, qu’on dise de nous « Mais regardez ce qu’ont fait ces cons » ? Tant mieux si je me trompe. J’ai même plus le cœur à délirer.