Dans l’affaire du camion-citerne, les gilets-jaunes ont-ils dénoncé des migrants ou leur ont-ils porté secours ?
par Jean Dugenêt
samedi 15 décembre 2018


L’affaire des 6 migrants qui s’étaient cachés dans un camion-citerne a fait grand bruit. Les gilets-jaunes se seraient transformés en chasseur de migrants pour les dénoncer aux gendarmes afin qu’ils soient renvoyés chez eux. C’est ce que laisse entendre le site web de « L’Obs » qui titre : « Les gilets-jaunes livrent des migrants cachés dans un camion aux gendarmes ». Même son de cloche sur le site de Europe 1 qui titre : « Quand des gilets jaunes dénoncent des migrants cachés dans un camion et suscitent l’indignation ». Ils « livrent » et ils « dénoncent » sont les verbes qui reviennent le plus souvent. Or, ils sont contestables et pour savoir ce qui s’est passé rien de tel que de revenir à la source. Nous vous proposons de visualiser les vidéos de YouTube qui ont été filmées lors des faits. On y entend certes des propos anti-migrants et racistes. Mais il est facile dans un montage vidéo de choisir les extraits. Nous vous proposons de regarder et d’écouter attentivement celle qui est intitulée : « Ces gilets-jaunes qui ont dénoncé des migrants ».
On voit les 6 migrants sortir l’un après l’autre de la citerne et, assurément, on entend alors d'ignobles commentaires hostiles aux migrants. Mais que s'est-il vraiment passé ? L'un des gilets-jaunes explique : "On les a entendus frapper dans la cuve, ils étaient dans une citerne. On a arrêté le camion. On a appelé les gendarmes". Plus tard le même ou un autre (il cache son visage) explique : "Pour eux, on a eu des propos racials (il a voulu dire racistes)". La journaliste demande : "Et vous n'êtes pas d'accord avec ça ?". Réponse : "Non". La journaliste continue :"Vous, c'était quoi votre démarche à la base ?". Il répond : "Ben, juste de les faire sortir de là, quoi... Les gars, ils tapent à une cuve. C'est pas pour rien. Si on les avait laissés là-dedans, ça aurait été une non-assistance à personne en danger".
Puis, tandis que d'autres tiennent aussi des propos anti-migrants, un des gilets-jaunes qui n'est pas d'accord avec eux intervient : "Mais non, on n'est pas comme ça. Eux, ils fuient la guerre. Tu vois : ils ont leurs soucis... Mais nous aussi on a nos soucis". Et on ne manque pas d'entendre aussi et surtout des propos hostiles à Macron et aux interventions des CRS qui viennent déloger les gilets-jaunes.
Ceux qui se sont autorisés à tenir des propos accusateurs et sans nuances contre les gilets-jaunes à partir de cet événement semblent bien avoir manqué du recul nécessaire pour faire des commentaires politiques à partir des infos divulguées sur les médias des milliardaires. Certes les milliardaires et le pouvoir ont intérêt à discréditer les gilets-jaunes et, par ailleurs, la famille Le Pen et leurs associés cherchent à faire croire que tous les gilets-jaunes sont dans leur camp. Il convient, pour décrypter les infos d’être conscient de cela.
Nous avons dénoncé dans notre précédent article « Où vont les lambertistes ? » les propos ignobles de Daniel Gluckstein (dirigeant du POID) contre les gilets-jaunes mais nous n'avons pas trouvé mieux dans le groupe CPS (Combattre Pour le Socialisme) qui se réclame de l'héritage de Stéphane Just, l’un des dirigeants trotskistes exclu par Lambert-Gluckstein-Cambadelis. D'ailleurs tout semble indiquer une communauté de vue sur ce point entre CPS et le POID. Ils écrivent à propos de l'événement du camion-citerne : "D'ailleurs, à l'intérieur des "barrages", dans les manifestations, les exactions racistes et homophobes ont droit de cité sans rencontrer la moindre résistance, la plus connue étant cette répugnante livraison à la police de migrants cachés dans un camion-citerne, à un ”barrage” dans le département de la Somme".
Je me permets de m’adresser tout particulièrement à ces lambertistes de tout poil, peu scrupuleux à l’égard des faits alors qu’ils se plaisent pourtant à citer Léon Trotski : "La vérité est toujours révolutionnaire". Voyons camarades ! Un p'tit effort ! Ils sont puissants ceux qui ont intérêt à discréditer les gilets-jaunes. Vous n'êtes pas obligés de les aider ! Choisissez votre camp ! Et si vous voulez-vous attaquer à des déviances fascistes, montrez votre solidarité avec les militants de l'UPR agressés dans des manifestations. Voir à ce sujet notre article : "Une résurgence du fascisme rouge-brun" publié ici même.
La vidéo permet de rétablir la vérité en montrant d'ailleurs qu'elle est complexe parce que les gilets jaunes ne forment pas un groupe homogène. Mais, quand il y a deux camps, il faut choisir le sien en acceptant qu'il ne soit pas exactement comme on le voudrait. Nous sommes dans le camp des gilets-jaunes même si tout n'est pas parfait chez eux. Nous sommes avec eux parce que nous sommes avec les opprimés contre les exploiteurs. Les mobilisations de masse drainent inévitablement, à côté des ouvriers les plus conscients, des éléments de la petite bourgeoisie et des ouvriers arriérés. Il ne peut pas en être autrement et, tout aussi inévitablement, les uns et les autres arrivent, comme l’avait fait remarquer Lénine que nous avons cité dans notre précédent article, avec leurs préjugés, leurs fantaisies réactionnaires, leurs faiblesses et leurs erreurs. Cette mobilisation des gilets-jaunes apparaît comme disparate, discordante, bigarrée mais, objectivement, ils s'attaquent aux nantis, au pouvoir, à Macron et à Bruxelles.