Dans la casquette d’un contrôleur SNCF
par Undergrags
mardi 27 août 2013
Comme tous les étés, je me creuse la tête pour trouver un boulot, histoire de faire gonfler le Livret A. L'été dernier, majeure et vaccinée, mon père – conducteur de train retraité – me propose de poser un CV à la SNCF en tant que contrôleuse, de juillet à septembre.
« Cesse de croire et instruis-toi », disait André Gide. Personne n’aurait pu mieux résumer mes deux semaines de formation. Dans ma tête – pourtant de fille de cheminot – le contrôleur n’avait que, pour uniques missions, la contrôle des billets et le contact avec les voyageurs. Quand le formateur a déclaré : « vous êtes ici pour quinze jours, il y aura un contrôle à la fin de chaque semaine, des définitions à apprendre par cœur et un examen final. Vous êtes toujours motivés ? Pensez au salaire. Allez, pour ceux qui ne sont pas partis, on prend sa VO250 page 5 et on m’apprend les définitions ». Heu … LEAUL ?
Après la théorie, la pratique. Si cette seconde partie de la formation est plus ludique, elle nous permet cependant de bien nous rendre compte des responsabilités qu’on a entre les mains. Et oui, il serait dommage que, suite à un mauvais calcul de notre part, un voyageur se retrouve (lui ou son écharpe) coincé entre deux portes. Et, au cas où on serait un peu trop détendus, notre formateur est là pour nous rappeler que, s’il y a le moindre problème, c’est Bibi qui gère tout (avec l’aide du mécano, Dieu merci !).
Le premier train, l’angoisse bat son plein.
Quand la rame est arrivée en gare et que des hordes de touristes se sont jetés dedans, j’ai véritablement pensé à balancer ma casquette sur quelqu’un et lui crier : « Maintenant, c’est TOI le contrôleur ! ». Dans ma tête, défilaient les pires scénarios (c’est pas drôle, sinon) : accident de personne, déraillement, arrachement de caténaire … si ça peut vous rassurer, mis à part le stress (mine de rien, quand on le fait dans les règles, c’est un métier prenant entre les annonces à faire, les portes à fermer, les rondes à exécuter et les billets à faire payer) et l’uniforme ridicule, ce premier train s’est bien passé.
L’angoisse passée, la hiérarchie à affronter.
Nos trains sont notés sur un papier appelé « la commande », qui nous est donnée – en moyenne – 48 heures à l’avance. Cette commande est éditée par la Commande du Personnel (CPST, pour les intimes) qui, en respectant certaines règles, nous donne un emploi du temps. Le problème c’est que, si on ne fait pas un minimum valoir nos droits, il peut vite nous arriver de nous faire marcher sur les pieds (une fin de service tardive en veille de repos, par exemple – en sachant que, en veille de repos, on doit finir à 19h30 dernier délais). Une fois qu’on s’est fait au métier sur le terrain, il faut débusquer les petits vices cachés dans notre commande (après, à l’agent de râler ou non). Personnellement, mon statut de CDD étant un peu particulier, je ne pouvais pas non plus me permettre de tout refuser.
Le train de vie des cheminots (haha).
Ce métier rime avec horaires décalés (tu peux commencer à 4h du matin, comme finir à minuit, sans jamais excéder les 7h par jour légales) et déplacements (environ un soir sur deux, on dort en hôtel ou en foyer SNCF). Si, personnellement, ça ne me dérangeait pas, les collègues qui ont une famille étaient déjà plus embêtés. Après, comme le disent certains, une fois que tu as signé le contrat, tu sais à quoi tu t’engages. Et, mine de rien, les déplacements sont bien payés.
La SNCF, cette grande famille.
Si, lors de mon entretien d’embauche, on m’a vendu la boîte comme une « entreprise de rêve, avec un solide esprit cheminot », j’ai vite appris à ne pas parler de n’importe quoi avec n’importe qui (et étant de nature plutôt bavarde et sociale, donc ça n’a pas été simple). Même si – comme dans toutes les boîtes – certains lancent de belles piques par derrière, ça reste un climat plutôt agréable, avec encore une certaine "solidarité cheminote". Et il vaut mieux, étant donné qu’on passe pas mal de temps ensemble, entre les déplacements et les trajets en train.
En ce qui me concerne, je conseille à quiconque de tenter sa chance pour ce boulot d’été (je ne parle que de job d’été, pas de confusion) : plutôt bien payé, c’est bien plus intéressant que de servir des Big Macs et on en tire plein de souvenirs et d’anecdotes à raconter à la rentrée (une fois, un voyageur a accroché son hamac entre les porte-bagages, pour s'y jucher pendant tout le trajet). Personnellement, étant fille d’ancien (en plus mon papa était apprécié des collègues, ouf !), tout le monde a été très sympa avec moi et j’ai pu avoir des potins sur toutes ses bêtises qu’il ne m’avait jamais raconté !
Ps : vous avez remarqué ? J’ai réussit à écrire un article sur la SNCF sans parler du retard des trains !
(haha, qu'est-ce qu'on s'marre, en plus !)