De « crazy son of a bitch » à « sellers of manure », les mots de Biden pour Poutine et les Russes

par Daniel Guyot
vendredi 29 mars 2024

Le 21 février dernier, à San Francisco, l’ineffable Jo Biden, au cours d’un rassemblement de soutien à sa candidature aux prochaines élections présidentielles, a traité le président russe de « crazy son of a bitch ».

Toutes les langues comportent une partie de leur vocabulaire qui est faite de grossièretés, d’insultes, d’injures, et c’est bien sûr le cas de l’anglo-américain, du français et du russe qui, il faut le reconnaître, rivalisent de richesses en ce domaine.

Pourtant, malgré la profusion de ces équivalences, le travail du traducteur n’est pas facilité.

Le mot de Cambronne, qui est devenu en français une sorte d’interjection banale, à peine grossière et sans importance, prend tout son relief, si l’on peut dire, dans sa version anglaise. D’une langue à l’autre, le même mot n’a pas la même résonance.

Mais la résonance ne dépend pas que du mot employé lui-même, elle dépend également de l’intonation, de l’expression avec lesquelles le mot est prononcé, et qui peuvent tout changer à son sens.

« Crazy » est un mot particulièrement intéressant. « Crazy », dans l’argot anglo-américain, le slang, n’est nullement insultant, puisqu’il signifie « excellent ». Littéralement, pris dans son sens propre, le mot de « crazy » signifie « fou », et on lui connaît beaucoup d’équivalents en argot français : cinglé, cintré, branque, toqué, etc., ce qui témoigne de la richesse et de la vitalité de la langue française.

Cela dit, il n’y pas place pour la moindre incertitude quant à ce que voulait exprimer Jo Biden, puisque le reste de la phrase « son of a bitch » - c’est-à-dire « fils de pute » - ne laisse aucun doute sur la pensée du président de ce pays exceptionnel que sont les Etats-Unis d’Amérique à l’égard d’un de ses homologues étrangers.

Pour ceux qui se sont intéressés aux qualificatifs attribués et aux comparaisons faites depuis longtemps par les dirigeants et diplomates américains à l’égard de Vladimir Poutine : dictateur, voyou, criminel de guerre, nouvel Hitler, etc., « Crazy son of a bitch » ne saurait être un étonnement, c’est tout au plus une évolution, celle d’une équipe de dirigeants qui prend peur devant une situation à laquelle elle n’a pas peu contribué, et qu’elle ne maîtrise plus.

Paroles fortes, diront certains. Langage de faibles ou de mafieux qui cherchent à se donner du courage, penseront d’autres.

Du reste, l’évolution du langage diplomatique américain se poursuit, puisque très récemment (hier, 28 mars 2024), John Kirby, porte-parole de la Maison Blanche, évoquant au cours d’une conférence de presse les soupçons russes quant aux commanditaires de l’attentat terroriste perpétré à Moscou, qualifie non plus Poutine, mais tous les Russes de « salesmen of manure », c’est-à-dire de « marchands de fumier ».

Ces insultes, adressées à un pays qui vient de subir un des attentats les plus meurtriers de ces dernières années, sont odieuses. Elles ont pourtant un mérite, car elles font tomber les masques, et tout particulièrement, le masque de la russophobie qui n’est pas, comme tentent de le faire croire, les Occidentaux et leurs séides, la simple critique d’un dirigeant étranger, mais qui exprime la haine de tout un pays, de toute une culture.

Non, les Russes ne sont pas des marchands de fumier, et leurs soupçons à l’égard de l’Amérique, des pays de l’OTAN et du régime ukrainien quant à la responsabilité de l’attentat commis dans cette salle de concert de Moscou, ne sont pas dénués de fondement.

Faut-il rappeler les menaces de Zelensky, celles de Boudanov, chef des services de renseignement ukrainiens ? Celles de Victoria Nuland, qui, très récemment, annonçait à la Russie une « nasty surprise », une mauvaise surprise ? Faut-il parler de tous les actes de terrorisme commis par les ultranationalistes et nazis ukrainiens, depuis les évènements d’Odessa en 2014, jusqu’à l’assassinat de Daria Douguina et d’autres personnalités sur le territoire même de la Fédération de Russie, sans oublier le bombardement, depuis 2014, de la population civile du Donbass ?

Peut-on évoquer l’évidente implication des Etats-Unis dans la destruction de Nordstream, annoncée presqu’ouvertement par Biden, et révélée par un célèbre journaliste américain ?

Les Etats-Unis n’ont-ils pas depuis toujours été les auteurs d’actes de terrorisme ? De quoi parlait donc ce célèbre roman de Graham Greene, écrit en 1955, « Un Américain bien tranquille » ? De quoi nous parlent de grands journalistes et historiens américains, tels David Talbot, Stephen Kinzer ou James Stewart, ayant consacré d’importants ouvrages, parfaitement documentés, à la CIA, aux frères Dulles et aux actions secrètes et inavouables du gouvernement américain ou du « deep state » américain ?

Et ces salauds de Russes, ces « marchands de fumier » osent soupçonner une implication américaine dans l’attentat du Crocus City Hall ?!... Eh bien, oui ! Ne pas le faire, serait, de la part des dirigeants russes, une faute impardonnable.

Les dirigeants américains ne peuvent plus désormais être des « Américains bien tranquilles », leurs menaces et leurs insultes les déshonorent, et surtout, elles les trahissent, et nous révèlent leur véritable visage.


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