De la PMA à la PNA (Partition Nationale Assurée ) et pire encore...
par NAMASTE
samedi 1er juillet 2017
La PMA n’est qu’une étape très banale au bord du chemin d’évitement de la Mort tracé par l’Humanité depuis Néandertal. Les conséquences politiques de cette quête continue seront considérables.
TOUT CE QUI EST FAISABLE SERA FAIT
Réfléchir au progrès scientifique, aux technologies et à leurs conséquences sans avoir lu Jacques Ellul (1), c’est comme chercher à bien parler de démocratie lorsqu’on n’a jamais fréquenté Tocqueville. Dans Le système technicien, Ellul fait totalement sienne la célèbre déclaration du Hongrois Dennis Gabor, prix Nobel de physique 1971, « Tout ce qui est techniquement faisable, possible, sera fait un jour, tôt ou tard ».
Ainsi, en France comme ailleurs, la PMA et le reste – nous allons en traiter plus loin - sont en voie de se faire et se feront, envers et contre tout, parce que techniquement faisables.
CE QUI SERA FAIT NE SERA PAS TOUJOURS ACCEPTE
En France, tout se fera mais tout ne sera pas accepté par tous ce qui entraînera une partition de la société en communautés et, par conséquent, une déliquescence des principes fondamentaux de notre République. Pour des raisons étranges par lesquelles l’antichristianisme catalyse la lutte de certains contre l’islamophobie, le pilier de la laïcité, largement accepté par les chrétiens, chancellera le premier. Toutefois, les concessions hiératiques faites à l’islam n’empêcheront pas ce dernier de rejeter vigoureusement la révolution sociétale qui se concocte depuis les Lumières. L’Etat n’assurera plus alors qu’un pouvoir régalien minimum puisque chaque communauté appliquera sa propre justice, à l’image de ces tribunaux privés, au Royaume-Uni, pratiquant la charia en matière de droit familial. Des mots comme « intégration et assimilation » tomberont en désuétude. Cela étant, le mot « République » ne signifie pas grand-chose en soi. Il existe de nombreux pays se parant du nom sous des principes de fonctionnement très différents. La république libanaise, par exemple, recouvre un état fractionné au sein duquel les communautés veillent férocement au respect de leurs prérogatives et de leurs identités respectives.
LES DEUX GRANDS BLOCS DE LA PARTITION
Les blocs majeurs d’une partition de la France seront vraisemblablement constitués de ceux qui croient au plan de Dieu d’une part, de ceux qui n’y croient pas d’autre part. Par leur foi, la plupart des premiers acceptent, bon gré mal gré, la mort naturelle puisqu’elle débouche sur l’espérance d’une vie éternelle béatifique dans un autre monde. Les seconds n’acceptent pas la mort bien que, par respect humain, certains puissent s’en défendre. Logiquement, chacun a raison à l’intérieur de son système. Le regretté Cioran n’avait donc pas tout à fait raison lorsqu’il écrivit « On a beau dire, la mort est ce que la nature a trouvé de mieux pour contenter tout le monde ». On pourrait ajouter que le premier bloc regroupe plus de doloristes que d’hédonistes et que, tout compte fait et n’en déplaise à Michel Onfray, il n’est nullement évident que les uns soient globalement plus heureux les autres. Nous ne glisserons pas vers le côté « pari pascalien » de l’affaire car cela nous éloignerait trop de la ligne directrice de cet article. De même, nous ne pousserons pas notre analyse jusqu’aux sous-partitions de chaque camp ( chrétiens et musulmans par exemple), nous limitant, comme Aragon, à ceux qui croyaient aux ciel et à ceux qui n’y croyaient pas.
LA RINGARDISE GAUCHE / DROITE
L’ancienne partition « Gauche / Droite » est devenue ringarde. Il est remarquable qu’un évènement totalement contingent (2) ait précipité sa disparition. Sommes-nous bien certains qu’elle aurait disparu si rapidement sans ce gate surgi comme un diable ? En fait, cette partition traditionnelle ne signifiait plus grand-chose si ce n’est, pour simplifier à outrance, que la droite se voulait comptable rigoureuse quand la gauche se montrait plus désinvolte voire plus créative dans ce domaine (3). Ce n’est pas avec des chiffres qu’on fait un peuple surtout lorsque ledit peuple tombe en capilotade et que les caisses sont vides. Dans un bouquin récent (4), Denis Tillinac, avec son talent habituel, fait excellemment la part de ces choses-là. On peut être un vrai citoyen de gauche et croire au salut éternel comme on peut s’ébrouer délicieusement à droite tout en étant matérialiste. A l’instar de Voltaire, on peut aussi être déiste tout en restant persuadé que Dieu n’a que faire de l’Homme.
LES ETAPES DE LA REVOLUTION SOCIETALE
Que faut-il entendre par la révolution sociétale mentionnée plus haut ? Le social, c’est la manière dont les classes de la société se partagent la richesse nationale ( sécurité sociale, salaires, retraites ... ). Le sociétal, quant à lui, touche à ce que l’être humain fait de sa vie, à la manière dont il la conduit. Les religions, les philosophies et les idéologies dictent le comportement sociétal des individus. Divorce, contraception, avortement et mariage homosexuel ont marqué la première étape de la révolution sociétale, les antipasti pourrait-on dire. A mon avis, à côté de son attentisme, l’Eglise catholique a manqué non pas de tolérance mais de prévention, de réactivité efficace et de prescience avant, pendant et après cette première étape. PMA, GPA, recherche sur l’embryon et euthanasie feront l’objet de la deuxième ; l’utérus artificiel, les robots sexuels et les machines moléculaires biologiques de confort caractériseront la troisième. Il s’agit, le plus souvent, de déconstruire les voies tracées par les religions de salut (dans un autre monde futur) pour ouvrir le chemin d’un salut hic et nunc. On reconnaît là les visées du transhumanisme californien : vaincre la mort par une reprise téléologique décomplexée de la destinée humaine ou ; tout au moins, de son corps (5).
DE NEANDERTAL A GOOGLE
Bien entendu, l’être humain n’a pas attendu Ray Kurzweil (6) pour tenter d’esquiver la mort. Les premières sépultures, celles de l’Homme de Néandertal ou d’Homo Sapiens, en témoignent. On connaît l’épopée de Gilgamesh, le roi mésopotamien, cherchant les moyens d’éviter la mort. Et Saint Paul de déclamer « O mort, où est ta victoire ? » dans sa première épitre aux Corinthiens. Rêve également caressé par les Lumières dans le cadre de leur fameuse promesse du bonheur ici-bas « Serait-il absurde, maintenant, de supposer que ce perfectionnement de l’espèce humaine, doit être regardé comme susceptible d’un progrès indéfini, qu’il doit arriver un temps où la mort ne serait plus que l’effet, ou d’accidents extraordinaires, ou de la destruction de plus en plus lente des forces vitales » écrit Condorcet (7).
LE SUICIDE
Malgré cela, le suicide reste l’issue de secours pour certains. Le 8 novembre 2011, Jean-Luc Mélenchon déclare au Grand Orient de France « Je suis donc un partisan du droit de mourir dans la dignité et de la maîtrise de soi, du droit au suicide ». Récemment, la journaliste et blogueuse Peggy Sastre rapportait les propos suivants de Ruwen Ogien (8) « Le régime idéal, c’est d’être immortel par défaut et d’avoir la possibilité de se suicider si on se fait trop chier au bout d’un certain temps ». Dans la même veine, on pourrait citer des douzaines d’auteurs renommés. Contentons-nous de rappeler que le suicide était, pour Albert Camus, le seul problème philosophique sérieux.
RELIGION REPUBLICAINE
Nous avons mentionné plus haut que la révolution sociétale, rupture avec le christianisme, se concocte depuis les Lumières. Vincent Peillon reste l’illustration (la caricature ? ) parfaite de ceux pour lesquels cette révolution n’est pas terminée (9). Notre ancien ministre de l’Education Nationale rêve d’une religion républicaine dont la laïcité serait la déesse suprême. Une telle entreprise demanderait le démantèlement du tronc commun des religions monothéistes et de quelques autres. Xème tentative de tuer Dieu pour prendre ses affaires en mains puisqu’il n’a pas su nous protéger de l’inadmissible et irrationnelle Mort.
LA QUATRIEME ETAPE ET CONCLUSION
Nous nous sommes arrêtés à la troisième étape de la révolution sociétale. Au risque de vous effrayer, je vais maintenant vous dire comment j’imagine la quatrième. Elle verra l’avènement de gamètes artificiels dont les cahiers des charges seront élaborés par des machines sophistiquées, soi-disant dotées d’intelligence artificielle, quoique de nature tout à fait comparable à la pascaline (10) si ce n’est au boulier. Ces machines, gavées de big data et ivres de data mining, ne seront pas des custom design assistants de l’Homme : elles lui imposeont une solution incontournable (Noter l’emploi de mot « solution » et non pas « décision » ). Il n’y aura pas d’alternative puisque l’Homme aura imprudemment tissé une enveloppe indémaillable autour de lui-même, comme un prisonnier fébrile murant la porte de sa geôle. L’un des objectifs des féministes les plus radicales sera atteint : débarrasser Eve de cet esclavage naturel injuste et douloureux (11) de la grossesse. Si Dieu existe, Son expérience aura alors atteint son terme dans Son laboratoire terrestre. Selon Son dessein initial, Il aura constaté l’aboutissement de l’Histoire d’une population d’individus se sachant mortels, doués d’un libre arbitre, avertis de Sa Loi, du Bien et du Mal, conscients des vices, des vertus, de l’Amour et de la Haine, évoluant dans un environnement de catastrophes, de maladies, de souffrance, d’injustices et de mort. Il mettra fin à l’aventure humaine. On peut regretter que Leibniz ne soit plus des nôtres pour nous faire part de ses vues eschatologiques mises à jour sous la lumière de notre siècle. Même regret pour Jean Guitton qui expliqua le choix entre l’absurde et le mystère, entre le néant et l’espérance, à François Mitterrand. C’était il y a moins de 30 ans. Depuis, le fleuve de la biologisation qui prit source au XIXème siècle s’est jeté dans le banal océan physico-chimique moniste où beaucoup veulent que la matière soit tout et que tout soit matière.
Au moment où je termine ces lignes, on apprend le décès de Simone Veil. Elle appartenait à la catégorie très rare des êtres humains capables d’apporter un écot constructif à la recherche de solutions possibles aux grands problèmes de l’humanité. Elle savait ce que ses semblables peuvent faire et n’ignorait pas ce qu’il est illusoire de leur demander. Je me suis souvent interrogé sur ce qu’aurait produit une rencontre entre elle et la philosophe Simone Weil. Cette dernière mourut à 34 ans quand la future académicienne n’avait que 16 ans et allait être déportée à Auschwitz-Birkenau quelques mois plus tard. Plaise au Ciel qu’aucun algorithme ne décrète un jour la nécessité d’éliminer des hommes.
(1)Jacques Ellul (1912/1994), sociologue et théologien protestant
(2)L’affaire François Dillon
(3)Au moment où s’écrivent ces lignes, la Cour des Comptes n’évoque-t-elle pas un budget 2017 « insincère » ?
(4)L’âme française, Albin Michel, 2016
(5)Voir notamment La mort de la mort, Laurent Alexandre, JC Lattès, 2011
(6)Pape du transhumanisme, directeur de l’ingénierie de Google
(7) Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, An III de la République une et indivisible
(8)Philosophe libertaire français, directeur de recherche au CNRS. Décédé le 4 mai 2017. Dernier ouvrage : Mes Mille et Une Nuits : la maladie comme drame et comme comédie, Albin Michel, 2017
(9)La Révolution française n’est pas terminée, Seuil, 2008
(10)Première machine à calculer de Blaise Pascal
(11) « J'augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur to » La Genèse