De la propagande de guerre

par Elric Menescire
jeudi 2 février 2023

L'ennemi est bête : il croit que c'est nous l'ennemi, alors que c'est lui  !

-Desproges

Ecrit en 2001 par l’historienne Anne Morelli, l’ouvrage intitulé « Principes élémentaires de propagande de guerre (utilisables en cas de guerre froide, chaude ou tiède…) » est inspiré d’un livre en langue anglaise paru en 1928, écrit par l’homme politique Arthur Ponsonby et intitulé « Falsehood in wartime ».

Ponsonby, qui exerça de nombreuses responsabilités dans le gouvernement de Sa Majesté, est resté célèbre pour son dicton « quand la guerre est déclarée, la vérité est la première victime ». Il s’opposa en vain au parlement, où il était député, à l’entrée en guerre de la Grande-Bretagne en 1914 et dirigea une des premières organisations anti-guerre du Royaume-Uni…hélas, sans succès. Il écrivit son livre suite à cet échec, en compilant tout ce qu'il avait remarqué à l'époque, dans le champ médiatique et culturel. Comment son pays, une monarchie parlementaire éclairée, avait-il pu accepter d'aller se commettre dans cette horreur insensée ?

Son ouvrage, et la relecture qu’en a fait Anne Morelli à travers ses « Principes élémentaires… » en 2001, est édifiant à plus d’un titre.

En premier lieu parce qu’il symbolise la prise de conscience, et l’échec, d’un homme, sur la Grande Boucherie de son temps qu’allait devenir la première grande guerre mondiale. La 1ere guerre de nature véritablement industrielle, avec un changement d’échelle, qui eut pour conséquence terrible de décimer la jeunesse européenne. 

Et puis aussi parce que, bien qu’il soit couramment affirmé que l’Histoire ne repasse pas les plats, la période où ces évènements se déroulèrent ressemble étrangement à la nôtre : une période de crises, pré révolutionnaire, où de multiples peuples se soulevaient un peu partout contre des décisions politiques et économiques injustes et arbitraires, décisions qui entérinaient de fait un accaparement des richesses par une petite minorité au détriment de l’immense majorité. Que ce soit dans les années 1910 ou dans les années 2020, où que l’on regarde, la situation semble hélas quasi identique : les peuples ont les crocs, et les élites autoproclamées à la tête de nos « démocraties imparfaites » (pour reprendre la ridicule expression que certains osent encore employer à propos des ploutocraties dans lesquelles nous vivons aujourd’hui) n’ont pas 36 options pour s’en tirer sans trop de casse. A savoir, resserrer de plus en plus la vis autoritaire, via des lois liberticides et un état toujours plus policier -que ce soit à coup de Chassepot comme en 1910, ou de LBD/lacrymos comme en 2022- et, quand cela ne marche plus, jeter une bonne dose d’huile sur le feu pour tenter de déclencher un conflit global permettant un Grand Nettoyage des masses contestataires. Au profit, bien sûr, de toujours les mêmes : ceux qui s’en mettent toujours plus plein les poches sur le dos des peuples. Les marchands de canons et leurs financiers …

La seule différence étant que, comme le dit si bien Pierre Conesa, dans une dictature, il n’y a pas de discussion possible sur le fait d’entrer ou non en guerre : le chef ordonne, et ceux qui ne veulent pas y aller finissent en taule (ou fusillés). Alors qu’en « démocratie imparfaite », il faut quand même tenter de faire passer la pilule : c’est là qu’entrent en jeu les 10 principes de propagande de guerre énoncés plus haut.

Ces principes sont bien sûr destinés à convaincre l’opinion publique que d’aller se faire massacrer dans un pays étranger, c’est avant tout parce qu’on est dans le camp du Bien. Est-ce à dire que ceux qui les emploient (journalistes, hommes politiques…) le font consciemment ? Oui et non … vu le niveau de nos « journalistes » on peut légitimement se poser la question, et sans doute s’agit-il plus de suivisme, de paresse intellectuelle et de conformisme (agrémentés d’une bonne dose de veulerie) que d’autre chose. Pour les hommes politiques, je serai plus réservé. Quand on en voit certains discourir sur « nos valeurs » et « notre état de droit » on peut légitimement s’interroger. Le font-ils vraiment exprès, ou bien sont-ils absolument convaincus par les âneries qu’ils racontent ? Cela dépend sans doute des individus…

Quoiqu’il en soit, tentons une petite analyse, à la lueur des faits actuels, pour voir si oui ou non, nous fonctionnons, nous ou ceux d'en face, en mode propagande de guerre.

 

Etes-vous pour ou contre la démocratie/la guerre/Sans opinion ?

Avant toute chose, il nous faut bien saisir les enjeux ; imaginons un sondage où on poserait cette question aux français ; « selon vous y a-t-il réellement nécessité aujourd’hui, d’intervenir pour stopper l’agresseur russe en Ukraine ? »

Notez déjà immédiatement, dans ma phrase précédente, comme je peux donner le ton : et c’est d’ailleurs une constante dans les sondages et autres enquêtes d’opinion. La façon dont on tourne la question, les termes employés… tout ceci concourt à façonner les réponses.

Si j’avais plutôt opté pour la formulation suivante :

« Selon vous y a-t-il réellement nécessité d’entrer en guerre aux côtés de l’OTAN, face aux Russes qui défendent les minorités russophones du Donbass ? » on s’imagine bien que la réponse aurait été radicalement différente.

« L’opinion publique n’existe pas » disait Bourdieu. Je pense qu’il essayait avant tout de nous faire saisir qu’on n’est jamais totalement neutre dans ce qu’on appelle une enquête d’opinion. Et que très souvent, c’est même plus de la neutralité, mais de l’arnaque.

Mais tentons quand même de faire le job : une récente enquête de l’IFOP nous apporte un éclairage sur la situation. « Sur la finalité de l’aide militaire française et européenne en Ukraine » (notez quand même le choix des termes, il est mentionné « aide » et pas « huile sur le feu »), nous avons malgré tout 70% des interrogés qui souhaitent avant tout à « parvenir à une solution négociée entre l’Ukraine et la Russie ».

C’est logique : malgré tous les couplets des BHLoïdes et autre Einthovenistes sur la nécessité d’aller importer notre démocratie et nos valeurs à coups de bombes partout chez ceux qui ne pensent pas comme nous, la majorité de nos concitoyens n’a tout simplement pas envie d’aller se faire tuer loin de chez elle. Et je dirais même plus : à l’inverse de BHL, Einthoven et compagnie, cette majorité sait très bien qu’elle serait la première impactée par les combats et les massacres en cas de déclenchement d’une guerre… A cet égard le tweet de Raphaël Einthoven, pour ce qu’il vaut, est tout à fait révélateur –et en même temps extrêmement savoureux.

A la question de Régis Le Sommier, grand reporter qui, suite aux nombreux posts d’Einthoven appelant à « résister à l’agresseur russe » voire « à se mobiliser et aller combattre en Ukraine », lui demandait :

« En leur temps, Ernest Hemingway et Georges Orwell avaient troqué leurs machines à écrire pour un fusil (ils avaient quand même gardé un bloc-notes) et s’étaient rendus en Espagne combattre le fascisme, pourquoi n’allez-vous pas en Ukraine pour résister à Poutine  » ?

Le pleutre déguisé en écrivain lui répondit, le plus sérieusement du monde :

« On verra bien, je vous remercie. Mais une guerre se gagne quand chacun est à sa meilleure place, et je suis (à regret) plus efficace avec un clavier qu’avec une mitraillette ».

On eut été tenté de lui répondre « mais comme 10 millions de Français en 14, Raphaël. 10 millions qui ne savaient pas manier un fusil, et qui y sont quand même allés, eux. »

La réponse est quand même venue en face, et elle fut des plus cinglantes : « en gros vous, tout en citant Camus et sous vos belles phrases, vous, vous faites des tweets, c’est tout ce que vous faites ».

Tout ceci pour illustrer une chose : la majorité du peuple n’est pas imbécile (contrairement à ce qu’en pensent nos élites et autres méprisants de la République) et donc elle est contre la guerre. Sauf si on la convainc de sa nécessité absolue et impérieuse, car elle sait que c’est elle et pas ceux qui le lui ordonnent, qui ira se faire buter. En 1914, les poilus sont finalement partis la fleur au fusil, convaincus que « les balles allemandes ne tuent pas » et qu’ils seraient rentrés « d’ici quelques semaines », car ils allaient combattre "des barbares qui ne savaient pas ce qu'ils faisaient". Et j'exagère à peine.

Comment expliquer un tel retournement de situation ?

Et, du point de vue d’un gouvernement, désireux de nous convaincre à tout prix que c'est pour notre bien (un peu comme avec la sublimissime réforme des retraites quoi) et que « la guerre, c’est chouette, la guerre, c’est fun, allez-y, vous allez vous faire éclater ! », comment arriver à un résultat si désirable sans trop de casse ?

Traduit en langage macroniste : comment convaincre ?

C’est ici qu’entrent en jeu les dix principes que nous allons examiner plus en détail.

 

1 – Nous ne voulons pas la guerre

On démarre fort. Mais que rajouter d’autre ?

Il suffit de regarder la régularité de cet argument dans le champ médiatique.

C’est bien sûr la Russie (et surtout Poutine, tout seul) qui a décidé la guerre. Le traité de Minsk, ou toute autre baliverne (comme les milliers de civils bombardés et tués dans le Donbass depuis 2014 par exemple) n’y sont pour rien.

Nous, en Europe et en France, envoyons des centaines de chars, de canons, des milliers d‘obus, nous formons les soldats Ukrainiens à leur utilisation, nous autorisons même que des volontaires s’engagent dans la Légion Internationale des Volontaires pour la défense territoriale de l’Ukraine…certains étant même des néo nazis revendiqués...  mais nous ne voulons pas la guerre.

D’ailleurs bientôt, nous allons envoyer des Rafale et autres instruments de paix ultra perfectionnés en Ukraine, car comme ça nous en sommes sûrs, nous n’aggraverons pas le conflit.. puisque nous ne voulons pas la Guerre.

Vous remarquerez qu'il faut répéter l'argument ad nauseam. C'est la répétition qui fait que ça a (peut-être) une chance de rentrer à la fin.

Pour être tout à fait honnête, on peut aussi le transposer dans le camp d’en face (et c’est aussi tout l’intérêt) : officiellement la Russie ne parle pas de guerre mais d’ « opération militaire spéciale ». Ce qui est une sacrée hypocrisie vu le carnage en cours… eh ! attention là ! Qui a dit que c’était de bonne guerre ?

 

2- Le camp adverse est le seul responsable de la guerre

Cet argument va bien sûr de pair avec le premier, ils marchent de concert comme Laurel et Hardy, Bonnie & Clyde, ou Hitler et Eva Braun, choisissez ce que vous voulez que diable.

D’ailleurs je pourrais presque reprendre mot pour mot toute ma tirade sur les accords de Minsk et les civils massacrés dans le Donbass, et y rajouter la « révolution » de Maïdan (où BHL fit un émouvant discours devant les néo nazis de Svoboda et Pravyi Sektor tout en faisant semblant de ne pas les voir), ou encore la présence de Hunter Biden (le fiston à son papa, amateur de drogue et de prostituées mineures) dans le conseil d’administration de la plus grosse compagnie gazière Ukrainienne, Burisma holding. Tout cela ne changerait pas grand-chose au fond, si ce n’est que « nous ne voulons pas la guerre, et c’est ceux d’en face qui la cherchent ».

Et, avant que quelqu’un ne me le rétorque, oui bien sûr, la même rhétorique est employée chez les Russes. C’est ce qui nous fait dire avec certitude que seuls les faits, et rien d’autre, nous permettront d’y voir plus clair. Et tout ce que je viens d’énoncer ci-dessus (Maïdan, Minsk, les néonazis, Biden, toussa) est vérifiable et sourcé. Mais si je m’étends, je risque de dépasser le quota admissible de mots pour un article, et de toute façon, malgré les nombreuses preuves, il est absolument impossible de convaincre ceux qui ont décidé, par confort ou par paresse, de rester aveugles. Donc poursuivons.

 

3- Le chef du camp adverse a le visage du diable (ou « l’affreux de service »)

Hummm comment dire ? Il est ici évident que c’est Poutine qui est la réincarnation de l’antéchrist, ni plus, ni moins.

D’ailleurs, l’inflation délirante, le refus d’augmenter les salaires, les pénuries diverses et variées (toutes choses qui avaient commencé avant le déclenchement du conflit vous vous rappelez ?) tout ceci, c’est à cause de la guerre de Poutine vous comprenez ?

Et quand je parle de la guerre de Poutine, il faut bien comprendre que c’est un dictateur, qui gouverne son pays avec un Parlement composé de 450 députés (la Douma), dont la dernière élection en septembre 2021 a confirmé l’écrasante popularité de ce sanglant dictateur et de son parti, Russie Unie (324 sièges conquis sur 450). Pour couronner le tout, tout le monde sait que le dictateur Poutine a été réélu dès le 1er tour en 2018 avec un score jamais atteint lors d’un scrutin présidentiel de l’après-communisme, à savoir un petit 76.7% des suffrages. Ce qui prouve bien que c’est un dictateur qui doit (sans doute) trafiquer les élections : pensez donc, avec 67,54% de participation de la part des Russes ! Tout le monde doit être menacé de goulag s'il ne va pas voter ça doit être la seule explication... A comparer avec le score de notre « démocratie défaillante » aux premier et au second tour, qui a vu notre maaagnifique président qui décide de tout, tout seul (mais qui est un grand démocrate) être réélu par défaut, face à une candidate qui n'était pas du tout prévue pour le second tour depuis 5 ans.

Mais je m’égare. Pour en finir avec le diable, je ne pourrais énumérer ici la liste de tous les méfaits et autres atrocités que l’on reproche au sanglant et abominable dictateur autoritaire Poutine. Tout est exact à la virgule près, bien sûr.

Mais si le cœur vous en dit, vous reprenez les mêmes éléments de langage qui furent employés en leur temps pour qualifier Saddam Hussein, Milosevic, ou encore Kadhafi…et vous avez tout bon. Seul le visage doit changer de temps en temps –sinon on se lasse.

 

4- C'est une cause noble que nous défendons et non des intérêts particuliers

Ici, tout s'éclaire : nous nous battons aidons l'Ukraine pour nos valeurs. Nos valeurs sont les meilleures, il suffit de demander aux Maliens, aux Yéménites, aux Somaliens, aux Irakiens, aux Libyens, ou encore aux dizaines d'autres pays où nous les avons exportées avec succès, pour savoir ce qu'ils en pensent.

Ces valeurs sont, dans l'ordre : la démocratie (les gilets jaunes peuvent en témoigner, comme les 3/4 des français en ce moment concernant les retraites, aussi bien que 55% des votants au référendum de 2005), la liberté d'expression (demandez à Dieudonné), l'état de droit (demandez à Benalla, Cahuzac, Darmanin, Dupond-Moretti et aux centaines d'autres qui connaissent bien la loi, ou le juge, ou les deux...ils vous confirmeront) et surtout surtout les Droits de l'Homme (parmi lequel le premier, le plus inaliénable et Sacré, celui qui est inscrit à l'article 17 dans la Déclaration Universelle de 1948, je parle bien sûr de la propriété).

C'est donc pour ces Droits de nature sacrée (au premier desquels je le rappelle, la propriété, c'est important), nous nous arrogeons le droit Sacré, lui aussi, d'intervenir par la force s'il le faut, pour voler les ressources rétablir la démocratie et l'état de droit dans les dictatures que nous rencontrons un peu partout sur la planète.

Donc si incidemment je parle de mines de sel, de titane, de soufre, de magnésium, de graphite, de terres rares, de terres fertiles ou de champs gaziers et pétroliers gigantesques, je sais que leur propriété n'est absolument pas le sujet de cette cause noble et sérieuse que sont les Droits de l'Homme....surtout si toutes ces choses appétissantes se trouvent toutes en abondance en Ukraine. C'est juste une pure coïncidence.

 

5- L'ennemi provoque sciemment des atrocités, et si nous commettons des bavures c'est involontairement

Ici aussi, inutile de faire un dessin. Tout le monde sera d'accord pour dire que Bucha c'est dégueulasse, tout comme la tragédie du vol MH17, et, même si on ne sait toujours pas à l'heure actuelle qui a fait cela, c'est forcément l'ennemi. Ca ne peut pas être notre camp, le camp du Bien, c'est juste impensable.

Provoquer la mort d'un demi million d'enfants avec un embargo aux effets dévastateurs ?

"Si c'était à refaire, nous le referions", mais ça n'est pas pareil vous comprenez.

Ca n'est absolument pas de notre faute, c'est involontaire. Tout comme le blocus du port d'Al Hodeïda qui a déjà provoqué la mort de dizaines de milliers de gosses Yéménites par pénurie de médicaments et celle de centaines de milliers de civils innocents par famine. Blocus réalisé à l'aide d'une corvette lance-missile française, vendue aux Saoudiens qui en font bon usage...ici aussi c'est pas pareil vous comprenez, nous vendons des armes aux enturbannés (notre 5e client mondial quand même) , mais l'usage qu'ils en font, même si nos services secrets et les ONG nous ont mis au courant, cela n'est pas de notre faute. Nous sommes une démocratie. Un tout petit peu défaillante certes, mais il est évident que nous ne sommes pour rien dans la mort de ces 440 000 civils yéménites (les canons et obus que nous vendons par milliers eux, y sont peut-être pour quelque chose. Mais pas notre démocratie). Toutes ces morts sont des bavures involontaires. Contrairement au boucher Poutine, qui pèse et décide de chaque mort civile en conscience.

Et si d'aventure, certains osent affirmer que les enfants Ukrainiens, c'est quand même pas pareil que les enfants Arabes, on peut lui demander ce qu'il pense de l'incendie de la maison des syndicats à Odessa , où ce sont bien des européens blancs comme il faut qui sont morts, massacrés par des fous furieux néo nazis (dont une femme enceinte, étranglée avec un fil de téléphone, attention images choquantes). 

 

6- L'ennemi utilise des armes non autorisées

Alors pour l'instant celle-ci j'avoue que je ne l'ai pas encore vue venir. Et puis, il suffit de googler l'expression et rapidement, on se rend compte que ça a été tenté, mais ça n'a pas vraiment pris.

Ainsi dans cet article des DNA au début du conflit (mars 2022), on peut lire le titre :

"Armes interdites, frappes aveugles…Une volonté délibérée de s’attaquer aux civils"

puis l'accusation suivante en forme d'article : 

« On a également pu déterminer que des missiles balistiques Tochka ont été utilisés lors d'une frappe aveugle sur Kharkiv », ajoute la présidente de l'ONG. « Or, il s'agit de missiles sans système de guidage, trop peu précis pour éviter des dommages collatéraux. Donc contrairement à la propagande de Poutine, il ne s'agit pas du tout d'utiliser des missiles high-tech pour éviter de frapper des civils...  »

Pourquoi ça n'a pas été repris depuis ? Peut être qu'au milieu du tombereau de conneries que nous sert journellement la pressetituée, celle-ci est passée inaperçue, noyée dans le flot... ou alors aussi et surtout parce que les missiles en question sont principalement utilisés par l'armée Ukrainienne, pour bombarder aveuglément le Donbass, comme ceci a largement été documenté ailleurs. Un coup d'épée dans l'eau... mais gageons que si d'aventure nous faisions preuve d'un peu de franchise, et déclarions officiellement la guerre à la Russie ; il ne se passerait pas une semaine avant qu'on ne la voie ressurgir. Ce sont toujours les autres qui utilisent des armes non autorisées, jamais nous.

Parce que voyez vous, quand on y réfléchit, et même si, admettons pour les besoins de l'exercice, c'était le cas... qu'est ce que ça changerait, au fond.

Etre tué ou mutilé par un missile autorisé rend-il l'expérience plus agréable que par un missile non autorisé ? Sérieusement  ?

 

7- nous subissons très peu de pertes, les pertes de l'ennemi sont énormes

Ici aussi, c'est même cet argument qui me fait dire que nous sommes déjà en guerre contre la Russie, sans doute à notre insu...

Il suffit d'écouter l'assimilation qui est faite, dans nos médias, entre l'armée ukrainienne -qui se prend branlée sur branlée à Soledar comme ailleurs, et croyez-moi que ça ne me fait pas plaisir de le dire car ce sont des centaines de morts chaque jour, des morts qui auraient pu être évitées- et nos forces. Comme si nous combattions, nous, occidentaux, aux côtés des Ukrainiens pour notre démocratie et nos valeurs.

Donc, pour résumer : la Russie aurait au moins perdu 150 000 hommes selon les chiffres officiels occidentaux, ce qui me parait tout simplement ahurissant, et ce pour une raison très simple. J'ai une amie franco-russe de longue date, amie qui a toujours de profonds liens avec sa famille restée à Moscou, et qui me garantit que c'est la chose la plus ridicule qu'elle et toutes ses connaissances (restées au pays) aient jamais entendu.

Pourquoi ? Tout simplement parce que la famille est la chose la plus sacrée en Russie, ça passe avant tout le reste. Et donc que si plus de 150 000 familles avaient perdu un fils ou un père, ça se serait forcément non seulement vu, mais aussi ressenti dans tout le pays. Ca serait une onde de choc qui aurait sans doute mis fin à la guerre. Il y aurait eu un nombre conséquent, si ce n'est gigantesque, de mères de familles éplorées pour venir demander des comptes au gouvernement. Des manifestations énormes, un mouvement d'opinion d'ampleur, toutes choses qui, vu le contexte actuel, auraient été immédiatement relayées et amplifiées par la propagande presse occidentale.

Songez qu'en Afghanistan les Soviétiques se sont retirés la queue entre les jambes après 16 000 morts "officiels" (sans doute 26 000 d'après les dernières études), et l'opinion publique a joué un grand rôle dans ce retrait, car elle condamnait toutes ces morts jugées "inutiles" jusque dans la Pravda sans même se cacher, dictature communiste ou pas...

Morceaux choisis, extraits d'époque :

"Le comité central a été inondé de lettres demandant qu'on arrête la guerre. Elles étaient écrites par les mères, les femmes et les sœurs des soldats (...) Des officiers se déclaraient incapables d'expliquer à leurs subordonnés pourquoi nous combattions, ce que nous faisions là-bas et ce que nous voulions obtenir", confiera en 2003 l'ancien président soviétique Mikhaïl Gorbatchev, estimant que l'entrée des troupes de l'URSS en Afghanistan avait été une "grave erreur"

Et tout ça pour 16 000 morts, soit dix fois moins que ce qui est aujourd'hui avancé par toute la presse occidentale, et quand même 4 fois moins que ce qui est claironné par Zelensky (55 000 morts selon la défense Ukrainienne).

Ca ne tient juste pas debout.

Alors pour les plus chagrins d'entre nous, je souligne que cette amie franco-russe n'est pas un agent du FSB, mais professeure de Russe en France, qu'elle est parfaitement intégrée depuis plus de 15 ans ici, et qu'elle a fait sa vie avec un charmant français (elle n'est pas mal non plus), et qu'ils ont trois magnifiques enfants. Si tu me lis je t'embrasse, Olga.

Donc pour en revenir au sujet ô combien épineux mais fondamental des pertes (car il conditionne évidemment l'opinion publique a accepter de continuer de jouer le jeu, ou de l'arrêter, souvenez-vous, c'est ceux qui constituent l'opinion publique qui partent se faire massacrer, pas les intellos ou les politiques bien planqués à l'arrière), bien sûr de part et d'autre c'est un sujet délicat mais selon elle, et d'autres sources, évidemment qu'il y a (hélas) des morts de soldats Russes dans ce conflit, mais pas dans ces proportions. Est-ce à dire que le chiffre officiel donné par le ministère des armées Russe est bidon (environ 6000 morts) ? Je laisse à chacun le soin de juger de la pertinence d'un chiffre ou de l'autre. Quant au chiffre exact des morts côté Ukrainien...un petit tour sur le fil Télegram de l'Intel Slava Z (attention propagande Russe à donf !) me donne une petite idée qui fait froid dans le dos...mais l'occident a décidé qu'il ne voulait pas la guerre (voir principe N°1), et donc qu'il se battrait jusqu'au dernier Ukrainien.

 

8- les artistes et intellectuels soutiennent notre cause

Allez, courage : celui-ci sera rapidement expédié. Si par "intellectuels" vous entendez les ...individus que j'ai cités plus haut (BHL, Einthoven et compagnie) c'est bien comme ça qu'il faut l'entendre. Pour ce qui est des "artistes", je ne sais pas vous mais moi, je n'ai vu aucune émission, ni tube sirupeux en forme de soutien aux martyrs de l'Ukraine, à la télé. Une rapide recherche Google confirme la pauvreté des soutiens : quelques street artists, et autres grapheurs ont bien tenté le coup, il y a deux trois pièces de théâtre... mais rien de vraiment sérieux ou d'envergure comme du temps de l'Ethiopie qui mourrait peu à peu. Et tout ça date un peu du début du conflit.

Etonnant...peut être en ont ils rien à foutre de l'Ukraine après tout ? Même pas un petit tube de l'été à la tévé ou à la radio ?

Bon j'avoue... j'ai jeté la boîte qui lave le cerveau en même temps que mon ex il y a un peu plus de vingt ans maintenant. Ca ne fait pas de moi un saint (loin de là !), mais ça m'a sans doute évité à de multiples reprises de péter un câble et de finir en cabane...ou à l'asile.

Et puis les jeunes vous diront que la télé c'est has been maintenant : y a plus que les boomers et les vieux qui la regardent, tout le reste de l'Humanité est sur Tik Tok ou Instagram. Faut vivre avec son temps.

 

9- Notre cause a un caractère sacré 

Pour être tout à fait honnête, celle-ci n'est pas encore sortie dans le champ médiatique occidental. Du moins pas trop.

Par contre côté Russe, il faut avouer que les dirigeants, tel Staline par le passé, en ont usé et abusé...et que Poutine l'Antéchrist utilise cet argument quand il reprend le thème de "Grande guerre patriotique" (Великая Отечественная война dans le texte). Il faut comprendre que c'est un thème essentiel chez les Russes : 26 millions de morts au bas mot, chaque famille fut (et est encore) impactée par cette guerre en Russie. Une guerre à mort entre les nazis et les Soviétiques, qui vit l'anéantissement de 7 soldats allemands sur 10 sur le territoire de l'ex URSS...ce n'est pas rien.

Et cette expression est aussi reprise en droite ligne de la guerre de résistance victorieuse à l'invasion napoléonienne de 1812...Staline savait sur quels ressorts appuyer pour envoyer les camarades au front, ça c'est sûr ! 

Donc, quand les célébrations de cette Grande Guerre sont faites, on parle de "Jour de la Victoire". Et Poutine trace bien évidemment ce parallèle à tout bout de champ. C'est un fait, car il est évident que pour les Russes, ils sont désormais en guerre contre l'Occident. Et c'est une guerre, de leur point de vue, existentielle. Donc, quelque part, Sacrée : qu'y-a-t-il de plus essentiel que la survie de vous, de votre famille et de votre bien-aimée patrie ?

Je constate.

 

10- ceux (et celles) qui mettent en doute notre propagande sont des traîtres

Dixième et dernier principe, lui aussi on ne peut plus clair. Je ne m'étendrai pas trop dessus car ici aussi, il y aurait beaucoup à dire. On sait de source sûre qu'en Russie aujourd'hui, ceux qui mettent en cause la guerre sont assez mal barrés (c'est souvent l'arrestation et la prison qui les attendent). De nouvelles lois ont été votées, et elles sont particulièrement dures du point de vue des libertés...elles criminalisent l'action des objecteurs de conscience, des associations anti guerre, et de tout ce qui peut, de près ou de loin, remettre en question le choix fait par le gouvernement Russe d'aller mettre le bazar en Ukraine. 

Mais si nous creusons un peu plus loin, nous remarquons que ces lois, comme d'autres (concernant l'interdiction de certaines ONG par exemple) semblent destinées à protéger un pouvoir autoritaire qui se sent menacé de l'intérieur.

Lorsqu'on connaît la manière de procéder de certains (au hasard la CIA de l'oncle Sam), y compris en Russie et aujourd'hui, on ne peut que comprendre (attention hein je n'ai pas dit excuser) ces pratiques...Il y a un réel risque d'infiltration et de déstabilisation de la Russie qui aujourd'hui, est un des pays qui résiste le plus au rouleau compresseur occidental. Et puis ça ne serait pas la première fois que ce genre de méthodes est employé non ?

Et comprenons-nous bien : je sais qu'en écrivant ce billet, je ne vais pas me faire que des amis. Les accusations de "prorusse" et autres "agent du kremlin" vont à nouveau fleurir à mon encontre. Ca tombe bien : je n'ai absolument rien à me reprocher, et pour l'instant, je ne me sens pas en danger d'écrire comme je le fais, dans mon pays.

Je le reconnais : c'est sans doute une des seules libertés qu'il nous reste, ici en France, de pouvoir nous exprimer. C'est très souvent dans le vide, reconnaissons-le, mais ça a encore le mérite d'exister.

Mais ça changera sans doute très vite... songez à l'exemple de RT et Sputnik, inédit à l'échelle européenne, cette civilisation qui se targue de "liberté d'expression" et de "démocratie", et qui du jour au lendemain interdit simultanément deux médias ayant pignon sur rue, pratiquement jamais pris (à l'inverse de beaucoup d'autres) en défaut de désinformation, et sous des prétextes incroyablement fallacieux.

RT est financée par l'Etat Russe ? et après ? C'est pas le cas de France 2 et France 3, financés par l'Etat Français ? Et de quantité d'autres médias, financés par des oligarques ayant des intérêts bien plus opaques et obscurs pour la démocratie et l'information que le gouvernement Russe ?

Du moment qu'ils ne le cachaient pas, où est le problème ?

Gageons que si nous entrons en guerre -ce qui arrivera fatalement au train où vont les choses-, d'autres suivront.


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