C’est dans les années 80 qu’on a commencé à s’apercevoir du procédé, grâce à un magazine religieux assez ouvert,
Christian Century, qui dénonçait plutôt vertement la mainmise de la CIA sur des organisations humanitaires religieuses, dont notamment World Vision, la "Southern Baptist Convention’s Foreign Mission Board" et même "Habitat for Humanity". Selon le magazine,
resté depuis fort viigilant, ces organisations étaient toutes très proches du gouvernement, un lien qui perdure encore de nos jours et qui relie également à l’autre organisation dénoncée dans l’épisode précédent (*3) : ainsi, le Dr Robert Seiple, qui a été à la tête de World Vision de 1987 à 1998 fut nommé par Clinton à la tête de l’ International Religious Freedoms, organisme d’état (*4). Son adjoint de 1993 à 1998, Andrew S. Natsios prenant alors la tête d’USAID. World Vision semble avoir exercé une influence assez particulière disons sur ses membres : Mark David Chapman, l’assassin de John Lennon, et John Hinckley, l’homme de la tentative d’assassinat de Reagan étaient tous deux membres du mouvement... et Hinckley, en 1978, s’était même inscrit au
National Socialist Party of America... le parti néo-nazi américain. A leur propos revient souvent le nom du programme MK-ULTRA dont nous avons déjà parlé ici. Les deux hommes auraient en effet subi un véritable lavage de cerveau sectaire. Le père d’Hinckley, d
écédé récemment en 2008, était un membre éminent et très actif de
World Vision et en même temps... un officier important de la CIA, un républicain tendance fort droitière, ardent supporter de H.W. Bush, tout en dirigeant son entreprise de pétrole, Hinckley Oil, devenue plus tard la
Vanderbilt Energy Corporation. World Vision sentait le soufre, c’est une évidence, mais l’association a traversé le temps et les tempêtes médiatiques. "
Bâtir un meilleur monde pour les enfants" est toujours sa devise aguicheuse. Au temps de Reagan, World Vision s’intéressait davantage aux réfugiés cubains qu’aux enfants du monde entier. C’était la principale
source d’informations de la CIA sur l’île de Castro, en réalité, via les réfugés castristes, qui ont toujours reçu les soins attentifs de la CIA. Et les enfants, détournés, tout simplement !
Pour "Habitat for Humanity", l’histoire est différente. C’est un crash d’avion encore un qui révèle les accointances de l’association dont le but était de construire des maisons pour les plus démunis, aux Etats-Unis comme à l’étranger. Le 27 août 2006, l’avion de Patrick Smith, un Bombardier CRJ-100ER du vol Comair Flight 191 (Delta Connection Flight 5191) avec 47 passagers à bord avait raté son décollage de Lexington dans le Kentucky, en s’étant trompé de piste (le pilote avait pris
la trop courte, les deux pistes n’ét
ant pas éclairées !). Patrick Smith était le co-fondateur d’
Habitat for Humanity, avec Millard Fuller (
disparu en février 2009), qui venait juste d’être débarqué le 9 mars 2005 pour harcèlement sexuel (des faits pas véritablement prouvés, aux dires de certains, il semblait surtout qu’il aît été la victime de fortes rivalités internes dans l’association). Fuller avait été invité auparavant par G.W.Bush à participer à sa "Religion Initiative", un ThinkThank dédié à promouvoir la religion qui avait fait grand débat. L’entreprise, avec Fuller débarqué et Smith mort dans un accident, se retrouvait quasiment sans direction,
et vacillait, les plus anciens affiliés étant même sur le point de se révolter. Des anciens qui commençait à raconter un peu partout les accords passés avec World Vision pour promouvoir les élites religieuses dans le pays... ou dans d’autres, où les deux associations étaient amenées à travailler. Plus que du prosélytisme religieux ; les deux annonçaient un anticommunisme viscéral et la promotion des valeurs de la pire droite républicaine, notamment sur l’avortement.
Ces chamailleries internes étalés au grand jour firent que la presse s’emparait du problème, montrant par la même l’emprise évidente de membres du gouvernement sur ces différentes associations et les liens étroits qu’elles entretenaient avec le pouvoir. Car le hic, c’est que dans le staff d’
Habitat for Humanity, association avant tout religieuse, on trouvait un bon nombre d’
épouses de membres du gouvernement, dont Alma Powell et Stephanie Glakas-Tenet (son mari étant alors le patron de la CIA !), et même Laura Bush, la propre femme du président ainsi que Janet Huckabee, la femme du candidat malheureux de 2008. Au sein de l’organisation on trouvait aussi Nabil Abadir , CEOSS (Coptic, Evangelical Organization for Social Services) du Caire en Egypte, ou encore Henry Cisneros, l’ancien maire de San Antonio, Texas, l’ ancien secrétaire d’Etat au logement de 1993 à 1997, qui avait dû quitter son poste pour avoir été surpris à donner de l’argent public à son ancienne maîtresse (mais avait obtenu le pardon de Clinton en 2001, qui avait aussi accordé la
Presidential Medal of Freedom à Fuller...). L’e
x-président Carter, président évangéliste (c’est un "Southern Baptist" ), est t
rès impliqué dans le mouvement HFH. Le
nouveau président nettement moins, tout en faisant bonne figure pour les médias. Quand on l’avait vu au début de son mandat donner un coup de rouleau à peinture, c’était en effet pour
HFH. Pour des maisons pas toujours habitables
quelques années après... mais bon, c’est un autre problème. La CIA avait aussi infiltrée HFH, qui en 2003 était active dans 92 pays. Une CIA un peu plus transparente parfois dans d’autres associations évangéliques, car dirigées par d’anciens de la maison... invisible..
Pour la "United Methodist Church" (*5) c’est en effet un
ancien de la CIA,
Mark Tooley, lui même croyant, mais de droite prononcée, qui avait mené la charge inverse dès 1981, en accusant l’église à laquelle il appartenait pourtant d’être devenue une simple "
courroie de transmission du communisme". Derrière Toley se profilait tout ce qu’il pouvait y avoir comme droite raciste et anti-avortement en réalité regroupée sous la bannière de l’Institute on Religion
and Democracy (dont il est devenu finalement président en 2009). En réalité,
Tooley roulait pou
r David Horowitz, un agnostique passé de la gauche à la
droite la plus conservatrice, raciste et anti-étudiant, chaud partisan d’un Israël fort et isolé. En 2009, Tooley prenait de façon étonnante le parti de la torture pour les prisonniers de Guantanamo, en expliquant que d’autres pays tels la Corée du Nord, la, Chine, et Arabie Saoudite
la pratiquaient ! On était très loin des préceptes de Jésus, là. Sidéré, le truculent San Francisco Weekly avait fini par trouver le bon surnom de l’association de Tooley : cétait bien devenu en effet "l
’institut de la haine"....
La présence de membres de la CA au sein des organisations humanitaires, voilà qui n’est pas sans rappeler notre
grand ami Mike Connell, et son appartenance active à l’association
"Serving Christ through His Poor" fondée en 2005, et qui elle bâtit des maisons au Salvador. On pouvait en voir les pratiques
"dans une scène hallucinante (la troisième) de prière collective de fin de travaux humanitaires", disais-je ici même.
"A la fin de la scène, écoutez bien le responsable de l’association s’enquérir non pas du bien être de la (vieille) personne aidée mais bien du fait d’avoir pris des photos et une vidéo de la remise de la croix à la malheureuse ! C’est de mauvais goût et c’est une absence de respect notable. Sur le site de son entreprise, Connell raconte son action de bienfaiteur, mais aussi son appartenance aux "Chevaliers de Colomb""... Connell venait de monter en grade dans l’organisation et venait tout juste d’être promu "grand chevalier" !" Un Connell dépêché au Salvador, et certainement pas pour n’y faire que de l’humanitaire avais-je alors relevé :
"car au Salvador encore, voler les élections est un sport national depuis les années 90. (*6) "
Connell est-il là aussi allé mettre son grain de sel informatique", disais-je encore. Dans ce cas, il n’aurait pu être guidé sur place que par... la CIA. Qui, en ce qui le concerne, semble bien s’être passé de ses services.
Et si l’on résume, pour faire dans l’humanitaire "présentable", aux USA, il vaut mieux en effet être membre d’une association religieuse et également posséder des talents de pilote. Et posséder, pourquoi pas, le même modèle d’avion "standard" que celui des opérations de la CIA en Amérique du Sud, genre celui de Dyncorp en Colombie, dont vous connaissez bien le
look désormais. Un bon
vieux Cessna 208B, dont le coffre de sous-fuselage se prête à toutes les manipulations (ç
a ou un solide bimoteur comme le
Beechraft E-90 version cargo). Eh bien, ça tombe bien : une organisation de ce type, on en a trouvé une. En Floride, sur les mêmes pistes où s’était entraîné Mohammed Atta et son coéquipier Marwan Al-Shehhi. Un bien curieux hasard encore une fois. Et une fort curieuse organisation, il est vrai, là aussi.
Cette fois, la CIA va nous emmener dans une toute petite île, où avait abordé un jour Christophe Colomb
. "la Española". Etrange rappel de l’histoire. La CIA aura véritablement marqué son époque, c’est sûr.
(1) "Incidentally, it was George Bush Sr who in his first action as the new CIA director declared on February 11, 1976, that he would ban the practice of enlisting “clergymen and newsmen as intelligence agents." But this was just public grandstanding, doublespeak to save the CIA not only from embarrassment, but protect its operations in Latin American countries such as Guatemala, Nicaragua and El Salvador".
(2) "In the 1980s, Christian Century magazine published a series of articles demonstrating that several well-known missionary organizations — including the famed World Vision — provided cover for CIA personnel operating in faraway lands".
(3) "World Vision had a hand in the movement of the Cubans into the United States and other refugees of revolutionary regimes. When you’re a refugee you’re cut loose, basically, and pretty much fair game to be manipulated by whoever is willing to give you a hand because you don’t have a home or any place to stay and somebody has got to accept you.
World Vision was able to recruit out of these mercenary populations, people who could be politically turned to their intelligence purposes.
(4) "World Vision, the world’s largest Christian church mission agency, has traditionally been closely linked with successive American governments. The former US Ambassador for International Religious Freedoms, Dr Robert Seiple, was World Vision chief for 11 years till 1998 when he was picked by former president, Bill Clinton, to head the office of International Religious Freedoms. Around the period when Seiple was the president of World Vision, its vice-president from 1993 to 1998 was Andrew S. Natsios. He is now the administrator of the US Agency for International Development (USAID). For more than 40 years, USAID has been the leading government agency providing economic and humanitarian assistance to developing countries".
(5) "The church was supporting (1) Marxist guerrilla movements in Central America ; (2) violent revolution in southern Africa ; (3) halting U.S. defense programs ; (4) government-funded abortion ; (5) expanding the role of the federal government in the lives of ordinary Americans. He then asked, "Did membership in the United Methodist Church require loyalty to a political program of the far left ?" Tooley, who learned his trade of dirty tricks in the CIA, did not—and could not—document any of these assertions."
(6) "El Salvador is still ruled by a few rich families who use rigged elections, corrupt police and unrelenting violence to maintain their power, and who are supported by the U.S. military-intelligence complex. His characters see El Salvador as an eventual staging ground for a U.S. invasion of Venezuela to oust President Hugo Chavez and seize the oil resources there."