De Villepin ou le social-nationalisme ŕ l’état pur
par Lucien-Samir Arezki Oulahbib
mercredi 21 juin 2006
L’incident à l’Assemblée nationale, le 20 juin, montre bien comment une partie de la droite conservatrice justifie sa perte de contrôle oratoire : par le social-nationalisme. Entre deux insultes, Dominique de Villepin, premier ministre de la République française, s’adresse en effet à François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, en ayant à la bouche,entre les perles de rage qui vitupèrent tandis qu’il bout debout, les mots de « service public » ressassés à l’infini. Il s’agissait d’EADS. Mais il en est de même pour la fusion de GDF et de Suez, et auparavant pour le CPE...
La France réelle n’a plus, dans ce cas, qu’à se décomposer, s’effacer, disparaître à la façon d’un corps désormais inutile, puisque seule la tête suffit à le représenter. Il ne s’agit plus de la République sans tête dont se plaignait Maurras, mais de la tête sans corps, comparable, observez-bien, à cette fameuse caricature du début du XIXe siècle montrant Louis Philippe réduit à sa tête, elle-même dessinée sous forme d’une poire.
De Villepin l’avait crié à la façon d’une gargouille, dont il prend de plus en plus les traits, imitant le portrait de Dorian Gray : il croit durement en l’idée d’un Etat recouvrant la France entière jusqu’à en incarner désormais non seulement l’âme mais la chair même, s’y substituant donc.
De Villepin n’est pas une poire, lui, (plutôt la France...), mais un illuminé vibrant des vestiges du passé, alors qu’il s’agit d’aller de l’avant en faisant confiance aux forces vives du pays en attente d’être libérées de leurs chaînes ; au lieu de prétendre faire leur bonheur à leur place, comme le prétend le social-nationalisme dont de Villepin représente à l’état chimiquement pur l’aile conservatrice, auréolée désormais de son herbier civilisationnel : celui du chiraquisme aspirant à guider le monde ( à l’ONU ? L’UNESCO ? ).
L’aile sociale-étatiste du social-nationalisme, quant à elle, est de plus en plus incarnée par Ségolène Royale, (même si quelques sous-variantes tentent de l’en empêcher façon DSK, Fabius, Lang... et que le social-libéralisme jospinien bouge encore... ), flanquée à sa droite de Jean-Marie Le Pen et Philippe de Villiers, à sa gauche de José Bové, Olivier Besancenot et autre Buffet Laguillier, tandis que le sarkozisme et le bayrourisme en déclinent, avec des variantes, la version pragmatique, celle qui articule communautarisme et paternalisme.
Le corps décomposé, seule la laïcité semble tenir encore la tête de Marianne hors de l’eau. Pour combien de temps ?
Nous en sommes là, (et las), hélas.
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