Déchéance de nationalité : vers une égalisation pour tous ?

par Lucchesi Jacques
mardi 12 janvier 2016

C'est la question brûlante depuis un mois et tous les politiques s'y enlisent, à commencer par le président de la république qui l'a initiée. Certains voudraient la retirer, d'autres l'étendre. Mais il y a peut-être une alternative tout aussi efficace...

La question de la déchéance de nationalité n’en finit pas d’enflammer l’opinion publique et de diviser le Parti Socialiste depuis un mois. A tel point que François Hollande doit maintenant regretter de l’avoir mise au débat, même si les attentats de novembre dernier appelaient forcément une réaction plus martiale qu’à l’accoutumé. Cependant, une nouvelle palinodie serait négative pour son image de marque, surtout après le regain de popularité que lui a valu justement la fermeté de ses annonces face au terrorisme islamiste. Le problème est à présent plus politique qu’humaniste : comment ne pas froisser les quatre millions de bi-nationaux qui vivent dans notre pays et qui sont autant d’électeurs potentiels ? D’autre part, il lui faut aussi songer à ses alliés naturels dans le camp de gauche, et nombreux sont ceux qui sont hostiles à ce projet de loi jugé trop droitiste. Il y a enfin cette majorité – de moins en moins silencieuse - constituée par le reste du peuple français et qui est, elle, plutôt favorable à cette mesure drastique, dût-elle n’avoir qu’une efficacité symbolique. Oui, cela fait beaucoup de pressions pour un seul homme, fut-il président de la république.

Aussi, quelques-uns dans son entourage (Bruno Le Roux, Jean-Christophe Cambadélis) ont-ils cru trouver une alternative honorable en lui soufflant, la semaine dernière, d’étendre à tous les Français cette litigieuse mesure. Ainsi tout le monde serait ramené à égalité ; qu’ils possèdent ou non une double nationalité, les auteurs d’actes terroristes (et surtout leurs fournisseurs) pourraient perdre, s’ils étaient jugés et reconnus coupables, la qualité de citoyen français. Seulement dans ce cas, ce serait au droit international qu’on se heurterait, lequel prévoit « que tout individu a droit à une nationalité » (article 15 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme). Mais passons outre et imaginons un instant que cette loi sur la déchéance de nationalité pour tous soit votée. Que verrait-on sur notre territoire ? L’ouverture au moins d’un camp de transit pour y loger nos indésirables en attendant qu’un pays, dans le monde, veuille bien leur octroyer une nouvelle nationalité. Un Guantanamo à la française ouvert par un gouvernement de gauche : sans doute le comble de l’ironie politique ! Quelle contre-publicité ce serait pour un pays qui s’est souvent targué d’être celui des droits de l’homme ! On voit surtout quelle menace pourrait résulter d’un tel marchandage. Car, évidemment, il n’y aurait guère que des pays suspects d’agissements anti-français pour accueillir nos brebis galeuses. Afin de les remettre au plus vite dans le circuit du terrorisme et de la lutte armée…

Il y a pourtant une issue à ce casse-tête juridique et c’est encore la plus simple : revenir, et s’en tenir, à la loi sur l’indignité nationale - laquelle est assortie d’une privation momentanée ou définitive des droits civiques. Elle existe depuis longtemps dans notre Code Civil et permettrait de faire l’économie d’une aventureuse modification de la Constitution. Au lendemain de la Libération, le nouveau pouvoir issu de la Résistance ne se priva pas de l’appliquer, à titre exceptionnel, à bien des collaborateurs – ou supposés tels : soit environ 100 000 personnes qui, d’ailleurs, furent amnistiées en 1951. Voilà qui aurait de quoi redonner un sens nouveau à des notions comme « trahison » et « intelligence avec l’ennemi ». D’autant que cette loi ne serait pas, dans ces cas précis, postérieure (et donc litigieuse) aux actes commis.

 

 Jacques LUCCHESI


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