Décoré du Temps

par Frimas
mardi 3 août 2021

Chacun ici, mendiant de l’avenir, se retrouve confronté à guider ses choix : Son esprit ou plus simplement ce qui semble être utile quand il ne reste plus rien à quoi s’identifier ; à l’oubli de soi-même ; s’adapter à la vie sur terre aux facultés extériorisant toute transfiguration ou ce qui est ressenti comme existence nuisible, etc... puis reste encore les autres portés par un jugement de valeur : Le refus de la mort de ceux dont le mérite les attache à n’importe quoi. Quel mérite consiste à décrire une pareille dépersonnalisation qu’est le travail industrialisé et de pester contre les heures supplémentaires ? J’ai pensé que ce choix est la dernière plaisanterie avant d’entamer ce que le sérieux n’a pas trop de mal à prédire ; que cette dite acariâtreté qui se dissimule en catimini parmi tous les bouffons à devoir se supporter dans la crainte permanente à se promener les bras croisés a finalement réussi à s’instaurer comme une sorte d’aïeul...

Voici ce à quoi j’ai pensé à ce sujet : Pourquoi on nous a surpris en nous devançant avec des confusions agréables ou des demandes ultimes ayant excité tout le monde au point d’avoir perdu les fondements de l’âme et rendant préjudice à son existence ? Peu importe. Ce qui a lieu ici a fait disparaître les visages ; a fait apparaître le contenu des horreurs par le fait d’être esseulé en tous lieux, sans y être adapté, sans en avoir la prétention de le vouloir, sans s’adapter à l’enlaidissement de l’esprit, sans pouvoir interpréter son inintelligibilité funeste ou que sais-je. D’ailleurs, on peut constater de se retrouver à souhaiter ardemment tout ce qui n’a point encore été mutilé par des statistiques de cancers ou d’automobilistes en état inconscient après s’être délaissés de soi-même sur une sortie d’autostrade ou à devoir s’exposer aux constats récurrents de continents entiers qui brûlent en sachant que jamais plus ils n’existeront sous la même magie et puis bon, « c’est comme ça ». Quelle paix représente au mieux sa substance que le travail de l’économie mondiale qui nous définit si imagé dès l’école maternelle ? Je me dis qu’on est prêt à s’éloigner du Vivant (éternel) et rencontrer de bonne foi les quelques décennies avariées qui nous restent, à rédiger en douce quelques testaments et déléguer aux accessoires à biberons exactement ce que nous sommes : On fait exister le monde avec ce que nous sommes. Par bonheur, gaiement, nous pouvons nous régaler favorablement en optant pour l’achèvement de ce qui fait de la mort une aspiration, une espérance, une attitude pour les éternels perdants égarés. L’époque nous a assigné un rôle prometteur, voir même digne de confiance en ce que nous sommes devenus : s’empresser, s’entraîner, consacrer à s’exercer à assumer et à se gâcher à se détruire ou fléchir, qu’importe ; se tuer à se vaincre, s’exercer encore. La perpétuité de l’évolution semble s’arrêter définitivement par le biais d’un univers pathologiquement sinistre et en cours de naufrage absolu et pourtant on s’y accroche à en perdre la raison de vivre parce que c’est comme ça et qu’il le faut bien, vivre.

J’ai marqué ces mots sur une feuille de brouillon accrochée derrière un magazine brillant aux coins de feuilles étriqués étalé sur une table basse disposée méthodiquement au centre de cette salle d’attente. Le magazine parlait des bienfaits d’un régime alimentaire au pronostic prometteur (basé sur des recherches approuvées par des diététiciens nommés) consistant à adopter la combinaison de fromage blanc et de pommes de terres. Par ce temps où la perpétuité des générations s’étiolent, s’écrasent ou s’assassinent, les régimes à base de fromage blanc et de pommes de terre me semblent être le dernier refuge d’un état d’âme en ruine face à ce qui est emporté par la dimension mentale gagnée par la brièveté d’une attente de quelque chose. Par après, j’ai plié cette feuille de brouillon avant que l’étendue du temps m'emporte quelques mètres plus loin et s’évapore instantanément sous le néon criard d’un quelconque bureau transpirant quelque chose de terrifiant, d’édifiant, d’étrange. Je me suis oublié dans cet endroit carencé et lugubre, à contempler des photographies aux couleurs pastels censées m’apaiser et tenir tête peut être à contempler la déchéance qui me qualifie tous les jours à me représenter ferme sur la voie, la seule pourtant légitime à suivre mais peu importe. « Vous avez été engagé afin de vous appliquer dans le partage de la charge de travail au sein de votre équipe et de vos collaborateurs ». Je dois m’oublier en songeant aux profondeurs de cette vie à me conforter à la souffrance de me voir.

Me surgit soudainement des images mentales de quelques bribes d'un passé vaincu mais jovial, tapissé de lettres d'amour écrites il y a longtemps. C'était dans une cour de récréation de l’école qui se trouvait juste à côté de l'enceinte de là où j’étais. Depuis, il ne reste plus rien de ces souvenirs, une fois que tout s’est arrêté, une fois que le Progrès s’est accaparé du Temps en le métamorphosant en temps libre. Aujourd’hui, je ne suis au courant de plus rien… Peut être qu’ils ont tous déménagé, drogués ou en deuil ; peut être qu’ils sont malades ou s’anéantissent dans un travail quelconque ; peut être qu’ils ont leur propre famille à l’heure qu’il est ; peut être qu’ils se sont suicidés...

Décoré du Temps et dévoré

Et malgré tout à devoir se l’enlever

Dormir là peut être à se retrouver gambergé

Et se préparer à tout reconsidérer


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