Décryptage de la novlangue néolibérale

par Jean-Luc Picard-Bachelerie
mardi 18 octobre 2022

La Novlangue, terme inventé par George Orwell pour son roman d’anticipation « 1984 », désigne une langue qui a pour objectif d’empêcher de penser et surtout d’empêcher de critiquer l’État. Pour cela, plusieurs techniques sont employées en dehors de la réduction du vocabulaire :

– l’inversion de sens,

– l’occultation de sens,

– l’oblitération des idées.

Avec le néolibéralisme, outre le système économique sur lequel il s’appuie, en l’occurrence le capitalisme, et la croyance que le marché libre et non faussé peut créer un monde harmonieux et juste, il repose aussi sur une anthropologie qui postule que l’humain est un être imparfait qui ne peut s’adapter de lui-même aux besoins du marché.

L’égalité  : il ne s’agit pas de l’égalité sociale mais de l’égalité des chances. Comme si l’égalité des chances était possible dans un monde d’inégalités. Technique de l’inversion de sens.

Le marché : terme fétiche du néolibéralisme. La société de marché tend à faire disparaître la notion de capitalisme. De même que le libéralisme qui n’est, à son origine, pas capitaliste.

Concurrence  : autre fétiche du néolibéralisme et du capitalisme. En fait, il ne s’agit pas de multiplier la concurrence entre petits artisans mais entre des holdings qui se partagent le monopole totalitaire du marché. Technique de l’inversion de sens et de l’occultation.

Réforme  : dans le monde d’avant, la réforme concernait l’amélioration des conditions de travail ou de vie. Désormais, les réformes n’ont d’unique objectif que d’adapter les individus aux besoins du marché. Technique du glissement de sens.

Charges sociales : il s’agit cette fois de faire passer la part du salaire socialisé comme une charge qui pèse comme une taxe. Technique de l’occultation du salaire socialisé qui n’a d’objectif que le détournement de fonds.

Capital humain : autrement dit, une valeur impersonnelle qu’on peut gérer en lieu et place de la valeur humaine qu’est la force de travail. Technique de l’oblitération pour rendre impraticables les notions de conditions de travail, de fierté du travail, de juste rémunération.

La dette publique fait disparaître sa condition qu’est le crédit public et ceux qui n’ont aucun problème pour le financer car un État ne peut faire faillite. Elle oblitère aussi la dette privée qui est réellement dangereuse car quand elle est trop élevée, plus personne n’investit. Ce faisant, elle oblitère l’état réel de l’économie du pays.

La flexibilité porte en elle le changement permanent et la souplesse de l’adaptation. Elle cache en fait, l’inflexibilité de la domination du capital et la permanence de sa domination.

La liberté est le terme central du libéralisme. En néolibéralisme, il s’agit de la donner aux détenteurs du capital et de faire croire aux autres qu’ils ont la liberté en multipliant les situations de choix qui fassent intervenir son libre-arbitre : choix multiples de yaourts ou d’accepter les cookies. Dans le même temps, étant un individu incapable, le néolibéralisme développe l’individualisme pour atomiser le peuple de telle manière que la souveraineté revienne au gouvernement. La liberté de penser et d’agir en tant que citoyen devient impossible. Il faut juste lui faire croire que sa liberté de citoyen est plénier dans le geste du dépôt du bulletin de vote dans l’urne.

Ressources :

La novlangue néolibérale de Alain Bihr

Processus de destruction et de reconstruction du peuple de Jean-Luc Picard-Bachelerie

Image sous Licence Creatives Commons

 


Lire l'article complet, et les commentaires