Défendons l’anglais !

par Clad
vendredi 28 septembre 2007

Ces dernières décennies, les attaques contre la langue anglaise se multiplient. Même sur internet, où la communication à l’échelle internationale est rendue plus facile que jamais grâce à l’anglais, les messages, parfois haineux, contre ce merveilleux outil de communication pullulent (voir notes de fin d’article pour quelques exemples). J’entends, par cet article, répondre aux principales critiques formulées à l’encontre de la langue qui défia l’homme qui défia Babel.

Pas plus tard qu’hier, j’ai traîné dans les rues de Southampton (Royaume-Uni) avec une Canadienne, une Allemande et une Hollandaise. Il y a quelques années, nous combattions et craignions les Germains, aujourd’hui, grâce à cette compréhension que permet l’anglais, langue quasi universelle, je n’avais pas d’autre ambition que de trouver un salon de thé pour discuter littérature. Est-ce que ce n’est pas littéralement merveilleux  ? Est-ce que ce n’est pas la meilleure plaidoirie pour l’humanité que l’on puisse imaginer ? Existe-t-il meilleur motif de fierté en tant que race ?

Et pourtant, il se trouve, et ils sont nombreux, de ces aigris pour y trouver à redire. Les plus ridicules d’entre eux sont probablement les espéranteux, dont l’unique argument peut se résumer à : "Ouin, c’est pas juste, ça favorise ces salauds d’Anglais/Américains  !" Contentons-nous poliment de parler d’ironie, en songeant à la vocation originelle de l’espéranto : une meilleure compréhension, tolérance et acceptation entre les peuples. Le brave dentiste utopique à l’origine de l’espéranto doit se retourner dans sa tombe. Enfin, gageons qu’il aurait au moins la satisfaction de voir que son rêve s’est finalement concretisé, l’anglais ayant juste remplacé l’espéranto.

L’autre grand argument que l’on peut entendre, c’est : "Si chacun parle la même langue, il n’y aura plus de différentiation régionale, plus de spécificités culturelles, tout sera uniforme." Le lien de causalité est loin d’être évident : Allez donc dire à un Ecossais ou un Irlandais qu’ils sont similaire à un Anglais. Je vous conseille de vous tenir à bonne distance, et d’avoir quelques dispositions à la course à pied. Ca marche aussi en France : un Breton ressemble-t-il tant à un Provençal ? Et un Alsacien, est-il plus proche d’un Parisien ou d’un Munichois ?

Et puis quoi, chacun doit-il rester enfermé dans sa culture jusqu’à la fin des temps ? Il est évident que lorsque deux cultures apprennent à se connaître, elles s’interpénètrent avec le temps (si j’ai de la chance, je pourrais le prouver avec l’Allemande dont je parlais plus haut). Faut-il considérer ça comme une pollution des cultures existantes et cesser immédiatement tout contact intercommunautaire ? Drôle de façon de penser.

Il y a aussi cet argument qui consiste à dire qu’en dehors des pays anglophones, nous parlons un sous-anglais, un "global english". Foutaises ! Déjà, il faudrait commencer par comprendre que "en dehors des pays anglophones", ça n’est pas synonyme de "la France". Il y a tout un tas de pays moins conservateurs au niveau de la langue, comme les pays nordiques où une grande partie de la population parle couramment un anglais parfait. Et par "parfait", j’entends : "un anglophone natif pourrait parler des heures avec un Norvégien sans se rendre compte qu’il n’a pas lui-même l’anglais comme langue maternelle". Mais même en France, et malgré tous les efforts de certaines vieilles barbiches pour freiner autant qu’elles le peuvent l’ennemi linguistique, l’anglais de notre génération (j’entends par là "les acnéïques") n’est pas si mauvais. Vous savez à combien d’exemplaires le dernier Harry Potter (non traduit) s’est vendu cet été ? D’après Asp Explorer (à qui j’ai repompé ce point), 200 000. Plus qu’un Goncourt. Et pourtant il s’adresse principalement aux enfants, même s’il a acquis une certaine popularité chez les jeunes adultes. Quelqu’un oserait-il dire que Harry Potter est écrit en globish  ?

Toujours dans l’optique de réfuter cet argument du sous-anglais simplifié : je suis actuellement en Angleterre grâce à un programme d’échange universitaire européen (merci l’UE !), je n’ai reçu aucune formation linguistique spécifique avant mon départ, on pourrait tout au plus parler d’une curiosité certaine envers la culture britannique, mais à part ça je pense être raisonnablement représentatif du niveau d’anglais moyen de ma génération. Et pourtant, je communique très bien avec les locaux. Evidemment mon anglais n’est pas parfait, et des questions comme "Which country are you from ?" "Are you french ?" (ou, tout aussi souvent "Are you german ?") finissent toujours par tomber. Mais tout de même, je n’ai aucun problème à suivre des cours magistraux ou à aller au théâtre/cinéma. Je ne doute pas que le globish soit, dans certains milieux, une réalité (il aurait été difficile qu’il en soit autrement, coincée qu’est cette pauvre langue entre les efforts français pour freiner le développement de l’anglais et sa nécéssité en pratique dans beaucoup de domaines), mais ce problème est restreint à des groupes globalement peu importants, et qui le seront de moins en moins au fur et à mesure que l’anglais se répandra. A partir de notre génération en tout cas, je suis certain que nous sommes épargnés par le phénomène.

Je reste emerveillé par ce que l’anglais permet d’accomplir en termes de compréhension, de partage, de coopération entre les peuples, et je suis favorable à la diffusion la plus large possible de cette langue. (Ou d’une autre remarquez, mais aujourd’hui c’est avec l’anglais qu’il reste le moins de travail à faire pour obtenir une vraie langue mondiale). Et tout autant que je suis émerveillé, je suis également consterné par les réactions de rejet engendrées.


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