Déliquants sexuels : des attouchements d’enfant à la manipulation de l’opinion
par Thomas
jeudi 23 août 2007
Ou comment notre président surfe sur un fait divers sordide, le viol d’Enis, pour nous faire avaler goulûment ses nouvelles mesures de restrictions des libertés.
De la même façon que l’attentat du 11 septembre 2001 immédiatement suivi de l’affaire des enveloppes aux bacilles du charbon ont mis la population américaine dans des dispositions propres à accepter, sans discussion et dans la précipitation, des mesures de surveillance et de restriction des libertés individuelles qui auraient été jugées totalement inconcevables à peine un mois plus tôt, notre président surfe sur un fait divers sordide, le viol du petit Enis, pour nous faire avaler goulûment ses nouvelles mesures de surveillance des délinquants... et de toute la population.
Nicolas Sarkozy ne se cache pas - voire revendique - d’aller chercher de l’inspiration outre-Atlantique. Et en bon pragmatique qu’il est, il n’hésite pas à reproduire les modèles qui ont fait leur preuve. De fait, malgré la différence d’échelle de gravité, le parallèle entre ces deux démarches est flagrant.
1- Bush voulait prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher que des terroristes puissent à nouveau frapper l’Amérique, Sarkozy veut faire tout le nécessaire pour empêcher des pédophiles de violer nos enfants (préoccupations évidemment légitimes pour des dirigeants, mais encore faut-il que les moyens mis en œuvre soient appropriés et cohérents, que l’objectif invoqué soit bien l’objet principal et non un simple prétexte).
2- Bush a pu transposer ses déclarations d’intention en une loi applicable en à peine un mois et demi (il a signé l’équivalent du décret d’application du Patriot Act dès le 26 octobre 2001). Le petit Nicolas, à peine moins ambitieux, espère bien réussir à d’ici novembre.
3- Le Patriot Act de Bush permet au gouvernement des États-Unis de détenir sans limite et sans inculpation toute personne qu’il juge suspecte de terrorisme, Sarkozy espère une loi qui permettra de prolonger indéfiniment l’enfermement de condamnés après qu’ils aient purgé la totalité de leur peine.
4- Bush a pu « dégainer » un texte de 150 pages et obtenir le financement de ses mesures en un mois, Nicolas sort de sa manche en quelques jours un « hôpital fermé » à Lyon, précision géographique qui suggère la préméditation (des commentaires lus au hasard d’un article connexe suggèrent que l’appel d’offre aurait été signé du temps où notre président n’était encore que le ministre de l’Intérieur, mais je n’en ai trouvé nulle trace, notamment pas sur le site de l’Agence régionale de l’hospitalisation Rhône-Alpes, en principe incontournable pour ce type d’installation).
5- Bush a retiré le contrôle de la détention des « personnes présumées dangereuses » du giron du système judiciaire au profit de l’autorité de l’Etat, Sarkozy voudrait la retirer des magistrats pour la confier à un collège d’experts (ouvrant ainsi la voie de la responsabilité pénale des médecins plutôt que celle de l’Etat en cas de récidive).
6- Un faisceau croissant d’éléments suggère que les autorités américaines ont délibérément laissé l’attentat du 11 septembre se concrétiser pour pouvoir faire accepter facilement des lois liberticides, l’enlèvement et le viol d’Enis coïncident opportunément avec une rentrée politique que le président annonçait « chargée » et on apprend déjà qu’un médecin de la prison (donc a priori connaissant le patient) a confié, sinon l’arme du crime, du moins des munitions au violeur (du Viagra, qu’il aurait de toute façon pu se procurer auprès d’un médecin de ville ou sur internet).
Dans les deux cas, on justifie le contrôle de dizaines de millions de citoyens innocents par le besoin de surveiller quelques dizaines d’individus. On viole sans état d’âme la vie privée de dizaines de millions d’entre nous pour un résultat qui n’a rien de certain, et un risque de débordement (détention abusive, erreurs judiciaires...) qui apparaît probable. C’est un fait bien connu des statisticiens médicaux que plus la prévalence d’une maladie (pour simplifier, sa fréquence) est faible, plus le risque de faux positifs du test diagnostic (le risque de conclure à tort à la présence de maladie) est élevé. Si la maladie est rare, le nombre de faux positifs peut parfois dépasser celui des vrais positifs. C’est ce risque qui oblige à limiter les mesures de dépistages aux maladies fréquentes et/ou à des populations ciblées à risque. La pédophilie étant, malgré sa très grande médiatisation, un phénomène relativement marginal, le risque d’erreurs judiciaires est donc élevé. Souvenons-nous d’Outreau !
Avec le même conditionnement des consciences qui permet de renforcer les mesures de surveillance, aidé par le tapage médiatique et avec le consentement (peu éclairé) du public, on peut faire accepter des mesures répressives à l’avenant. Nicolas Sarkozy a bien retenu Nicolas Gramsci. Le sondage en cours sur Agoravox, site qui n’a pourtant pas la réputation de drainer un public réactionnaire ou conservateur mais plutôt éclairé et réfléchi, montre tout de même, à l’heure où j’écris, que 40 % des votants sont favorables à des mesures « dures » (23 % pour la castration physique et 17 % pour l’internement). Lorsque les peines sont irréversibles, l’erreur judiciaire prend une gravité toute particulière. Souvenons-nous d’Outreau !
On peut d’ores et déjà prédire, sans grand risque de se tromper, que seront également annoncées très bientôt des mesures de surveillance d’internet, terrain de chasse de prédilection des pédocriminels, mesures auxquelles la CNIL ne pourra guère s’opposer, la protection de la chair de notre chair ne pouvant souffrir aucune économie de moyens, fut-ce le sacrifice de nos libertés. Bénéfice collatéral, cela permettra de surveiller plus étroitement les internautes, notamment ceux qui se livrent à des activités par comparaison bien anodines, tels que le téléchargement illégal. Mais Nicolas n’a-t-il pas précisément promis son aide aux professionnels de l’industrie du disque alors que la CNIL s’opposait aux mesures de surveillance qu’ils réclamaient parce qu’elle les jugeait trop intrusives ? En plus, l’amalgame entre p2p et pédophilie est si facile !
Et si malgré tout cet arsenal juridique et répressif, un nouveau viol d’enfant se produit (ce qui est malheureusement inévitable dans le temps, comme le sont les attentats), remettra-t-on en question le moins du monde la pertinence des mesures initiales ? Vous l’avez deviné, on les renforcera plutôt ! En jouant sur nos peurs, il devient tellement facile de nous convaincre d’accepter l’inacceptable !S’il y a une chose qu’on ne peut pas retirer à Nicolas
Sarkozy, c’est qu’il apprend vite ! Et souvent dans son cas, l’élève
dépasse le maître. Préparez-vous pour un 11 septembre français, un Patriot Act français...