Délit de rap

par Henry Moreigne
vendredi 16 juin 2006

La chanson de rap « La boulette » interprétée par Diam’s ne sera pas enseignée aux élèves de l’école primaire de Hambye (Manche) dans le cadre d’une chorale. Des parents d’élèves se sont émus du texte auprès du Maire. Les deux enseignantes ne seront pas sanctionnées, mais quitteront l’établissement à la fin de l’année scolaire.

"Coupez ce rap que je ne saurais entendre", pourrait être le message véhiculé par les parents élèves d’une école primaire de la Manche. Message reçu 100% par le maire de cette commune de 1500 habitants et l’inspection académique de Saint-Lô. Les institutrices pointées du doigt sont invitées à aller enseigner ailleurs.

Le texte incriminé est pourtant loin d’être traumatisant. Beaucoup moins sans doute que les flots d’images déversées au JT de 20 heures.

Convenait-il de céder à la pression des parents de retirer leurs enfants de l’école ? Sans doute pas. C’est rendre un bien mauvais service à cette dernière, en créant une jurisprudence dans laquelle les choix pédagogiques relèveraient désormais de la vox populi et de tous ses excès. Les paroles des chansons de Diam’s ne sont pas plus dérangeantes que celles d’un Pierre Perret lorsqu’il met en musique le zizi. Mais ce qui est tolérable d’un "Français classique" ne le serait pas d’une jeune femme issue des banlieues. Plus que les paroles, derrière le fait divers, se cache un refus du rap. Le rap considéré comme le symbole des banlieues, et de ce fait, décrété non grata.

Pourtant le rap, comme l’a été le rock’n roll à ses débuts, est une expression de la rébellion d’une jeunesse contre de nombreuses formes d’autorité. C’est bien le méconnaître que de penser qu’il est le seul apanage de "la racaille" des quartiers. Depuis belle lurette il rythme la vie quotidienne de la jeunesse française de tous horizons, de toutes origines sociales. Les ventes de CD l’attestent. Il est surtout le reflet d’une extraordinaire créativité et d’une expression libre.

En le censurant, l’Ecole de la République renforce le sentiment erroné selon lequel deux France pourraient cohabiter, l’une exposée et déviante des banlieues, l’autre sauvegardée et détentrice de valeurs morales, la France rurale. Pourtant, notre pays, comme notre planète, est un, et laisser croire qu’il est possible d’y développer des sanctuaires est une hérésie. La connaissance de la réalité et de la diversité de la société devrait être le meilleur moyen de défense pour nos chères têtes blondes.

NDLR : Un autre article d’Agoravox exprimant sur cette chanson de Diam’s une opinion inverse


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