Dépenses de campagne : la méthode Sarkozy 2012 ($)

par morice
jeudi 5 avril 2012

C'est encore le palmipède du jour qui sort l'info. C'est, l'air de rien, une autre bombe médiatique, retrouvée un peu cachée chez un confrère africain (le Canard est parfois cachotier). L'annonce indique que le grand argentier de Mouamar Kadhafi est devenu le protégé de Claude Guéant, qui le chouchoute et le fait protéger par sa police depuis qu'il a réussi à lui faire rejoindre... la France. Il vit en effet désormais à Paris, dans un palace. Revenu ici dans des conditions rocambolesques, dans lesquelles les services secrets français seraient intervenus pour rapatrier l'homme qu'était parti rencontrer Takieddine, le conseiller élyséen, avant que ce dernier ne rentre lesté d'une valise de 1,5 millions d'euros, et de se faire arrêter, croyant en son immunité douanière. Depuis sa redescente sur le tarmac du Bourget, notre homme, visiblement lâché par ceux qu'il a tant aidé, n'en arrête plus de dénoncer le trio infernal, qui, selon lui, dirige la France et se retrouve à la tête d'une corruption généralisée : il cite aujourd'hui dans l'ordre Sarkozy, Guéant et... Squarcini. Le quatrième mousquetaire de l'équipe s'appelant Alexandre Djourhi, celui dont les dossiers juridiques se sont perdus chez Rachida Dati. Retour sur les "fadettes bancaires" qui s'annoncent comme étant celles de Bachir Saleh. Cela aurait pu s'appeler aussi "les factures Saleh... de Sarkozy et Guéant en Libye", pour rester dans l'esprit du réputé canard de la rue St-Honoré.

Un homme très couru, que ce Bachir Saleh Bachir cette année et la précédente. Et tout autant courtisé, à la même époque. "Les rendez-vous avec le Guide passaient par lui », témoigne un diplomate longtemps en poste à Tripoli. Y compris les contacts avec les Français : c'est lui qui servait d'interprète à Patrick Ollier quand, à partir de 2003, le compagnon de MAM (à l'époque ministre de la Défense) s'est mis à fréquenter assidûment la Libye" précise le canard. Un "grand argentier" mêlé à la politique, obligatoirement, vu à quel point la famille de Kadhafi régissait tout le pays. "Incontournable au Palais, Saleh ne gérait pas seulement l'agenda de son patron. Infirmières bulgares, contrats industriels, commissions, il avait l'oeil sur tout. Fort de sa confiance, il tenait même les cordons de la bourse personnelle du Guide.  C'était une sorte d'intendant général, il en savait plus que le patron de la Banque centrale libyenne sur les cadeaux faits aux amis étrangers. Si Kadhafi disait : "Il faut donner 2 millions de dollars à untel", c'est lui qui s'en occupait ', se souvient le même diplomate". Et dieu sait s'il y en avait de l'argent dans cette famille (*). Des "untel", il y en avait pas mal à la cour de Kadhafi, dont un certain "Jorg". Un tartuffe de l'extrême droite, ce qui est aussi un pléonasme, à vrai dire, ici en photo avec le fils du dictateur (et derrière lui... son amant !).

Jusqu'à l'élection de Nicolas Sarkozy, les contacts avec la France avaient donc lieu par voie diplomatique, notamment par les ambassadeurs ou les envoyés ministériels. Changement de décor en 2007, nous explique le Canard. Un homme, en France, prend les choses en main. Il s'appelle... Claude Guéant. "A partir de 2007, Saleh devient surtout l'interlocuteur privilégié de Claude Guéant, très assidu chez le colonel.  C'est d'ailleurs au retour d'une visite au Guide et à Saleh que son ami Takieddine (**) se fait pincer au Bourget, en 2011, avec une valise pleine de billets. De son côté, Saleh multiplie les virées à Paris, tentant même une médiation au début de la guerre entre la France et son patron". Une médiation qui a échoué, comme on le sait.

Le 5 avril 2011, le même Saleh affichait une ligne politique raide droite dans les bottes de son maître, encore... en clamant par exemple que selon lui, «  la France paiera très cher l'erreur de Sarkozy ». L'homme, plutôt faché, (en tout cas c'est ce qu'il montrait en interview) avait alors été décrit ainsi par France-Soir : "il le suit comme son ombre. Il le côtoie 24 heures sur 24. Très écouté du Guide, il est plus qu'un conseiller, plus qu'un directeur de cabinet ou même qu'un Premier ministre. Eminence grise ? Lui se définit modestement comme « le secrétaire du Guide ». Homme d'ouverture, il est à l'origine du rapprochement de la Libye avec l'Occident. Selon les observateurs, il a amorcé le virage de « l'après-terrorisme », en déclarant publiquement : « Le terrorisme, c'est fini. ». Le même qui affichait alors une confiance sans faille dans l'avenir politique de son maître : "notre problème, ce sont évidemment les frappes aériennes. Notre armée ne peut pas faire face à l'Otan. Ils ont frappé partout. Ils ont lancé des centaines de bombes qui ont détruit tous nos aéroports militaires et nos avions, ainsi que nos systèmes radar. Mais ce n'est pas ainsi que l'on gagne une guerre. C'est au sol, sur le terrain. Or, en Libye, dans chaque maison, il y a des kalachnikovs, et notre peuple s'opposera aux rebelles. Leur victoire est impossible. Le peuple soutient son Guide. Vous voyez vous-même que Tripoli est calme. Les médias occidentaux ont dit que notre aviation avait bombardé la ville et fait des milliers de morts. Tout le monde sait maintenant que tout cela était faux. C'est pourtant ce qui a justifié l'intervention étrangère contre la Libye !" expliquait-il à France-Soir.

Un personnage, qui dans le même interview expliquait la provenance des Airbus de Kadhafi, ce "bédouin à la vie de pacha" (dont l'énorme quadriréacteur A-340, étonnament épargné par les bombardements de l'Otan et visité ensuite par les rebelles médusés) : "On ne comprend pas ! C'est incompréhensible ! Nous avions de bons rapports politiques et économiques. Nous avons signé des accords stratégiques avec Chirac et Sarkozy qui faisaient de nos deux pays des alliés. Moi-même, j'ai décidé personnellement que la Libye achète des Airbus plutôt que des Boeing, parce que c'était la France... et d'un seul coup Sarkozy décide de nous attaquer, sans raison. Il se trompe d'ennemi, il est monté sur le cheval des islamistes. C'est complètement fou. Le même qui insistait : "Je suis un ami de la France, mais les dégâts seront immenses... Qu'est-ce que la France va gagner dans cette affaire ? Rien. Ce sera très difficile entre nos deux pays. Nous aurions dû collaborer. Nous avions d'excellentes relations commerciales... Avec Sarkozy en place, pour nous, ce sera très difficile. La France est entrée dans un jeu très dangereux en attaquant la Libye : il n'y aura plus de place pour la France en Afrique si elle persiste dans cette voie." Tout le monde aura noté au passage l'allusion à Al-Qaida, "le cheval islamiste" qu'aurait alors soutenu Sarkozy, selon Saleh ! Et d'autres auront noté que Kadhafi à peine refroidi, une partie de ses avions détruits, Airbus était déjà sur le pont pour remettre tout ça d'équerre... Kadhafi avait promis d'en acheter plein, en 2007... "En revanche, chez EADS, la visite du colonel libyen a débouché surl'achat de 21 Airbus. Un contrat d'environ 3 milliards de dollars. Ouf ! Sa visite n'aura donc pas totalement servi à rien..." disait-on à ce moment-là, pour tenter d'expliquer sa venue en France en décembre 2007, qui avait tant fait jaser. Aucune de ses promesses d'achat ne sera tenu par celui qui aura roulé au final la France dans la farine. "En décembre 2007, l'Elysée promet "une dizaine de milliards d'euros" de contrats signés. Une somme loin de la réalité au final"... écrivait-on avant même sa chute.

Mais Saleh, déjà, jouait double jeu. En fait, bien avant la mort, de son mentor, notre grand conseiller avait déjà négocié en douce son exfiltration personnelle... avec les clés des coffres suisses (ou français !) de Kadhafi. En pleine guerre donc, le second personnage de l'Etat, ou tout comme, avait discrètement pris contact avec les français pour s'en sortir... vivant. Il était alors en fuite et "activement" recherché, disait-on à Tripoli. En fait, le CNT savait où il était. "Ministre de la Défense, Gérard Longuet s'est rendu à Tripoli, fin février, pour prendre langue avec son homologue du Conseil national de transition (CNT), membre de la tribu bédouine des Zmtane, du nom de la ville où est toujours détenu Saïf le fils chéri de Kadhafi. Et un scénario a été mis au point". Et ce que révèle ce mercredi le Canard est absolument sidérant ; le CNT et les français, via leurs services secrets (DCRI ou DGSE, le canard ne le précise pas !), vont en effet exfiltrer le personnage en gardant toutes les formes extérieures de non-compromission avec l'ancien pouvoir. Le tout sous le regard placide du CNT, parfaitement au courant de l'affaire : il lui avait donné l'absolution nécessaire. Le récit est absolument hallucinant : pour ne pas éveiller les soupçons de compromission, et tenter de ne mouiller personne, on allait simuler une "prise" de guerre du CNT, alors qu'en fait Salah allait se rendre, tout bonnement, avec comme garantie une volonté... française. Et, effectivement, dès janvier 2012, Saleh est déjà en France, rapatrié !!!! Incognito, ni vu, ni connu.

"Acte 1 Saleh, en fuite depuis des mois, est invité à se livrer. Version officielle il s'est fait attraper. Acte 2 Saleh, fidèle entre les fidèles de Kadhafi, est libéré deux jours plus tard, dans des conditions incroyables. Conduit à la frontière tunisienne, il a gagné l'île de Djerba, à deux heures de là, avant de monter à bord d'un avion qui l'a conduit en France". Toujours pour ne pas révéler sa présence, et ne pas montrer trop de pormiscuité avec lui, il faudra plus tard le faire repasser dans un pays tiers, pour lui obtenir un visa qui ne soit pas français : "restait pour la France à trouver un statut à l'intéressé. L'homme étant originaire d'Agadez, non loin de la frontière entre le Niger et la Libye, les réseaux de la Françafrique ont été mis à contribution. Après deux voyages sur place, Saleh a obtenu des autorités de Niamey un beau passeport diplomatique, et l'immunité qui va avec..." direction les Champs Elysées ! Avec un passeport dipomatique le rendant intouchable ! "Personne ne sait comment Bashir, qui a été détenu pendant l'été a été libéré, et qui était responsable de sa libération", commente plutôt affligé Noman Benotman, un analyste libyen de la Quilliam Foundation."Les Libyens se blâment mutuellement. Il y a plusieurs anciens responsables de Kadhafi qui ont été libérés de prison." Et nous ici, en France, au regard d'événements récents, on se dit que la nouvelle spécialité du renseignement français, ça a l'air de devenir la fabrication de passeports... étrangers !

C'est Jeune Afrique qui avait en fait retrouvé sa trace dès le 31 janvier dernier, et non le Canard, pour tout dire : "Béchir Salah Béchir, le directeur de cabinet de l’ex-président libyen Mouammar Kaddafi, a été aperçu en France puis au Niger après cinq mois d’absence. On avait perdu sa trace depuis cinq mois. Béchir Salah Béchir (BSB) va bien et semble préservé, pour l’instant, de tout ennui judiciaire. Ex-directeur de cabinet du « Guide » libyen Mouammar Kaddafi et l’un des rares francophones de son entourage proche, il avait, en août 2011, multiplié les missions secrètes à N’Djamena, Nouakchott, Bamako et... Djerba, où il avait rencontré secrètement Dominique de Villepin, l’ancien Premier ministre français. Après la chute de Tripoli, « il a été exfiltré par des amis français », confie un membre du Conseil national de transition (CNT)". On ne pouvait être plus clair, cette fois. Le seul francophone de l'équipe de Kadhafi s'était tourné "naturellement" vers la France, qui venait pourtant d'agresser son pays. Il aurait pu y passer inaperçu un laps de temps encore, ayant repris ses "affaires" comme si de rien n'était, s'il n'avait été reconnu fortuitement en pleine rue, sur les Champs Elysées, qui plus est.

"Début décembre, il a été aperçu sur les Champs-Élysées, à Paris, par un vieil ami nigérien. Et le 12 janvier, il s’est rendu à Niamey pour se procurer un passeport diplomatique. Un homme aussi protégé peut-il avoir combattu la coalition anti-Kaddafi jusqu’au bout ?", s'inquiètent certains à voir ses tribulations aussi facilitées. Un "BSB" ayant à plusieurs reprises cet été rencontré Dominique De Villepin, alors qu'on ne savait pas officiellement où il se cachait, ce même Villepin venu rencontrer Sarkozy non pas pour parler Clearstream ni évoquer ses plus de 500 promesses qui ne seront pas utilisées, mais pour lui rendre compte... de son intercession en Libye. France-Soir avait divulgué une partie des cachotteries politiques en mars 2011, sans qu'on n'y comprenne goutte à l'époque : "peut-être y prennent-ils goût. Lundi, dix jours après leurs « retrouvailles » fortement médiatisées, les deux « meilleurs ennemis » de la droite française se sont revus à l’occasion d’un petit-déjeuner à l’Élysée. Une entrevue brève qui s’est déroulée entre 8h30 et 9h45, pas une minute de plus. Dominique de Villepin est reparti comme il est venu, vite et sans faire de déclaration. Officiellement, ce rendez-vous devait tourner autour de la question libyenne, comme l’avait annoncé dimanche l’ancien Premier ministre. [...]" Personne n'avait trop bien compris pourquoi ils voulaient tant se revoir à aussi peu d'intervalle. Maintenant on sait... les deux ennemis politiques avaient passé un pacte, mais il n'avait rien à voir avec la politique proprement dite. En fait de "question libyenne", il s'agissait du sort de BSB, tout simplement ! De Villepin, en avait alors largement profité pour se refaire une stature de... présidentiable, se présentant comme l'homme de la discussion et non du conflit armé. Le 18 août, sur LCI, il présentait son rôle de façon sybilline : "J'étais effectivement là-bas, mais je ne peux faire aucun commentaire, car ce serait compromettre les chances de succès et d'efficacité de ces discussions". Dominique de Villepin a confirmé jeudi participer aux discussions qui se tiennent à Djerba, en Tunisie, sur l'avenir de la Libye après une possible chute du dictateur Mouammar Kadhafi. Une source proche de M. de Villepin a déclaré à l'AFP "confirmer effectivement ce déplacement" en Tunisie. "C'est une action en tant qu'homme de dialogue et de paix très connu dans le monde arabe", a-t-on précisé". De la belle langue de bois bien ciselée par un maître en la matière, l'ancien premier ministre surfant toujours sur les lointaines retombées de son dicsours anti-Bush de 2003 à l'ONU.

De quoi effectivement se poser des questions, comme ici à Abidjan : "Alors que vient faire Villepin dans cette galère ? Il est diplomate de métier, et il a laissé un souvenir historique lors de sa prise de parole à l’ONU en 2003, comme ministre des Affaires Etrangères de Jacques Chirac. Il avait annoncé avec panache que la France ne participerait pas à la nouvelle guerre en Irak. Il bénéficie depuis d’une excellente image dans les pays arabes. Alors est-il une sorte de médiateur international, coopté par toutes les parties, comme peut l’être Jimmy Carter l’ancien président des Etats-Unis ? Ce serait possible mais ce genre de mission est plutôt réservée à un politique retiré des affaires. Or, on le sait, Dominique de Villepin envisage de se présenter à l’élection présidentielle". Et si, se demande l'auteur, il a avait joué au "Mousquetaire du Roy ? Peut-on imaginer alors qu’il soit l’émissaire secret de Nicolas Sarkozy ? Ca parait improbable tant l’affaire Clearstream a exacerbé le ressentiment entre les deux hommes, mais en diplomatie tout est possible. La République n’a-t-elle pas utilisé le duc de Guise, héritier du trône de France pendant la guerre de 14, pour intervenir auprès du roi de Bulgarie allié des Allemands" … De Villepin en mousquetaire, lui qui ne jure que par les grognards de Napoléon... « Comme connaisseur de la région, c'est quand même autre chose que Bernard-Henri Lévy ! » souligne Patrick Haimzadeh, ancien diplomate français en Libye, qui a vu Villepin à l'œuvre à Tripoli lorsque ce dernier était ministre des Affaires étrangères" souligne narquois le Parisien.

Nous sommes en août 2011 déjà, et qui se retrouvait à discuter avec le dictateur ou ses envoyés, pour tenter d'exfiltrer la famille du dictateur, à défaut du dictateur lui-même ? Dominique de Villepin, encore lui  : "Kadhafi négocierait un exil en Tunisie, mais pour sa famille, pas pour lui, affirme un connaisseur du dossier. Vendredi, le colonel montrait son inquiétude en cherchant un point de chute pour son épouse, et peut-être sa fille Aïcha. Ses fils présents en Libye, aux commandes du régime, ne seraient pas inclus dans le marché. Des conversations discrètes continuaient vendredi avec des émissaires américains." Les français ayant leurs méthodes et leurs contacts, visiblement : "Quant à l'ancien premier ministre français Dominique de Villepin, il parle directement avec le directeur de cabinet de Kadhafi, Béchir Salah Béchir, qui fut auparavant l'interlocuteur de Nicolas Sarkozy" annonçait le 20 août 2011 Actu-Niger. Dès l'été dernier, si on y avait prêté attention, on aurait déjà vu se pointer l'opération, masquée par la guerre en cours. On comprend aussi maintenant pourquoi, à partir de ce moment, les critiques de De Villepin sur Sarkozy ont nettement baissé d'un ton. En octobre, le 20 du mois, Kadhafi se faisait rattraper par ce qui semble être de plus en plus une bavure de l'Otan, suivi d'une exécution sommaire. Une trahison d'un des membres des mercenaires sud-africains qui l'accompagnait n'étant pas à exclure, voire une autre survenue en plus haut lieu, comme on va le suggérer un peu plus loin. En août il en était pourtant encore à négocier son exfiltration vers la Tunisie, via ses émissaires et ... de Villepin, à Djerba même, mais la prise de Tripoli le 21 août l'oblige à modifier ses plans et à s'enfuir à Syrte, ou il trouvera la mort que l'on sait.

Quant à savoir pourquoi Villepin et pas Sarkozy ou un de ses envoyés, dont Guéant, c'est simple. Lors de la signature du contrat de refurbishing des 18 Mirage Libyens (12 seulement seront rétrofités), Kadhafi s'était aperçu que 8 millions d'euros avaient disparu. "Fort indisposé, l'ami Kadhafi s'est par la suite fâché tout rouge, quand il s'est rendu compte qu'une partie des commissions s'est volatilisée. Huit des quinze millions d'euros promis ont bien été versés, mais sans aucune trace. Ni lettre de crédit, ni facture" raconte Bakchich, le 1 août 2007. Une rétro-commission de 8 millions qui échappe au dictateur, dont le radinisme était proverbial, pensez-donc ! Qui a bien pu subtiliser les 8 millions du contrat des F1 ? Nous sommes avant 2007... et une campagne électorale ça coûte cher : on accuse pourtant Norlain, le chiraquien, d'en être responsable, pourtant, avec sa gestion quelque peu opaque il est vrai. L'équipe de De Villepin a-t-elle joué un tour pendable à celle deSarkozy, c'est bien probable : ce dernier devait avoir la tête occupée du côté de Karachi, sans doute... mais pour Kadhafi, visiblement, De Villepin continuait pourtant à mieux passer que l'équipe de Sarkozy, dont l'attitude lui avait déplu, comme les manières de Sarkozy lui demandant dès son arrivée de lui revendre son stock de "yellow cake" d'uranium, suggestion que Kadahfi avait renvoyée d'un revers de main en lui répondant qu'il "devait être fatigué et devait se reposer d'abord" (***) !

Villepin, donc en Blues Brothers unique en mission pour le seigneur : 'l'ancien Premier ministre affirme n'être « mandaté » par personne pour jouer les médiateurs dans le conflit libyen et le palais de l'Elysée dément lui avoir confié la moindre mission officielle, comme il le fait parfois avec les anciens locataires de Matignon. Pas de commentaire non plus au Quai d'Orsay, même s'il ne fait aucun doute que Villepin tient informé son ami Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, dont il fut le directeur de cabinet. Au siège de République solidaire, on se refuse à toute explication sur les activités secrètes du président-fondateur de l'autre côté de la Méditerranée". Pas mandaté, mais tout comme en quelque sorte, les deux compères n'ayant aucun intérêt à révéler le pourquoi de leur soudaine connivence !!! Villepin comme Sarkozy ne peuvent avouer qu'ils se démènent essentiellement pour ramener le trousseau de clé vivant des coffres de Kadahfi !!!

Le 18 mars dernier, c'est ActuNiger encore qui sonne les cloches (l'info était sortie le 12 mars), qu'ici en France on entend évidemment pas (le pays est bien trop loin et les journalistes bien trop endormis par la propagande électorale). Le 20 mars, le gouvernement nigérien se retrouvait acculé à donner une explication bien oiseuse à l'octroi d'un passeport plutôt embarrassant : "un ancien proche collaborateur de Mouammar Kadhafi, non recherché par la Cour pénale internationale (CPI), a reçu un passeport diplomatique au Niger où il a été nommé conseiller à la présidence, a-t-on appris hier de sources proches de la police à Niamey. Sur ce passeport diplomatique il est écrit que l'interessé Bachir Saleh Bachir est né en 1946 à Agadez. Mr Bachir, outre les fonctions de directeur de cabinet du Guide libyen déchu, dirigeait en son nom le puissant fonds libyen d’investissement Libyan African Investment Portfolio (****)". Et le journal de parler de "scandale" véritable. Un journal scandalisé, au point d'être furibar et de soulever un beau lièvre : "la question qu’on se pose est celle de savoir si Bashir Salah n’avait pas joué double jeu en signalant tous les faits et gestes de feu Khadaffi à ses ennemis qui les récompensent en le protégeant. Tout est possible", soulignait l'organe de presse, non sans raison, tant on trouve la manœuvre idéale, e effet ! Le propriétaire des clés supprimés, son grand argentier pouvait en faire tourner seul dans de grosses portes blindées, avec derrière une partie des lingots manquants (*). Là, ça devient du grand art en effet !!! Etrangement, c'est en avril et mai 2011 que des tonnes d'or avaient été "vendues" par Kadhafi paraît-il, pour se transformer en billets locaux. Côté bancaire, le bilan des 41 années de pouvoir ininterrompu du chef libyen est lourd : "HSBC dispose d’une dizaine de comptes de la LIA (Libyan Investment Authority) d’un montant total de 293 millions de dollars, et la même somme dans des hedge funds, des fonds spéculatifs. 43 millions de dollars répartis dans trois comptes sont chez Goldman Sachs. Environ 4 milliards de dollars sont placés dans des fonds d’investissement et des produits financiers, dont 1,8 milliard de dollars chez Société Générale."

Sans oublier les versements de campagne. Mediapart, de son côté, sortait en mars dernier un document de Takieddine montrant que les allégations de Saif al Islam sur le financement de la campagne de 2007 semblait bien fondées. "La note en question a été, selon le site, "rédigée et remise aux enquêteurs par un témoin du dossier, Jean-Charles Brisard, ancien membre de l’équipe de campagne d’Edouard Balladur en 1995, aujourd’hui dirigeant d’une société de renseignements privée" et contient les "confessions de Didier Grosskopf, […] l’ancien médecin personnel de Ziad Takieddine, qui l’a accompagné à plusieurs reprises en Libye, pour y soigner des membres de la famille Kadhafi," explique le JDD. Des accusations que récuse toujours le candidat-président. Les lettres NS et BH du document ne lui disant sans doute rien...

Cette année, en tout cas, pour la campagne électorale, inutile pour le pouvoir de se compromettre à rencontrer un vieillard plein d'argent dont la femme dirigeait une entreprise de cosmétique, ou d'envoyer des émissaires en Libye pour rencontrer le fils du dictateur. Cette année, on a pensé autrement faire en définitive la même chose. L'argent était à nouveau là là, à portée de mains, à condition de s'avoir s'y prendre. Sans la présence d'esprit d'un "vieil ami" d'un journaliste nigérien, se balladant sur les Champs Elysée, on n'aurait jamais su comment cette année les grands meetings coûteux sarkozystes auraient bien pu se tenir. Oh, ne vous en faites pas, les comptes seront "validés", bien sûr, en cas de victoire de Nicolas Sarkozy (mais peut-être pas en cas de défaite !) : c'est la thèse de la boule puante bis, donc, que vient de nous ressortir le Canard. Et les valises à billets ou à lingots resteront sans aucun doute bien cachés. En Suisse, où réside une grande partie de la fortune du tyran déchu. Un endroit que connaît bien Takieddine, qui, depuis qu'il s'estime lâché par les sarkozystes qu'il a pourtant suffisamment balladé sur son yacht, parle désormais de "captation de l'appareil de l'État par des intérêts personnels", et va même plus loin encore en parlant de "la mafia qui est à la tête de la République". Une "mafia" dont je vous ai raconté l'historique qui a débuté sous Jacques Chirac (****), et dont la rivalité connue avec Nicolas Sarkozy a été aussi une histoire d'argent, depuis toujours en provenance des contrats d'armement passés. Une mafia qui ne se résume ici pas à un seul chef de clan...

La "mission" confiée en mars dernier à Villlepin par Sarkozy était donc simple : ramener en France, en accord avec Claude Guéant, l'homme qui avait la clé des coffres de Kadhafi. Mission accomplie avec brio. Quitte à demander à avoir en retour un certain droit de regard sur ce qui s'appelle bien un joli magot. Certains, dans la vie, trouvent des réserves de pétrole, et d'autres des pompes à fric. Bien pratique en ce moment de crise, pour le premier, en baisse notoire de notoriété, comme le second intéressé, qui n'a même pas pris le risque de concourir, au vu des premiers sondages humiliants le concernant (******)...

($) with a little help from his friend De Villepin...

(*) "Quelque 29 tonnes d'or auraient disparu pendant la guerre, sur les 143,8 tonnes de réserve du pays. 143,8 tonnes : les réserves officielles d'or de la Libye, qui faisaient du pays le 24ème détenteur d'or au monde, étaient restées inchangées depuis des années. Elles ont fondu à 114,8 tonnes durant la guerre, relèguant le pays au 32ème rang mondial, juste derrière la Grèce. La banque centrale de Libye a en effet déclaré jeudi que 29 tonnes d'or avaient été vendues à des marchands locaux, en avril et mai dernier, et en dinars libyens. Une opération destinée à "payer les salaires" selon les termes de Gassem Assoz, nouveau gouverneur de la Banque centrale. De qui ? Mystère." Les échos d'un convoi de grosses cylindrées, chargées d'or et de devises, qui aurait franchi la frontière entre la Libye et le Niger lundi dernier, faisait craindre une disparition partielle des réserves du pays. Selon Gassem Azzoz, si Kadhafi a sorti de l'or du pays, il n'a pas été pris dans les coffres de la banque centrale. La rumeur qui court parmi les traders d'or veut que le clan Kadhafi ait de son côté multiplié les achats d'or dès 2010, convertissant des devises à l'instar "d'autres dictateurs qui sentaient le vent tourner", selon une source du World Gold Council. Contrairement aux avoirs déposés dans des banques, le lingot présente l'infime avantage de résister au gel."

(**) anecdote citée par Bruno Dive dans son livre "Air Sarko, en voyage avec Nicolas Sarkozy".

(***) "Début mars, en sérieuse difficulté, Kadhafi prête l'un de ses jets à Laurent Valdiguié et Bernard Bisson du JDD pour qu'ils viennent l'interviewer et en gros servir à redorer son blason en Europe et en France, bien écorné par ses terribles exactions. Mais les deux journalistes ne voyageront pas seuls. Dans un des fauteuils du Falcon (Dassault, peut-être bien ce 900X) un... intermédiaire monte avec eux. C'est encore et toujours Ziad Takieddine. Lorsque les trois larrons rentrent, l'interview en boîte, surprise, la douane française, prévenue par on ne sait qui, intervient sur le tarmac. Dans l'avion, une malette, celle de Takieddine, avec dedans 1,5 million d'euros, en liquide. Certainement pas ramassé en plein vol). Le prix d'un coup de pouce accordé à rehausser son image de marque ? 8 millions en 2007, 1,5 en 2011... et combien entre deux, et destinés à qui exactement ?"

"Mercredi 9 mars, jour où Sarkozy recevait les leaders de l'insurrection comme les nouveaux représentants du pays, un jet Libyen se posait au Bourget. Pas un des émissaires, et bien l'un des nombreux jets officiels de l'Etat Libyen, un Challenger 300. Qu'allait-il faire là ? Ces passagers allaient rencontrer qui ? Lorsque le premier avion de Kadhafi était revenu de son interview, des questions avait déjà été émises : "Qu'allait faire Ziad Takieddine en Libye avec deux journalistes ? Selon des sources judiciaires, « il allait chercher de l'argent, vraisemblablement issu d'affaires qu'il conclut dans le pays depuis un certain temps ». Aux enquêteurs, M. Takieddine a avoué la création, en 2008, d'une société mixte en Libye, dont il percevait donc des dividendes. Manque de bol, il a été pris les doigts dans le pot de confiture, sans que l'on sache pour l'instant si les douaniers ont bénéficié d'un tuyau ou s'il s'agit d'un heureux hasard" note l'Union, qui ajoute : "que faisaient les journalistes dans l'avion affrété par la Libye et confié au Libanais Takieddine ? « Laurent Valdiguié le connaît très bien, confie-t-on à la rédaction du JDD, c'est à lui que Takieddine avait accordé une interview pour démentir ses liens avec l'entourage d'Edouard Balladur. Mais enfin, ça n'explique pas tout… » Aux douaniers, M. Takieddine a dit qu'il avait été chargé d'un « plan com' » par Mouammar Kadhafi, le guide souhaitant redorer son blason. C'est donc dans le cadre de la campagne de communication que M. Takieddine a bénéficié d'un jet et qu'il a choisi son ami journaliste".

(****) Filiale Libyan African Portfolio : 5,1 milliards $

Le Libyan African Portfolio (LAP) dirigé par Béchir Salah Béchir, directeur de cabinet de Kadhafi a pour vocation de réaliser des investissements rentables en Afrique. Son portefeuille comprend le fonds Libyan African Investment Company (Laico), la compagnie aérienne Afriqiya Airways, l’operateur télécom Lap Green Networks (avec des participations dans Uganda Telecom, Sonitel au Niger, Sotel au Tchad, Rwandatel...), la Banque Sahélo-Saharienne pour l'Investissement et le Commerce…

(*****) Sur la guerre des commissions Chirac-Sarkozy, on peut lire ceci :

07/07/2010 http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-eleve-sarkozy-a-largement-78028

08/03/2011 http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/jacques-chirac-version-ncis-89755

09/03/2011 http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/entre-chirac-et-sarkozy-la-haine-90212

10/03/2011 http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/chirac-gangster-de-la-republique-90121

11/03/2011 http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/chirac-sarkozy-une-guerre-feutree-90291

12/03/2011 http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/sarkozy-finalement-grille-par-90315

 

(******) "En outre, le candidat de "République Solidaire" peinait à décoller dans les sondages où il ne récoltait que 1 à 2% des intentions de vote. Mais cela aurait été, selon une source proche de l'ancien Premier Ministre citée par "le Canard Enchaîné", la véritable cause de la non-candidature de Dominique de Villepin. En effet, le candidat de République Solidaire aurait eu plus de 600 signatures, et non de 460 comme il l'avait annoncé. "Contrairement à ce qu'il affirmait le 15 mars sur France 2, il ne disposait pas de 460 parrainages, mais... d'environ 600", écrit ainsi le Canard Enchainé, avant de préciser que l'ancien Premier Ministre "aurait préféré jeter l'éponge avant le début de la campagne officielle plutôt que de subir au premier tour un score humiliant". Le risque aurait été également pour lui de ne pas voir sa campagne remboursée, s'il n'obtenait pas au moins 5% des votes au premier tour".


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