Déportation homosexuelle : l’occultation reconduite

En soutien à la déclaration de Monsieur Vanneste, qui nie la réalité de la déportation homosexuelle en France, Monsieur Arno Klarsfeld a affirmé que les homosexuels déportés l'ont été parce que juifs, résistants ou droits communs.

J'ai été, pendant les dix dernières années de sa vie, ami de Pierre Seel, Français reconnu officiellement en tant que déporté homosexuel. J'ai publié aux Impressions Nouvelles un livre inspiré par son témoignage : « Aux hommes tués deux fois ».

Je peux affirmer que Pierre Seel a bien été déporté en raison de son homosexualité, et pour aucune autre raison. Il n'était ni juif, ni résistant, ni droit commun.

Il était issu de la bourgeoisie de Mulhouse, sans engagement politique au moment de sa déportation, à 18 ans. Enrôlé de force dans l'armée allemande à sa sortie du camp de Schirmeck, il a fait toute la guerre sur le front de l'Est. Quant à sa religion, il était catholique, un catholicisme auquel il est resté attaché toute sa vie.

La vie de Pierre Seel constitue une réfutation massive et définitive des allégations de Monsieur Klarsfeld.

Ses propos sont regrettables en ce qu'ils tendent à réactiver une compétition entre les mémoires, en un temps où l'apaisement par leur reconnaissance mutuelle semblait enfin acquis.

Ils sont moralement coupables en ce qu'ils renvoient une catégorie de déportés, les personnes de nature homosexuelle, à l'occultation à laquelle elle était condamnée, et à laquelle la recherche historique l'avait enfin soustraite.

J'ai écrit, en exergue à mon livre, les phrases suivantes : « Chaque assassinat d'un homosexuel par les nazis s'est doublé d'un assassinat (occultation/négation) de sa mémoire par les familles, les politiques, l'histoire officielle.

Il y eut bien pour chaque homme deux meurtres. Comment distinguer lequel l'emporta dans l'ignoble ? »

Messieurs Vanneste et Klarsfeld viennent de rendre à ces lignes une triste actualité.