Des enseignants rendent hommage à leur collègue suicidée : une retenue sur salaire !

par Beauceron
jeudi 13 février 2020

Il y a quelques temps, Christine Renon mettait fin à ses jours sur son lieu de travail, une école maternelle de Pantin (93), commune populaire de la banlieue-est parisienne, où votre narrateur a lui-même exercé il y a une quinzaine d'années. Un public défavorisé, des comportements difficiles à gérer, des moyens matériels limités, on était très loin d'Alice aux pays des merveilles quand on tentait d'apprendre à lire et à compter dans ce secteur.

Brisée par le stress et les journées à rallonge, écartelée entre l'administration, les parents, les collègues et sa mairie, la directrice s'est sacrifiée. Je n'ai guère été surpris, dans les années 2000 les dépressions nerveuses et les arrêts de travail étaient déjà monnaie courante dans la circonscription. On remarquera que les choses ne se sont pas arrangées, bien au contraire. Il n'y a toujours pas de médecine du travail dans l'éducation nationale. A Pantin, la réforme des rythmes scolaires a fait des ravages, imposant aux écoles des horaires lourds afin de garder les enfants le plus longtemps possible dans les enceintes scolaires. Le maire, Bertrand Kern, à qui j'avais serré la main à l'occasion d'une fête de fin d'année, est en conflit avec les enseignants jeunes et inexpérimentés, contractuels pour beaucoup, qui acceptent encore de travailler dans sa commune. 

Bref, un climat pesant, stressant, avec en surplus les problèmes extra-scolaires apparus dans les années 2000 : l'explosion du coût de la vie à Paris et l'impossibilité de se loger convenablement pour les profs. Dans ces conditions, on pourrait s'attendre, en toute logique, à un soutien sans faille des pouvoirs publics aux courageux enseignants qui s'usent la santé à petit feu en banlieue.

Hélas, le manque de bon sens et la froideur administrative, logiques "franchouillarde", sont présents plus que jamais. Pour répondre à la journée de mobilisation à la mémoire de Christine Renon, qui a rassemblé des dizaines d'enseignants, l'inspection académique de Bobigny a soutenu ses profs à sa manière, en leur retirant une journée de salaire pour service non fait. Toute la marque du mépris, de l'indifférence, du soucis de la comptabilité au détriment de l'humanisme, dignes d'une gestion de patron de fast-food.

Et pourtant, qu'elles sont belles les campagnes contre le harcèlement à l'école, pour le vivre-ensemble, le respect et les valeurs de solidarité. Hélas, nos pouvoirs publics ont des difficultés à inclure l'ensemble de la communauté éducative dans ces nobles et civiques projets. Comment appeler les enfants à se respecter quand l'employeur des enseignants utilise des méthodes de management dignes d'entreprises du CAC 40 pour gérer au lieu de comprendre et d'être à l'écoute ? 

C'est tout un système et une logique qui privilégient l'argent et la performance au détriment du soucis des autres qui est à revoir. Que restera-t-il de l'école républicaine dans un demi-siècle dans des conditions pareilles ? Christine Renon fut d'abord victime du mépris et de l'indifférence, d'une machine à exploiter les faiblesses des braves gens au lieu de chercher à comprendre. Une révolution culturelle sera nécessaire pour rendre à l'école ses valeurs humanistes...

Source de l'article : http://93.snuipp.fr/spip.php?article3890


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