Des lois contre la légitimité

par Hermel Thalouie
lundi 17 mai 2010

Le 8 mai dernier, des manifestations pour la légalisation du cannabis étaient organisées de par le monde. Ces manifestations avaient pour but de démontrer les effets pervers de la répression sur la prise de cannabis... chiffre à l’appui.

Marseille, quartier nord. Mathieu, consommateur régulier de cannabis, se rend comme chaque semaine dans une cité marseillaise ’’parce qu’il faut bien avoir quelque chose à fumer’’. Le rituel est toujours le même... une heure de route, puis direction "le mcdrive" comme il dit. 100, 200... 500 euros : sans sortir de sa voiture, Mathieu peut avoir ce qu’il veut. Mais que fait la police ? 
 
’’La police, on ne risque pas de la voir dans la cité... Si nous les voyons, ca sera à la sortie, attendant des consommateurs comme moi plutôt que d’arrêter les dealers. On s’y habitue !" A vivre dans l’illégalité, on en accepte l’illégitimité, la fatalité. Les policiers connaissent les lieux de ventes, les vendeurs connaissent les planques, et les consommateurs en payent le prix, par deux fois parfois ! ’’Si le rôle de la police est réellement de faire la prévention, ils devraient se planquer à l’entrée de la cité, personne ne rentrerait. Je suis persuadé que c’est pour faire du chiffre’’. Affirmation sans fondements ou triste réalité ? Ce qui est sûr, c’est que Mathieu va à Marseille depuis 6 ans déjà, et que jamais il n’a vu de policiers à l’intérieur d’une cité. Si, une fois... ’’un mec en civil’’ qui prévenait d’autres policiers à l’extérieur de la cité d’arrêter les consommateurs. ’’Je ne fais pas de mal pourtant, je ne revends rien, tout est exclusivement pour ma propre consommation’. Mais voilà, légitimité et légalité sont deux choses bien différentes.
 
Comme il semble légitime de pouvoir fumer ce que l’on veut chez soi, il apparaît comme légitime d’interdire la consommation de cannabis en France pour des raisons de santé publique. La loi, datant de Napoléon paraissait donc à l’époque comme juste, favorable à tous. A celle-ci, deux moyens d’actions s’affichent clairement : la répression ou la prévention.Comme souvent, c’est le choix de la répression qui fut choisi... Pari perdu. En effet, si un mineur sur cinq avait déjà fumé du cannabis en 1993, ils étaient un sur deux en 2006. Pire encore. D’après l’Express, les français seraient les champions du monde du cannabis avec 31% des mineurs qui auraient fumé un joint au cours du dernier mois. Pire encore, il existerait 1,2 million de fumeurs réguliers et 5 millions de fumeurs occasionnels. S’il existait un parti du cannabis, nul doute qu’il aurait plus de poids qu’un MoDem ou qu’un Europe Ecologie !
 
Alors pourquoi continuer dans cette voie ? A cette question, Philippe*, policier à la BAC de Marseille répond : ’’ Parce que nous avons été trop loin dans ce choix, nous ne pouvons plus reculer. Si nous changions notre façon d’agir, cela apparaîtrait comme une preuve de notre incompétence, nous perdrions la face". Tout ceci ne serait donc qu’une question d’honneur ? Heureusement, la réponse est non. La véritable raison est bien plus humaine que la situation ne la laisse présager et elle porte un nom : l’escalade d’engagement. Cette théorie de la psychologie sociale met en effet en évidence l’effet des comportements sur les attitudes. Robert-Vincent Joule, professeur de psychologie sociale à l’université de Provence explique : "Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce sont nos actes qui détermineraient nos valeurs, notre personnalité. Un individu, ou une organisation, aurait donc tendance à persévérer dans ces choix, même si ceux-ci sont mauvais". L’état serait donc trop engagé pour revenir en arrière.

"L’idéal serait de faire comme aux Pays-Bas : interdire la vente aux mineurs, et la légaliser à certains lieux possédant une licence. Il y existerait sûrement encore quelque dealeur sur le marché noir, mais ça ne peut pas être pire que maintenant !". L’idée n’est pas nouvelle, mais pour Mathieu, c’est celle qui paraît la plus évidente. ’’ Je pense qu’on arrivera à faire pencher la balance de notre côté en appuyant les arguments économiques, parce qu’il n’y a que ça qui compte aujourd’hui". En effet, hormis les chiffres alarmants sur le taux de fumeurs en France, notamment celui des mineurs, ce sont les aspects financiers qui sont mis en avant par les consommateurs. Avec 5 millions de fumeurs occasionnels, c’est un immense marché qui pourrait s’ouvrir à nous. Et s’il existe quelques personnes pensant qu’on ne peut pas penser économie avec tous les sujets, je leur dit d’accord... mais à une condition. Stop à notre belle amitié avec la Chine ou avec le colonel Kadhafi. Stop aux ventes de cigarettes. Stop aux ventes de feuilles longues, dont le premier distributeur n’est autre que Vincent Bolloré, ami du président (oui oui, le B de OCB... C’est lui). Stop à l’hypocrisie !
 
Je tiens tout de même à rappeler que la consommation de cannabis est dangereuse pour la santé, et qu’il ne s’agit en aucun cas d’un plaidoyer envers la consommation. Cependant, à l’heure où l’on demande aux français d’être réaliste, de faire un effort, il serait bon à l’Etat français d’en faire aussi, même si le choix n’est pas parfait est loin d’être parfait .
 

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