Des propos sidérants d’Ibrahimovic, à la sidération poétique de Fabrice Luchini, et autres déambulations

par bakerstreet
mardi 17 mars 2015

Il y avait du Zlatan en vitrine ce matin, à l’heure du p’tit déj…. Vous savez, Ibrahimovic, l’immense footballeur du PSG et cette déclaration brute de coffrage. « La France, pays de merde… » http://bit.ly/1BrnHjM

Le monde ne va pas fort, et le foot est à son image ! Tu le savais déjà fort bien avant d’allumer la radio. Alors qu’est ce qui te retient de laisser la porte ouverte du jardin, et de n’écouter que le champ des oiseaux ? C’est qu’il fait un peu froid, en ce mi-mars. Et puis c’est devenu une habitude, tout comme le pain grillé, d’écouter les infos ! Tu as grogné, juré en entendant cette fumisterie prodigieuse d’Ibra jouant petit bras.

Et pas seulement en toi même ! Si bien que ta dulcinée, ton éternelle, t'a une nouvelle fois repris : « Je me demande pourquoi tu écoutes toutes ces conneries ? Après ça, si tu continues à regarder les matchs, c'est vraiment à y rien comprendre !"

Que répondre à ça ? Elle n'a pas tort ! Comme cette manie d’acheter le canard enchaîné, qui entretient en toi cette ironie désabusée, où tu sembles chercher une fois de plus des confirmations à cette formidable escroquerie organisée, le mélange des genres qui fait collusion, et semble entériner la chute de la civilisation, tant cela faisant pataquès.

"Tout de suite les grands mots, le botter en touche, les grands idéaux galvaudés, frisant le penalty ! ..."

« Pas la peine de t’échauffer, t’as pas le sifflet de l’arbitre, et puis on te donnera pas de micro pour expliquer ta cause ! » m’as tu sortis en riant.

Second café. Le meilleur. Toujours sans sucre. Ne pas risquer le carton rouge du diabétique ! Me manque juste maintenant le développement du sucre et le mouvement de la cuillère. C’est fou comme les rites sont les piliers des désirs ! Je comprend les footballeurs à la retraite et le complexe du ballon qui manque ! 

Mais les infos et les malheurs du monde étaient finis. C’était le lieu et l'heure de consolation sur France- inter.

Fabrice Luchini était l’invité d’Augustin Trapenard, à 9 heures. Il parlait des joies de la langue française, en grand ergoteur qu’il est.

http://www.franceinter.fr/emission-boomerang-la-sideration-poetique-de-fabrice-luchini

On aime ou aime pas Luchini, c’est un peu comme Céline, auteur à qui d’ailleurs il avoue une grande admiration ; mais il faut reconnaître qu’il possède lui aussi le verbe, la faconde, l’esprit.

Enfin, il faut avouer qu’après les turpitudes d’Ibra, en raison de la loi des contraires, et de l’opposition des couleurs, j’étais dans une bonne disposition d’esprit pour écouter du Mozart, et ses arpèges savants.

Et même la chanson des enfoirés m’aurait été d’un bon secours, c’est dire. http://bit.ly/1MG4kvF

Dans une équipe de foot, Luchini aurait été un avant centre de génie. Luchini, c’est Lionel Messi, le petit génie argentin. Celui qui, même en dépit de sa petite taille, vous donne une image de la facilité et de la grâce en deux trois débordements agiles, et vous expédie un but au fond des filets. Je dis ça par rapport à ce sport que je continue à aimer et à regarder, à ma grande honte je l’avoue.

Peut-être qu’au fond le mérite d’Ibra est grand ! Qu’il exprime en quelques mots, un raccourci furieux, une quintessence qui nous échappe ?

 Un peu comme Goebbels disant « Quand j’entend le mot culture, je sors mon revolver ! ».

Après ça, même les braves gens qui soutenaient le parti nazi, dans lequel on trouva même quelques juifs, commencèrent à s’apercevoir qu’ils s’étaient quelque peu égarés, et tentèrent de quitter le stade, en douce.

Car tout à coup le sens de la phrase, qu’on pensait insolente de mépris et de suffisance, se moquant des règles de la bienséance et de l’arbitre, fait sens, de façon plus générale.

Car elle se trouve représentative tout à coup d’un esprit de classe, et déborde des limites fixées ordinairement à un terrain de football, même de première division. Elle envahit alors tout l’espace, les mers, et atteint comme un tsunami, les émirats arabes, lèche les plages des paradis fiscaux, les îles enchanteresses..

 Par quel hasard l’herbe a-t-elle poussé sous vos pieds ?

C’est à rien n’ y comprendre ! Comment avez vous pu sans le savoir vous retrouver propulsé sur un terrain de foot, tout prêt d’une ligne de touche ? Des canettes de bières lancées par des supporters haineux tombent à vos pieds. Même si vous détestiez ce sport de voyous, vous nous pouvez nier que vous êtes maintenant en short, et que vous avez des godasses à crampons aux pieds, et qu’il va falloir faire front !

C’est le match de votre vie, la grande finale internationale !

 Deux équipes face à face, se regardant en chien de faïence. 

Celle des 1 %, contre celle des 99 autres. On espère juste que l’arbitre nommé par la FIFA ou bien le FMI va être impartial.

Devant vous arrive un grand bouledogue en maillot bleu, les cheveux tirés en ailleurs, avec une tour Eiffel en écusson sur le maillot.

 Non, ce n’est pas Mimie Mathy avec un maillot de supporter du PSG, mais un vrai enfoiré d’appellation contrôlée.

Vous espérez simplement que cela ne sera pas la dernière chose que vous verrez de votre vie. On a jamais vu c’est vrai quelqu’un tomber de la tour Eiffel et repartir en trottant. Mais la mort concerne les autres, pas vous ! Et puis vous avez des valeurs, une mission  ! Ne faites vous pas partie de l’équipe des indignés.

Il faut à tout pris arrêter ce type aux yeux rouges !

Peut être qu’on peut comparer Ibra les bras en croix, avec tous ces tatouages, à cet espèce d’archange de la vérité. C’est comme ça que Lacan rebondit sur l’intervention d’un jeune étudiant remettant sa place en question, lors d’un séminaire qu’il donna à l’université catholique de Liège, ou d Louvain, je ne sais plus très bien….

« Je ne sais plus très bien ….Quand Fabrice Luchini sort lui ce genre de choses, il sait très bien où il veut aller, mais il fait des zigzags, des dribles. Il sait que les méandres trimballe toute la grâce des rivières nonchalantes, et fait jouer l’attente, le désir. En ce moment il donne son spectacle au théâtre des Mathurins, et je pense que ça doit être bien.

http://bit.ly/18zr3dR

De Paul Valéry à Rimbaud en passant par Molière, Céline, Flaubert…
 " Les mots sont des planches jetées sur un abîme, avec lesquels on traverse l'espace d'une pensée, et qui souffrent le passage et non point la station." Paul Valéry

« Nul ne ment plus qu’un homme indigné », Nous dit Luchini, en citant Nietzsche. J’ai pensé que ça s’accordait encore parfaitement à Ibra, mais je m’en voulais, de penser encore à ce truc nauséabond, alors que là, il y avait une musique, un sens.

Et c’est vrai que je me suis laissé avoir, à l’écouter, encore en robe de chambre, pendant que le café refroidissait. Ca aurait pu être sur France culture, mais sans la prétention du titre. Fabrice Luchini ne cache pas qu’il a été un coiffeur, à quatorze ans, et je crois que cela lui a donné de vraies lettres de noblesse. Quand on s’intéresse aux têtes, aux coiffures, et qu’il faut faire la conversation, c’est un apprentissage qui vous donne une vraie connaissance pratique sur l’homme, et vous prépare autant à l’art de la rhétorique.

Le temps qu’il fait, le temps qu’il fera, tout le monde sait cela ! Mais encore faut- il que cela tienne en mise en plis avec l’humeur des gens. N’est pas coiffeur ni philosophe ou poète qui veut, même et surtout en coupant les cheveux en quatre !

« Ca veut dire quoi la poésie ? » Lucchini nous dit qu’il ne le sait pas, et qu’il a été incapable de dire le sens du bateau ivre, quand un chauffeur de taxi, ravi de l’entendre répéter, lui avait demander de la déclamer plus fort.

 « J’aime la poésie quand elle révèle du réel. Quand elle éclaire nomme un réel que nous percevions, mais dont nous n’avions pas encore trouvé les mots. »

Bien qu’il ne soit pas pour la belle langue, nous dit-il.. Il assume son âge, ses 63 ans, ses douleurs, ses faiblesses qui vont avec, et qui font la condition d’homme.

« Le mythe de la séduction en même temps que celui de la sexualité que les médias mettent en avant, est une des deux plus grosses conneries de l’époque.

La séduction, c’est l’un ment sur la came, et l’autre ment sur la came ! »

Peut-être avait-il eu déjà mal au dos, quand il était coiffeur, même s’il était obligé de faire des grimaces des sourires. Il sait d’où il vient ; ce certificat d’études « un document pour les ratés » décroché à 13 ans et qui vous faisait un passeport pour le monde du travail. « On n’ était pas vraiment l’immigré albanais, avec le certificat ! On était prêt pour être dans le marché du travail à l’age de 14 ans ! » 

Et puis la découverte de Céline à 16 ans. Par chance ! Il est tombé sur « Mort à crédit ». Que serait-il devenu s’il était tombé sur « France-football » ?

Mais allez savoir s’il n’aurait pas été après tout un brillant avant centre ?

Toujours cette indécision en moi, de donner un avis définitif, en me balançant d’une jambe sur l’autre. Pour la ballade c’est bien, mais moins pour l’opinion. Ah !Comme j’ai été content de trouver cet aveu dans les essais de Montaigne : «  Je ne puis assurer mon objet ; il va trouble et chancelant, d’une ivresse naturelle. Je le prends en ce point, comme il est, en l’instant que je m’amuse à lui. »

 Luchini cite encore Céline dont il se rappelle la silhouette marchant dans les faubourgs, avec sa mère l’accompagnant ; Les lignes de l’auteur, fait d’un faux naturel longuement travaillé, mais qui donne l’illusion de la facilité. Et c’est là finalement tout l’art, même s’il ne le dira pas, de faire disparaître les ficelles, les échafaudages et de se mettre à marcher, comme guidé par le génie.

A dix heures nous sommes partis en ballade tout autour du Blavet. Le Blavet est une petite rivière Bretonne, qui a pourtant tout du Mississipi, surtout en certains endroits où elle prend ses aises, à mesure qu'elle se rapproche de l'océan. Il faut savoir bien sûr savoir la regarder avec des yeux exaltés, pour l'agrandir encore d'autant, même quand elle se rétrécit en amont. C'est un peu au fond comme la vie. 

On ne baigne jamais deux fois dans les mêmes eaux d’une rivière, c’est bien connu ! Métaphore valable autant pour les livres !.

Kant qui gardait son quand à soi, ne se lassait pas de la même ballade journalière, immuable, dans sa bonne ville de Königsberg. Les yeux, les pas réunis entre eux entraînent d’étranges exaltations, et le mieux serait assurément de lire en marchant, de déclamer sa poésie et sa flamme aux arbres et à la nature aux aguets.

Néanmoins, ayant travaillé en psychiatrie toute ma vie, j’ai appris à bien me tenir, et à rester toujours du bon coté de la blouse. Ca ne fait rien, l’exaltation est comme l’hélium, et gouverne vos pas, vos pensées. Tant d’auteurs ont fait l’apologie de la marche, de Rimbaud, dans ce délicieux poème que sont justement « Ma bohème » ou « Sensation » d’Arthur Rimbaud.

"Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers

Picoté par les blés foulé l'herbe menue....

Rêveur j'en sentirai la fraicheur à mes pieds

Je laisserai le vent baigner ma tête nue....."

On ne sent pas assez compte. Mais Arthur Rimbaud, c'est exactement le contraire de la Zlatan attitude, comme on dit. La déambulation du ballon de foot qui s'évade des filets, et ne veut plus entendre parler des règles, des corners, des touches, des penaltys. 

Montaigne fait aussi l’apologie de la déambulation : « L’âme y a une continuelle exercitation, à remarquer les choses inconnues et nouvelles, comme j’ai dit souvent, à façonner la vie, que de lui proposer incessamment la diversité de tant d’autres vies, fantaisies, et usances ; et lui faire goûter une si perpétuelle variété de formes de notre nature. Le corps n’y est ni oisif, ni travaillé ; et cette modérée agitation le met en haleine. »

Nous avons ainsi un peu encore en tête les propos du matin. Ibra, Luchini et tutti quanti ! J’en arrive à évoquer ces salons de coiffure que j’avais fréquentés, peut-être coiffé sans le savoir par des poètes en herbe, ou encore des footballeurs rêvant de fouler un autre gazon que celui de ma coiffure en brosse. Moi qui rêvait de ressembler au Beatles ! Ils avaient aussi de bon footballeurs là-bas. Comme ce George Best, avec sa tête de cinquième beatles, et qui se brula les ailes et le reste, avec l'alcool.

Finalement, je finis par conclure qu’on avait tous en nous quelque chose de Luchini !Et c’est là qu’était son talent, de nous faire parler de nous par les biais des auteurs qu’il citait, nous révélant ainsi qu’on était bien plus malin qu’on croyait.

Mais au fond, je savais que la réalité était beaucoup plus prosaïque.

Car ce qui faisait sens, et me rapprochait de Luchini, c’est que j’avais quitté l’école comme lui assez vite, et découvert alors la littérature, les belles lettres, et les plus ou moins propres sur elles, comme chez ce Louis-Ferdinand, et tout ce qui va avec, en termes de sensations nouvelles.

J’ai dégagé de l’école à seize ans au lieu de quatorze, tout de même, avec deux ans de retard, mais le BEPC en poche.

Le BEPC, hé, c’était encore quelque chose en ce temps là, un tout petit titre de noblesse, qui vous permettait de vous croire moins con qu’avec un simple certificat d’études, et d’envisager de ne pas devenir garçon-coiffeur.

Comme si c’était une honte, garçon-coiffeur, je vous demande ?.

Mais je trouvais qu’électricien, ça faisait plus malin, avec ces fils qu’il fallait brancher, pour que le courant passe. Une compétence électrique qui étonnait ma mère, elle qui ne voulait pas toucher à une ampoule…

« Sait-on de quoi sont faits nos souvenirs
Sur les chemins de la vie ? »

Allez savoir pourquoi cette vieille chanson de Charles Trenet , « cinq ans de marine », m’était revenue en tête ?

 http://bit.ly/1Elfe3K

Est-ce là le reflet d’une première expérience de travail ?

 

Trenet à chanté aussi « Douce France ! »

Il paraît qu’Ibra devra rendre des comptes…Si si, je vous le jure, je l’ai entendu !

Là haut, à la fédération de foot, il vont se fâcher tout rouge contre ce mercenaire du Qatar ! Quel sera la sanction ? ON demande à voir ! Ibra devra-t-il chanter douze fois « Douce France », de Trenet, comme on nous faisait réciter des notre- père, ou des « je vous salue marie ! ».

Moi, je trouve que ça serait bien fait pour lui !.

« Pays de merde ! » non mais ! … »

Peut être que ça serait bien que Sarko vienne lui faire la leçon qu’il avait donné en grand prophète, en 2006 : " "S'il y en a que ça gênent d'être en France, je le dis avec le sourire mais avec fermeté, qu'ils ne se gênent pas pour quitter un pays qu'ils n'aiment pas".

Passer les écluses est toujours un moment magique.

 Selon l’état de la marée et de la saison, le spectacle n’est jamais le même.

On ne sent pas la merde, mais la vase, ce qui révèle d’une toute autre affaire ! Le sens des mots et leur odeur n’est jamais gratuit, ça peut faire un arme fatale qui se retourne contre vous.

Deux ou trois cormorans allongeaient paresseusement leurs ailes sur un rocher. Nous vîmes un héron debout sur un rocher, blanc comme un fantôme, dans la brume encore fraîche et humide du matin ! A notre approche, quand nous approchions des écluses, avant de les traverser, un chapelet de mouettes s'envolèrent l'une après l'autre, et nous les suivimes du regard. 

Tout à l’heure, une aigrette nous accompagnera, volant de branche en branche , une fois passés dans la forêt.

 Ce sont des phrases de rédaction d’enfant de troisième, niveau BEPC, qui me font plaisir à écrire, car elles alimentent un continuité magique, de syntaxe harmonieuse, avec ces belles règles de grammaire, auxquelles on voudrait bien voir ressembler le monde qui perd ses buts, ses arbitres, ses règles.

Dans l’herbe, de l’autre coté, nous tombâmes en contemplation devant un cadavre.

 Oh, non heureusement, elle n’avait rien à voir avec celle du poème « La charogne », de Charles Baudelaire !

"Rappelez vous l'objet que nous vîmes mon âme

Ce beau matin d'été si doux....."

 

C’était juste une vieille chaussure de sport sans lacet, abandonnée là, sans explication aucune, par son propriétaire.

 Nous restâmes là un moment à la regarder, même si ce n’était pas une godasse de foot !

Comme une souris verte, qui traînait dans l’herbe.

« A qui a-elle pu appartenir ? Et quelle est son histoire ? Et où était donc caché sa soeur jumelle ? ».

 

Et c’était encore bien des questions, le prétexte encore à imaginer des choses, dans l’esprit de Shéhérazade, laissant notre esprit "battre la campagne" !

Comme on disait avant, dans les rédactions de troisième, ou les dictées de certificat d’études !


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