Deux bras d’honneur

par teddy-bear
lundi 5 novembre 2012

En Algérie française trônait en plein Alger la statue du Maréchal Bugeaud qui déclarait en 1841 « La guerre que nous allons faire, n'est pas une guerre à coups de fusils. C'est en enlevant aux Arabes les ressources que le sol leur procure que nous pourrons en finir avec eux. Ainsi, partez donc, allez couper du blé et de l'orge »

Les bras d'honneur

Les diverses demandes du gouvernement algérien de reconnaissances des crimes du colonialisme provoquent chez les nostalgiques de l'Algérie françaises des gestes plus que déplacés qui ne sont que des provocations inutiles d'hommes politiques de droite.

Il est bon de rappeler que la conquête de l'Algérie, puis son occupation entière en 1847, ne s'est pas déroulée pacifiquement comme certains le prétendent, les troupes françaises l'ont soumise village après village et la résistance de l’émir Abd el-Kader pendant 18 ans jusqu’à sa reddition le prouve.

Et si le gouvernement algérien avait raison de parler de crimes et de repentance à condition que les autorités algériennes en fasse autant officiellement, dans un geste mutuel de paix. La France n'a-t-elle pas là-bas commis des exactions et des actes de terrorisme de la pire espèce : un terrorisme d'Etat : armée française contre des rebelles, armes lourdes, chars, navires et avions contre des chassepots. Un exemple d'AVANT le début des hostilités appelées "Guerre d'Algérie" ou "Opérations de maintien de l'ordre". Ceci expliquant cela ?

Le massacre de Setif et de ses environs.

Le 8 mai 1945, à l'annonce de la reddition allemande, une grande manifestation autorisée mais devant être non politisée de Messali Hadj, (1) et des Amis du manifeste de la liberté (AML) envahit les rues de Sétif en chantant l’hymne nationaliste Min Djibalina (De nos montagnes) et défilent avec des drapeaux qui serviront de modèle pour l’Algérie future parmi les drapeaux alliés. Des pancartes fleurissent : « Indépendance pour l’Algérie » réclamant la liberté pour les Algériens après les combats qu'ils ont livré pendant la guerre au côté des Français. Saal Bouzid, un jeune scout musulman marche en tête du défilé en brandissant ce fameux drapeau il sera battu par un policier. Aussitôt les forces de l’ordre tentent d’arracher tous les symboles de l'indépendance qui passent sous leurs yeux. Colère et émeute de la foule, dans laquelle se seraient glissés des fellahs armés, résultats 28 morts chez les colons. Le Constantinois est en feu et une chasse aux blancs est organisée, des femmes sont violées, on évoque alors des actes de barbarie impardonnables et inqualifiables. Le nombre des européens tués est estimé à 109. Au Foreign Office, une note manuscrite du 23 mai résume ainsi "la cause de la révolte" : "Un policier français a perdu la tête. Je suis certain qu'autant de sang n'aurait pas coulé si les militaires français n'avaient pas été aussi impatients de perpétrer un massacre."

La Répression

Le gouvernement français sur ordre de de Gaulle, chef du gouvernement français provisoire, (2) lance l'armée forte de 2.000 soldats, dans une répression violente contre la population. La marine (11 navires) et l'aviation, de conserve, bombardent au hasard certains douars autours de Sétif. Ces troupes viennent de la Légion étrangère, des tabors marocains qui renâclent, tirailleurs sénégalais et algériens. L’armée est en sous effectif en cette période de guerre, aussitôt des milices se forment sous l'œil bienveillant des autorités et se livrent à une véritable chasse aux arabes (3) dans un déchaînement de folie meurtrière. Des prisonniers de guerre allemands et italiens sont libérés et armés pour participer à une répression atroce et disproportionnée, tant la peur d’une révolte générale était grande.

Après le 11 mai, rébellion matée, la répression continuait. A Guelma, petite ville du Constantinois, le sous-préfet à la tête d’un milice fusille 24 habitants à la mitrailleuse. Lorsqu’enfin le gouvernement intervient, les corps seront brûlés dans des fours à chaux. Vingt-huit accusés convaincus de participations directes à ces assassinats et à des viols, ont été condamnés à mort, mais aucun d’eux n’a été exécuté. Pour des raisons électorales et de la situation macro-économique, sociale et internationale de cette époque, les assassins furent graciés. Dans les gorges de Kherata on jette du haut du pont, par grappes, des prisonniers attachés avec des barbelés. L'armée française exécutera à la même époque 47 citoyens algériens d'Amoucha, le lieu où un siècle plus tôt le général Sillègue avait combattu le dernier Bey de Constantine.

Le 19, De Gaulle inquiet nomme alors un commissaire le général de gendarmerie Tubert, résistant, membre de l’Assemblée consultative provisoire, dans le but d’enquêter sur les évènements. Mais sera tenu sur le banc de touche. La répression prendra fin officiellement le 22 mai et des officiers exigent la soumission publique, à genoux, des derniers insurgés sur la plage des Falaises, non loin de Kherrata et qu'ls répetent en chœur : « Nous sommes des chiens et Ferhat Abbas est un chien'

Ce terrorisme d’Etat qui causa la mort d'un nombre indéterminé de civilsd'Algériens, dans une fourchette allant de 1500 morts algériens, 109 du côté français, chiffres officiels de l'époque. Des rapports américains et des historiens français parlent de 8.000 à + 20.000 morts, les autorités Algériennes elles, parlent de 45.000 morts. Seul est connu aujourd'hui avec certitude le nombre de morts côté européen : 86 civils et 16 militaires.

Il va de soi que des témoignages "pro-algérie française" sont plus nuancés en minimisant les actions de l'armée, exemplaire dans sa retenue, mais sans pouvoir expliquer le nombre de victimes indigènes.Voici un extrait du communiqué du Gouvernement Général du 10 mai : « Des éléments troubles, d'inspiration hitlérienne, se sont livrés à Sétif à une agression armée contre la population qui fêtait la capitulation de l'Allemagne nazie".

L'ignorance des métropolitains

Dans la presse française on faisait semblant d'ignorer, donc dans son ensemble les continentaux ne savaient pas et parmi ceux, au courant, peu d'entre eux protestèrent contre ces massacres. Seul le professeur Henri Aboulker, grand médecin et résistant, s'éleva outre contre la tuerie des colons, réclamant certes la sanction sévère des algériens meurtriers, mais à l'issue d'une procédure légale régulière. Par là même, il dénonça surtout et sans réserve les massacres massifs et aveugles de milliers d'Algériens innocents et publie plusieurs articles dans le quotidien "Alger Républicain". Les arrestations nombreuses et iniques conduiront certains prisonniers politiques à rester en prison jusqu’à la libération en 1962.

Les conséquences

Ces massacres sont inscrit dans la mémoire collective algérienne ce qui alimenta la montée d’un nationalisme plus dur, qui débouchera sur l’insurrection de 1954. Et les nationalistes algériens considéreront ces épisodes sanglants comme une extermination systématique à caractère ethnique de tout ce qui vivait dans l’arrière pays et des vastes régions de l'est algérien, à l'abri du regard des troupes alliées. Le mot génocide n’est pas loin, incongru, mais objectivement on peut penser à un crime de guerre ou contre l’humanité.

En ce qui concerne le drame de Sétif, il faudra attendre le 27 février 2005 pour que, lors d’une visite dans cette ville, l'Ambassadeur de France à Alger, qualifie les « massacres du 8 mai 1945 de tragédie inexcusable. » Cet événement constitue la première reconnaissance officielle de sa responsabilité par la République française.

Il ne s’agit pas ici -cela peut se faire autre-part- de revenir sur les circonstances de la « Guerre d’Algérie", ou "Guerre d'Indépendance", mais de souligner que tous les gouvernements dans les mêmes situations, ces luttes pour l'indépendance, le droit pour les peuples de décider seuls de leur avenir et que les éxécutifs des pays colonisateurs, de gauche du centre ou de droite, réagissent de la même manière, par une répression féroce. Une répression représailles ou terrorisme d'Etat qu’il faut taire, nier et qui est condamné par le concert des Nations. Il est donc difficile de se repentir officiellement sans avouer, ce que refusent nos Longuet et Collard.

N.B Bien entendu mes propos sont une collation de plusieurs sources, mais qui se recoupent.

 

(1) Il réclame dès 1927 l'indépendance de l'Algérie. Fondateur du Parti du peuple algérien (PPA), du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) et du Mouvement national algérien (MNA) il fut condamné à plusieurs peines d'emprisonnement. Plus tard, il cédera au FLN son adversaire politique, la conduite des mouvements prônant l'indépendance de l'Algérie. Il se retire alors de la vie politique.

(2) De Gaulle à la tête du gouvernement provisoire, clamait quelques mois auparavant, « ll ne faut pas que l’Afrique du Nord nous glisse entre les doigts pendant que nous libérons l’Europe »

(3) Que nos braves soldats appelaient les « ratons », « pinsons » ou « merles », seul le premier vocable est resté dans le langage familier chez les beaufs racistes, les frontistes et autres pieds-noirs amers. La création d'un groupe d'autodéfense est prévue dans la loi du 10 novembre 1875 sur le régime d’obligations militaires des citoyens français d'Algérie et précisée par la loi du 27 avril 1881.Une ordonnance de novembre 1944 du gouverneur général de l'Algérie en rappelle l'intérêt en cas de troubles graves.


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