« Deux et deux font cinq »

par Yehonathan
vendredi 1er octobre 2021

Dans mon précédent article, j’évoquais l’émergence probable d’une personnalité qui bouleverserait l’échiquier politique à travers sa candidature à la prochaine présidentielle, comme l’avait fait Emmanuel Macron en 2017. Son accession au pouvoir pourrait représenter (j’emploie volontairement le conditionnel) une menace pour la stabilité de nos institutions et pour la paix sociale.

Des profils se dessinent à gauche et à droite. Ils sont, pour l’essentiel, radicaux mais ne constituent en aucune façon des figures autoritaires ou des héritiers d’un quelconque régime totalitaire (de type 3ème Reich ou Stalinisme). Le nom de l’un d’eux est sur toutes les lèvres. Lorsqu’on l’évoque sur les plateaux de télévision, dans les colonnes de journaux ou lorsqu’il est invité dans un média, les audiences grimpent de façon substantielle (exemple : le 11/09, une part de marché en hausse d’environ 5 points pour l’émission « On est en direct » par rapport à la semaine précédente)

Ses propos bousculent. Pourtant, il devrait être appréhendé pour ce qu’il est : une réponse de l’opinion publique aux sentiments de déni, de ressentiment et de culpabilité qui traversent notre pays. Un pays dont une frange de la population nie le réel et préfère l’autoflagellation à la co-construction (ex. : la blanchité de la cuisine française) quand une autre se prépare à un conflit entre communautés (ex. : gilets jaunes vs bourgeoisie des grandes métropoles).

Le rejet du système actuel et la défense de concepts ultra-conservateurs s’expriment dans les urnes (51% d’abstention aux élections législatives en 2017 ; 60% aux municipales en 2020) et dans les sondages.

En dépit de ces éléments, on ne peut plus factuel, le refus de l'évidence est flagrant. Je n’évoquerai pas l’émission de Laurent Ruquier et Léa Salamé, tant elle a été commentée. En revanche, il est intéressant de constater qu’en lieu et place d’un travail d’analyse poussée, les chroniqueurs et convives de « C à vous » (10/09/21) optent pour une séance de thérapie collective.

Ils ont trouvé, dans l’ancien chroniqueur de CNews, la personnification d’une idéologie partagée par une partie importante des français, qu’ils ont choisi de marginaliser. Elle progresse à vitesse exponentielle. Il est possible de l'endiguer, et ce, en apportant des solutions appropriées, acceptables par l'ensemble de la population, à la crise sociale et identitaire qui la précède.

Les participants réunis autour de la table d’Élisabeth Lemoine, ont choisi une autre voie.

Jean Michel Aphatie compare Eric Zemmour à Jean Marie Le Pen. Il opère donc un parallèle entre un homme politique ayant qualifié les chambres à gaz « de détails de la seconde guerre mondiale » avec un journaliste d’origine berbère et de confession juive. Que dis-je ? Il considère qu’« Eric Zemmour c’est Jean-Marie Le Pen en pire ». Oui. Vous avez bien lu.
Ce n’est pas terminé. Un invité (Thomas Legrand pour ne pas le citer) s’adonne à un exercice de distorsion de la réalité. Premièrement il compare l’audimat d’une chaine d’information en continue avec celui d’une émission de divertissement sur une chaine du service public (ou de stations radiophoniques), faisant fi de la distribution des audiences, généralement favorables aux canaux historiques (chaines pré-TNT et radios). Deuxièmement il se focalise sur ce seul score et inhibe (volontairement ?) l’effet « Zemmour », à savoir la multiplication par dix du nombre de spectateurs de Face à L’info.

Personne ne tente de comprendre l’origine de la popularité de l’ancien chroniqueur d’ « On n’est pas couché ».

C’est une erreur. En adoptant leur point de vue, l’expansion des idées défendues par ce dernier devrait être traitée comme l’expression d’un mal-être. Dans ce contexte, le seul moyen d’éclairer l’opinion publique est d’établir un diagnostique qui permettra de caractériser les causes de ce mal-être et de trouver un remède.

Ces causes ne manquent pas (et sont parfois liées) : (i) fragmentation de la société (cf l’archipel français) ayant pour conséquence l’émergence de mouvements racialistes (à gauche et à droite), (ii) croissance du traffic de stupéfiant (augmentation de 18% des saisies de résines de cannabis entre 2017 et 2018) associée à une violence endémique ou encore (iii) chute du niveau scolaire marquée, entre autres, par une faible maitrise de la langue française (PIRLS 2016).

Autant de facteurs (la liste n’est pas exhaustive) qui mériteraient, si ce n’est une évaluation profonde, au moins d’être cités. Et pourtant pas un mot !

L’équipe de « C à vous » (10/09/21) s’enfonce un peu plus dans ce qu’Orwell aurait qualifié de « deux minutes de la haine » pour se convaincre que « 2+2 font 5 ». Elle ignore les intentions de votes en faveur d’Eric Zemmour et l’inquiétude qu’illustre un tel réservoir de voix (environ 7% courant septembre sans déclaration officielle soit le score estimé pour Jean-Marie Le Pen en septembre 2001 ; E.Zemmour est aujourd'hui à 13%).

C’est justement ce refus d’accepter le réel qui pourrait permettre à ce type de personnalité d’accéder au pouvoir… en cas de candidature.

 


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