Diagnostic de Performance Energétique : l’inquiétude des propriétaires

par Desmaretz Gérard
jeudi 9 février 2023

Depuis le premier janvier 2023, les logements qui présentent un DPE G+ (consommation supérieure à 450 kWh/m²/an) sont interdits à la location. En 2025 ce sera le tour des logements catégorie G, mesure qui devrait s'étendre aux logements classés F en 2028, puis aux logements classés E en 2034. Les copropriétaires, propriétaires de maisons individuelles et bailleurs sociaux s’interrogent. Faut-il remplacer les fenêtres, isoler les murs, la toiture, changer la chaudière, installer un chauffe-eau thermodynamique, réduire la hauteur sous plafond, remplacer les sols par une chape flottante isolée ou vendre ?

Le DPE évalue la consommation d’énergie pour le chauffage, l’eau chaude, la climatisation, l'éclairage, la ventilation, le type d’énergie (gaz, électricité, fioul, bois) et la quantité de gaz à effet de serre émise. Le DPE doit être fourni au locataire lors du renouvellement de bail, même s'il s'agit d'une chambre chez l'habitant. Le locataire ne peut obliger le propriétaire à réaliser des travaux d’amélioration énergétique ni le copropriétaire à en augmenter le loyer.

Selon l'étude d'Hello Watt qui a comparé la consommation d’énergie des compteurs Linky et Gazpar avec leur bilan DPE de l'Ademe : « 71 % des bilans seraient inexacts. 40 % des logements comportent une classe d'écart, et 31 % au moins deux, voire trois classes d'écart ! (...) Plusieurs causes peuvent expliquer ce problème de fiabilité, comme le manque d’informations sur le bâti, l’usage du logement qui aurait un impact sur la consommation bien plus élevé que ses caractéristiques thermiques, et le manque d’encadrement et de formation des diagnostiqueurs, éléments déjà mis en avant dans les autres études, comme celle d’UFC que choisir ».

Le calcul du DPE « 3CL » (Calcul de Consommation Conventionnelle des logements) entrée en vigueur le 1 er juillet 2021 prenant en compte la consommation d’énergie primaire du bien (exprimée en kWhep/m²/an) et ses émissions de gaz à effet de serre en lien avec la consommation d’électricité (exprimée en kgeq CO2/m²/an) contenait une erreur. De nombreux DPE réalisés pour des logements construits avant 1975 ont ainsi obtenu une note très basse faisant de ces biens des passoires thermiques F ou G. Une correction a été apportée au Journal officiel du 14 octobre 2021, et le barème de notation a été modifié avec une graduation de l’échelle des classes énergétiques de 70 à 420 kWhep/m²/an. L’obtention d’un DPE classe A est passée de 70 à 50 kWh/m²/an, par contre, le DPE classe G est plus sévère avec 420 au lieu de 450 kWhep/m²/an !

Le DPE réalisé à partir du 1er novembre 2022, valable dix ans, fusionne le DPE et le GES et est opposable. En cas d’erreur préjudiciable, l'acheteur ou le locataire peut se retourner contre le vendeur ou le propriétaire. Le DPE doit être effectué par un professionnel certifié ayant souscrit une assurance. Le diagnostiqueur doit vérifier : le bâti, la qualité de l’isolation, les fenêtres, le système de chauffage, les combles, mesurer les surfaces, calculer les volumes, vérifier la consommation énergétique du logement, prendre en compte les logements mitoyens (pas de déperdition de chaleur venant des murs, plafonds et sols), et des logements non mitoyens donnant sur l’extérieur (déperditions). Les départements sont répartis en zones climatiques selon la hivernale (Réglementation Thermique du 28 décembre 2012) : zone H1 départements de l’Est et du Nord (climat semi-continental) - zone H2 les départements de l’Ouest (climat océanique) - zone H3 pourtour méditerranéen (climat méditerranéen). Les données saisies sur l'ordinateur sont traitées par un logiciel agrée qui délivre la note A à G, une copie est adressée à l'Adème.

Les diagnostiqueurs disposent de marges d'appréciation des pertes et des rendements. Deux diagnostiqueurs ne trouveront pas exactement les mêmes résultats. Comptez environ deux heures, et entre 100 et 250 € par logement (Faire établir plusieurs devis). Le fonds de travaux Allur (5 % du budget prévisionnel) peut être affecté au DPE. Les propriétaires peuvent télécharger un logiciel gratuit DPE3CL afin de procéder à une évaluation sommaire du bilan énergétique et climatique de leur logement.

Une note défavorable ne contraint pas toujours son propriétaire à faire des travaux pas plus qu'elle ne l'empêche de proposer son bien à la location ni à la vente. Le décret d’application de la loi Climat & résilience se base sur l'énergie consommée et facturée à l'occupant, consommation en énergie finale. Les étiquettes énergie (A à G) sont calculées selon la quantité d’énergie nécessaire à la production de l’énergie finale (consommation d’énergie primaire). Pour le gaz ou le fuel, la conversion entre énergie primaire et énergie utile est égale à 1 (l'énergie puisée dans l'environnement est consommée pour se chauffer). « Pour produire de l’électricité, d’autres énergies primaires sont utilisées et peuvent engendrer des pertes : dans ce cas, il y a une différence entre consommation d’énergie primaire et finale, qui peut générer un changement de classe de DPE. Pour utiliser 1 kWh, on considère qu’il a fallu en produire 2,30. Un logement de 35,51 m2 (loi Carrez) dont l’énergie est 100 % électrique est classé G à 428 KWh/m2/an en énergie primaire, mais sera considéré comme D en énergie finale (6 608 kWh / 35,51 m2 = 186 kWh/m2/an  » (Guy Hoquet Immobilier). La consommation utile est égale à 428 KWh/m2/an / 2.3.

L'isolation thermique extérieure consiste à recouvrir la façade du bâtiment d'un matériau isolant. L'isolation n'étant pas interrompue au niveau des planchers, les ponts thermiques sont supprimés, et évite la perte de surface utile ou Carrez (environ 1 m2 par mètre linéaire). L'ITE n'est pas adaptée à tous les bâtiments, des exonérations peuvent être invoquées pour des raisons techniques ou juridiques, ou s'il existe une disproportion manifeste entre ses avantages et ses inconvénients de nature technique, économique ou architecturale. L'ITE est déconseillée pour les constructions en pierre, bois, pisé, ou plâtre, matériaux qui nécessitent de « respirer » (perméabilité à la vapeur d'eau) pour assurer leur régulation thermique et contribuer à la solidité et à la conservation du bâtiment. Dans ce cas, faire établir un certificat technique par un architecte précisant le matériau de construction de l'immeuble, document opposable aux services d'urbanisme.

Quid des bâtiments en pierre sur la façade principale et en brique ou béton sur l'arrière. Seule cette dernière est soumise à l'obligation des travaux. Il est nécessaire alors de s'assurer que le coût de l'isolation n'en excède pas le bénéfice. Autres cas de figure, les premiers étages d'un immeuble en pierre construits en 1920 avec surélévation en béton des étages 4, 5 et 6° en 1950. La partie supérieure est seule concernée à condition que les parois extérieures représentent plus de 50 % hors ouvertures. La présence de grandes baies pouvant venir modifier le ratio et constituer une exonération.

Des dérogations au DPE sont possibles : Monuments classés - immeubles ou façades protégés - secteurs sauvegardés - immeuble signalé au Plan local d'urbanisme - œuvre architecturale originale - constructions provisoires durée d’utilisation inférieure à deux ans - bâtiments à usage agricole, artisanal ou industriel - lieux de culte - logements à la vente ne disposant pas de système de chauffage fixe ou seulement d'une cheminée à foyer ouvert - bâtiments dont la température normale d’utilisation est inférieure à 12 °C (chambres froides, morgues), site classé à l'UNESCO.

L'immeuble est concerné ? il faut en établir précisément les limites. Article L. 113-5-1 « Le propriétaire d'un bâtiment existant qui procède à son isolation thermique par l'extérieur bénéficie d'un droit de surplomb du fond voisin de trente-cinq centimètres au plus lorsqu'aucune autre solution technique ne permet d'atteindre un niveau d’efficacité énergétique équivalent ou que cette solution présente un coût ou une complexité excessifs ». Ce droit est limité à une épaisseur de 35 cm et à partir de deux mètres de hauteur au-dessus du sol. Tout débordement oblige à des aménagements juridiques : indemnité (annuelle, forfaitaire, contrepartie), acte notarié et enregistrement au fichier foncier. Le fond voisin doit être averti par LRAR six mois avant les travaux. La catastrophe esthétique est programmée avec la généralisation de l'isolation extérieure des maisons en polystyrène crépi jaunâtre dans toutes les zones non protégées (Christophe Demerson, président de l’UNPI).

La loi Climat & résilience, août 2021, oblige les copropriétés à mettre en place un projet de plan pluriannuel de travaux (actualisé tous les 10 ans) et à réaliser un DPE collectif (parties privatives et parties communes). La date d'entrée en vigueur du PPPT et du DPE collectif dépend du nombre de lots composant la copropriété :

01/01/ 2023 : obligation de réaliser le PPPT pour les copropriétés de plus de 200 lots ;

01/01/2024 : réalisation du PPT pour les copropriétés entre 50 et 200 lots, et un DPE pour celles de plus de 200 lots ;

01/01/25 : réalisation du PPPT pour les copropriétés de moins de 50 lots, et un DPE pour celles entre 50 et 200 lots ;

01/01/2026 : obligation de réalisation d'un DPE pour les copropriétés de moins de 50 lots.

Attention ! les DPE établis avant le 01/01/2018 sont à refaire, et ceux entre 01/01/18 et le 30/06/21 restent valables jusqu'au 31/12/24.

La résolution portant le PPPT détaillant les travaux collectifs à mener au sein de la copropriété sur 10 ans doit être soumis par le syndic aux copropriétaires lors de la première assemblée générale qui suit la conception du projet. Les travaux prescrits doivent être inscrits dans le carnet d'entretien de l'immeuble, et chaque copropriétaire doit payer 2,5 % des travaux adoptés. Le copropriétaire qui vote contre la résolution de travaux peut en échelonner le paiement sur 10 ans ! Les travaux de conservation, d'entretien, d'amélioration sont déductibles des revenus fonciers.

Certains syndics arguant l'élaboration du PPPT proposent le Diagnostic Technique Global. Le DTG comprend le DPE collectif, une étude énergétique, l'analyse architecturale, les améliorations patrimoniales, la liste des travaux à la conservation de l'immeuble. L'intervenant doit être titulaire d'une formation bac +3 (niveau licence) et attester de son impartialité vis-à-vis du syndic. Le diagnostiqueur visite rarement tous les appartements d'une copropriété, mais seulement les plus représentatifs ! Le rapport provisoire doit être présenté au syndic et au conseil lors d'une réunion intermédiaire obligatoire. Au Conseil syndical de rester vigilant sur le choix du prestataire, certains y englobent des prestations inutiles : termites, mérule, etc. Prix moyen du DTG pour une copropriété de vingt lots, environ 3.000 euros.

Les articles R.131-28-7 et R 131-28-9 du code de la construction et de l'habitation obligent la copropriété, lors de travaux de ravalement ou de réfection de toiture, à embarquer l'amélioration énergétique. Ces travaux doivent être votés à la majorité de l'article 24. Si l'AG donne pouvoir au syndic deux résolutions s'imposent.

En France l’État taxe les fourmis pour nourrir les cigales et les criquets : impots, charges non récupérables, assurance loyers impayés, encadrement des loyers, TVA, permis de louer (résidence principale louée vide ou meublé située dans une zone définie), etc. Tous les propriétaires ne sont pas des nantis, pour certains cela représente les économies de toute une vie ! Un septuagénaire hérite du deux pièces de ses parents au décès de sa mère, montant du loyer espéré 620 euros/mois. Le devis pour l'isolation par l'intérieur se monte à 30.000 euros avec une perte de trois mètres carrés, soit cinq années pour atteindre le point mort sans calcul à euros constants et sans les charges. « On ne peut pas faire peser le poids de la rénovation énergétique sur les seuls propriétaires immobiliers déjà surtaxés par une hausse historique des impôts locaux. (...) L’impact de la rénovation énergétique touchera tout le monde : propriétaires et locataires ! Entre les biens retirés du marché locatif et les loyers à la hausse pour compenser les frais liés à la rénovation, il n’y aura aucun gagnant ! » (UNPI). Une remarque, une correction, une précision, un retour d'expérience ?

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