Djian : moi, féministe

par Orélien Péréol
samedi 1er septembre 2012

La couverture des Inrockuptibles de ce mois montre Philippe Djian qui tient ce propos « moi, féministe ». On peut relier la formulation « moi, féministe » à la tirade de François Hollande, « moi président » la suite indique donc ce que signifie être président ou être féministe. Ce qu’on lit dans l’interview est assez intéressant.

La définition du féminisme arrive dans la bouche de l’intervieweuse. Nelly Kapriètan : "Autour de Michèle (l'héroïne du livre), tous les hommes sont pathétiques. On peut lire votre roman comme un texte féministe contre la veulerie des hommes." Ainsi donc le féminisme est la lutte contre la veulerie des hommes. La réponse de Djian est à la hauteur de cette belle moralité. Philippe Djian : "Les mecs sont assez minables, en général. Ils sont très basiques."
La suite n’est pas meilleure pour les hommes. Philippe Djian : "Michèle pourrait-elle raconter son viol à des flics qui pourraient se comporter comme des connards." Philippe Djian n'envisage pas que les flics se comportent de façon compréhensive ou empathique. Tout comme s'il n'existait pas d'homme généreux et empathique. Il faut donc rajouter connard à la liste des insultes commencées avec pathétiques, veules, minables, basiques.
 
Philippe Djian a répété ce genre d’appréciations sur France-Inter, à plusieurs reprises http://www.franceinter.fr/emission-on-va-tous-y-passer-philippe-djian-et-jean-didier-vincent-musique-superbus-philippe-biancon : vers 7’ « les femmes sont mystérieuses, les hommes sont pas mystérieux. Les hommes c’est vraiment des types simples et EEEEEE (un son que je ne sais pas vraiment transcrire) alors que les femmes, y a toujours ce truc intéressant. » Vers 19’30’’ : « les mecs pour moi, c’est foot, vestiaire, grosses blagues et tout ça, ça m’intéresse pas du tout. ».
Le portrait des femmes dans les Inrockuptibles : "Les femmes sont très secrètes. Ce sont les femmes qui lisent le plus. Cette sensibilité m'attire, je la sens en moi. J'ai un vrai côté féminin et j'ai envie que ce soit celui-là qui parle. Michèle est libre, intelligente, forte mais seule. Son mari est antipathique, son fils est pénible, son amant est un con..." Bien entendu, dans cette belle division entre le bien et le mal, Ph Djian s’attribue à lui-même une grande part du bien, c.-à-d. de la sensibilité, féminine.
 
Que Michèle, son héroïne, soit seule, malgré toutes ses qualités intrinsèques, parait bien obligé puisque les hommes sont cons, pénibles, antipathiques, connards, pathétiques, basiques, minables, veules (par ordre inverse d’apparition de ces mots fins et subtils).
Dans cette même idéologie de violence envers les hommes, un film de Sofie Peeters, femme de la rue, est paru il y a quelques semaines avec l'intention affichée de combattre des violences faites aux femmes. Un des problèmes de l’auteure est que ce film accable en même temps que l'ensemble des hommes, la communauté maghrébine... Voilà comment elle l’exprime : « C'était une de mes grandes craintes, comment traiter de cette thématique sans tourner un film raciste ? Car c'est une réalité : quand on se promène à Bruxelles, 9 fois sur 10, ces insultes sont proférées par un allochtone. Mais ces personnes ne sont pas représentatives de toute la communauté maghrébine. » Elle est belge, allochtone est un mot du français belge qu’on comprend bien.
Sofie Peeters fait involontairement un aveu considérable : on ne peut pas moralement, juridiquement, politiquement accabler les maghrébins parce que ce serait être raciste. En revanche, on peut tout-à-fait accabler l’ensemble des hommes, tant du point de vue de la morale, que du point de vue de la justice (l’égalité des hommes, et ministère de la justice), et que du point de vue politique. Je reprends ce qu’elle dit : « ces insultes sont proférées par un allochtone. Mais ces personnes ne sont pas représentatives de toute la communauté maghrébine. »
Par conséquent, ces allochtones qui ne représentent pas la communauté maghrébine représentent la communauté masculine !
 
Le progrès de Lyon par exemple titre : « « salope », « chienne » : un film dénonce le quotidien des insultes faites aux femmes ». Vous avez bien lu : Aux femmes, à l’ensemble des femmes. Les insultes, dans le titre. Si vous n’avez pas le temps de lire l’article, vous avez « appris » que toutes les femmes sont insultées comme ça tout le temps.
La RTBF (Radio Télévision Belge Francophone) écrit : « Le film raconte le machisme au quotidien. Et le terrible recul de la liberté des femmes en plein cœur de l'Europe. » Rien de moins. Le recul de la liberté ! Rien de moins ! Pour toutes les femmes ! Toutes ! En plein cœur de l’Europe ! Et c’est raconté. Pas de doute. Pas de débat. C’est raconté, pour ainsi dire montré.
A la fin de l’émission de France-Inter, Ph Djian doit dire pourquoi « on » dit que son roman est politiquement incorrect : « Parce qu’il faut pas parler de ça. On m’a dit : les féministes vont te tomber dessus… pas du tout…j’les rencontre tous les jours et ça passe bien… »
Dire du mal des hommes est le seul discours politiquement correct sur le sujet des rapports hommes-femmes. C’est le seul qui ait pignon sur rue, qui soit publié, diffusé…
C’est le renoncement à notre civilisation et à 2000 ans d’Histoire qui nous ont amené à considérer chacun comme égal juridiquement moralement politiquement d’un autre.
Le livre de Djian, apparemment, est déjà un succès, alors que la trahison de nos idéaux que ce livre expose devrait, au contraire, provoquer le rejet indigné.
 
Il est urgent de faire cesser cette idéologie de haine, de violence, de généralités abusives, odieuses, interdites et condamnées partout ailleurs dans notre vie commune publique. Il est urgent de bâtir le féminisme, un chemin vers l’égalité réelle entre les hommes et les femmes. Il nous faut un féminisme partagé.

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