Djihadistes : leur retour en France est-il souhaitable ?

par Daniel MARTIN
vendredi 1er février 2019

Permettre le retour en France des 130 à 150 djihadistes Français égorgeurs de Daech qui sont actuellement aux mains des Kurdes ne signifie pas pour autant la fin de la présence de djihadiste Français en Syrie. Avec une politique des retours qui s'imposerait également, nous aurions de véritables bombes humaines sur le territoire. Est-ce acceptable ? peut-on faire autrement ?

Sachant par ailleurs que l'on compte actuellement 232 revenants, on imagine ce qui peut arriver à l'issue de l'incarcération de ces individus on sait qu'Ils sont environ 150 sous les verrous, dont une vingtaine de femmes et huit mineurs. À cela, il faut ajouter un peu plus de 300 détenus libérables repérés comme radicalisés et susceptibles de passage à l'acte violent. Leur sortie de prison, particulièrement sensible, implique largement les services de renseignements, à commencer par le BCRP (Bureau central du renseignement pénitentiaire). De la transmission de dossiers rigoureux aux services de renseignements comme la DGSI dépend l'efficacité de la surveillance de ces détenus radicaux ou condamnés pour terrorisme et qu'il est hors de question de laisser dans la nature.

On peut comprendre que pour les pour les Kurdes, la gestion de 900 prisonniers étrangers qu'ils détiennent actuellement, dont 130 à 150 Français avec femmes et enfants est un fardeau. Ils doivent non seulement les nourrir, mais également les garder, ce qui mobilise de nombreux combattants. On sait d'ailleurs que depuis le retrait Américain les Kurdes avaient menacé d'en relâcher, si les Occidentaux ne les récupéraient pas, d'une manière ou d'une autre.

Après l'annonce du retrait Américain une situation inconfortable pour les Kurdes

Il est évident que désormais avec le retrait Américain, les Kurdes se trouvent dans une situation totalement différente à l'été 2017. Selon des sources émanant des "Forces Démocratiques Syriennes" ( FDS : https://fr.wikipedia.org/wiki/Forces_d%C3%A9mocratiques_syriennes ) lors des premières discussions avec le régime Syrien, alors que Damas avait proposé aux Kurdes de se débarrasser de djihadistes étrangers en leur en remettant quelques-un, forts du soutien de 2000 soldats américains et 200 Français, ils avaient refusé.

Aujourd'hui Affaiblis par le retrait annoncé des Américains, les Kurdes n'ont plus qu'une marge de manœuvre réduite face à Damas avec lequel ils sont contraints de négocier, via la Russie, leur retour dans le giron syrien pour se protéger d'une offensive militaire Turque. La Turquie de Recep ERDOGAN considère les forces Kurdes comme organisation terroriste et les accuse d'être une émanation du Parti des travailleurs du (PKK) qui est en lutte armée avec l'État turc. L'aviation turque a ainsi bombardé plusieurs fois les Kurdes afin de stopper son avance le long de la Frontière Turco-Syrienne. Le pouvoir Turc craint en effet qu'un Kurdistan syrien autonome ou en cours de constitution devienne une base arrière du PKK à partir de laquelle cette organisation lancerait des attaques armées sur la Turquie.

La France doit comprendre qu'avec le retrait Américain, il y a désormais en Syrie une nouvelle situation qui modifie les rapports politiques avec Bachar Al-ASSAD

Un exemple avec les Émirats Arabes Unis, qui viennent de rouvrir leur ambassade à Damas et jouent les interfaces entre l'ennemi Saoudien et le Président Syrien. Par ailleurs, dans sa dernière interview samedi à chaîne libanaise al-Mayadeen, cheikh Hassan NASRALLAH, le chef du Hezbollah, allié de Bachar El-ASSAD, a révélé que plusieurs responsables sécuritaires arabes ont déjà refait le « chemin de Damas » et que des Kurdes étaient venus le voir, peu après l'annonce du retrait américain de Syrie. Ce qui hier semblait impossible, actuellement le chef des services sécuritaire syrienne, Ali MAMLOUK, vient de se rendre en Arabie saoudite, pourtant longtemps très fortement hostile à Damas (l'Arabie Saoudite est Sunnite salafiste, alors que le régime Syrien est Chiite Alaouite allié de l'Iran). Il est vrai qu'avec plus de 5000 hommes, les Saoudiens sont le premier contingent d'étrangers partis, depuis 2012, au djihad en Syrie et en Irak. Si beaucoup sont morts, d'autres sont emprisonnés aux mains du régime Syrien, et d'autres enfin sont encore en vie dans la province d'Idlib. On peut comprendre que l'Arabie Saoudite ne souhaite pas leur retour et que la seule façon de les neutraliser c'est qu'ils soient remis au régime de Bachar EL-ASSAD.

Pour neutraliser les djihadistes étrangers, Damas maîtrise le jeu

À l'issue de combats en fin d'année dernière contre les dernières poches de Daech près de la frontière irakienne, des djihadistes étrangers, capturés par les miliciens chiites irakiens et iraniens, ont été ensuite remis aux services de sécurité syriens. C'est ce que confirme un diplomate onusien, en charge du dossier syrien, ainsi que le Figaro qui indique, selon ses sources proche des combattants Arabo- kurdes : « ceux-ci en ont également discrètement remis au régime syrien dans les combats près de la frontière irakienne ». le pouvoir syrien aurait en effet capturé des djihadistes étrangers, dont des Français, selon plusieurs sources concordantes. Une détention embarrassante pour de nombreux pays, poussés à reprendre langue, au nom de la lutte antiterroriste, avec un régime qu'ils avaient trop hâtivement enterré.

Imaginons que Damas laisse repartir quelques djihadistes dans chacun de leur pays d'origine, ceux-ci n'hésiteraient pas à créer des cellules dormantes et l'on peut imaginer la suite. C'est pourquoi, actuellement, excepté la France, les pays concernés semblent préoccupés par la meilleure façon de les neutraliser et cela en reprenant une coopération sécuritaire avec le pouvoir syrien.

Inacceptable politique étrangère de la France dans la région

En réduisant la France au rôle de « larbin » au service de la politique étrangère chaotique Américaine et des humeurs de son Président, Emmanuel MACRON chausse les bottes de SARKOZY, dont on se souvient de son action militaire en Libye qui, outrepassant la résolution 1973 de l’ONU, a conduit à l’élimination du régime de KADHAFI, son assassinat et le chaos existant aujourd’hui dans ce pays. Mais aussi celles de HOLLANDE qui, en moins de 10 ans, ont fait de la France un nain politique sur la scène internationale.

Alignée inconditionnellement de la politique internationale de la France sur celle des USA, l'exemple le plus caricatural fut le 14 avril 2017 à 3 heures, lorsque les avions "Rafale et les missiles de croisière navals MdCN", d’une portée de 1 000 km frappèrent le territoire syrien. Emmanuel MACRON avait décidé solitairement d’associer la France à des frappes militaires Américaines et Britanniques unilatérales en Syrie, hors du cadre d’une résolution de l’ONU. Il avait Cependant affirmé au début de son mandat, concernant le terrorisme islamique et la Syrie, que : " l’ennemi à combattre c’était le terrorisme islamique de Daech et malgré tout ce que l’on pouvait reprocher à Bachar Al ASSAD, il était incontournable pour un règlement politique de la situation en Syrie".

Curieuse façon de combattre le terrorisme Islamiste et considérer que "Bachar Al- ASSAD était incontournable pour un règlement politique de la situation en Syrie", ce qui implique le dialogue. Or, quand un ou plusieurs pays, sans aucun mandat des Nations Unies, procèdent soudainement et brutalement à des bombardements par avions et missiles de croisière navals sur un pays, quel que soit le motif évoqué, c’est bien d’une déclaration de guerre dont il s’agit.

Pour les organisations criminelles djihadites de Daech, Al Quaïda Boko Aram et d’autres, ainsi que pour leurs recruteurs, l’intervention militaire Française et ses allies Anglo- Américains était plutôt une chance inespérée d’affaiblissement du régime ASSAD, au moment où régions après régions en Syrie ils sont vaincus ?…

Par sa politique d'hostilité chronique au régime Syrien et l'intervention militaire de 2017, Emmanuel MACRON avait-il pensé aux conséquence pour notre pays ?

Par sa politique de combat du régime Syrien avec cet acte délibéré et illégal d’agression militaire, le Gouvernement Français avait-il pensé aux effets produits auprès des jeunes musulmans « apprentis djihadistes » en désir de partance pour la Syrie ?

En intervenant par des bombardements en Syrie contre le régime de Bachar AL ASSAD n'a t-il pas pris le risque d’encourager involontairement tous ces jeunes musulmans « apprentis djihadistes » des banlieues pour aller faire leur « djihad » en Syrie ? Comment ont-ils perçu le message ? Ne considèrent -ils pas qu’en allant combattre le régime de Bachar Al-ASSAD, ils peuvent ainsi bénéficier d’une forme de soutien moral discret des autorités Française puisqu’il est également l’ennemi de leur ennemi ?...

Avec cette intervention militaire illégale de la France en Syrie, la tâche des magistrats qui doivent juger en pénal des terroristes islamiste qui reviennent de la zone Irako-Syrienne Syrie ne sera guère facilitée. On peut imaginer les avocats chargés de défendre ces individus, faire valoir le fait que s’ils sont allés combattre en Syrie, ce sont les mêmes que nous combattons également et dès lors que le Président de la république viole le Droit international pour bombarder la Syrie avec des victimes, ce qui paraît inévitable, comment pourrions-nous condamner des citoyens qui, à titre individuel, font la même chose ?...

L'hostilité de la France à l'égard du régime Syrien expliquerait-elle la clémence des sanctions à l'égard de terroristes Islamistes ?

Depuis SARKOZY et ensuite HOLLANDE, la France n'a cessé d'affirmer une politique d'hostilité à l'égard de la Syrie. La France avec FABIUS, alors Ministre des affaires étrangères, n'avait pas hésité d'armer les criminels islamistes du front Al-Nosra, filiale d'Al-Qaïda, au prétexte "qu'ils étaient efficaces contre Bachar Al-ASSAD" (déclaration faite en Décembre 2012 au Maroc et confirmé à l'assemblée nationale à une question qui lui était posée par l'opposition)

Est-ce la raison pour laquelle que plusieurs dizaines de détenus, souvent partis sur zone Irako -Syrienne dès les années 2012-2014 et généralement interpellés avant la vague d'attentats de 2015 et 2016, ont été condamnés à des peines relativement faibles. En 2019, ils constitueront un peu plus de la moitié de la trentaine de libérables.

Avec le retour " humanitaire" des djihadistes actuellement détenus par les Kurdes on expose dangereusement le pays au terrorisme Islamique de Daech, cela est inacceptable. Si les terroristes Islamiques de Daech, Al-Qaïda et consort on perdu les batailles militaires, ils n'ont pas perdu le combat religieux et restent fidèle à l'interprétation de la période Médinoise, politique et violente de l'islam contenue dans le coran.

Les Djihadistes Français doivent être remis aux autorités des pays où ils ont sévi

Peut-on imaginer qu'un terroriste Belge Anglais, Allemand, Israélien, ou autre, ayant sévi en France et fait de nombreuses victimes, ne soit pas jugé en France, mais remis aux autorités de ce pays et réciproquement ... Un exemple : le terroriste Islamiste Français Mehdi NEMMOUCHE qui est accusé des quatre assassinats commis en 2014 au Musée juif de Bruxelles est bien jugé en Belgique et non en France pour ces actes, ce qui est logique.

Il faut se rendre à l'évidence, en plus des 130 à 150 djihadistes détenus par les Kurdes, on estime qu'au moins une centaine d'autres, femmes et enfants compris, seraient encore dispersés à travers le pays. Parmi eux, certains errent dans le désert à l'est, où Daech ne tient plus qu'un ou deux villages. D'autres se sont repliés dans la province d'Idlib à l'ouest, contrôlée par l'ex-branche locale d'Al-Qaida. Et d'autres, des Français ou binationaux originaires du Maghreb, seraient détenus par le régime de Damas. Ce qui n'est pas une bonne nouvelle pour la France si elle persiste à s'opposer de façon irréductible au régime de Bachar El- ASSAD. Imaginons que pour se venger de la politique Française à son égard, il en relâche quelques uns en direction de notre pays...

La France doit se ressaisir au niveau de sa politique internationale et renouer des relations diplomatique avec le régime Syrien.

Certes, Bachar Al-ASSAD n'est pas un parangon de démocratie, au sens où nous l'entendons et si son régime est réputé violent, il faut le placer dans le contexte de guerre civile qui a marqué ce pays à partir de 2011. Situation de guerre civile aidée et encouragée par les USA, ainsi que par la France.

On ne rappellera jamais assez que la prétendue « révolution du jasmin » ou celles des « printemps Arabes, ainsi que l’instrumentalisation des groupe terroristes islamistes, dont Daech, fut un scénario écrit depuis longtemps, si on se réfère à un membre influent des proches de BUSH en 2002 : …« D’abord nous devons en finir avec les régimes terroristes, à commencer par les trois grands : Iran, Irak et Syrie. Puis nous nous occuperons de l’Arabie saoudite …Nous ne voulons de stabilité ni en Irak, ni en Syrie, ni au Liban, ni en Iran ou en Arabie saoudite. Nous voulons que les choses changent. La question n’est pas de savoir s’il faut déstabiliser mais comment le faire.   » (The War against the Terror Masters (Guerre contre les maîtres de la terreur), Sept 2002, de Michael LEDEEN, membre du groupe des néo conservateurs de Georges Bush). Mais aujourd'hui et contrairement aux espoirs des pays qui voulaient faire tomber le régime Syrien, y compris en instrumentalisant les terroristes Islamistes, Bachar Al-ASSAD sort gagnant de cette guerre contre le terrorisme Islamique et devient effectivement incontournable.

La France doit en tenir compte. Cela signifie que qu'elle doit renouer les relations diplomatiques avec le régime Syrien en rétablissant les liens d'amitié et de coopération classique, cela passe par un échange d'ambassadeurs, ce qui facilitera les échanges entre les différents services de renseignements. En procédant de même qu'avec l'Irak, ça permettra de lui remettre ou lui laisser les terroristes islamistes français qui ont sévi sur son territoire, comme on le fait normalement avec d'autres Etats (le récent exemple Belge).

Pour conclure

Lorsque des Français musulmans ou convertis à l'Islam se sont engagés chez les terroristes égorgeurs de Daech en zone Irako-Syrienne ou ailleurs, au nom d'une lecture plus ou moins instruite du coran, c'est pour combattre nos valeurs et imposer les plus terribles et criminogènes règles de la "charia"... Vaincus et redoutant un traitement mettant en péril leur vie de la part des vainqueurs, ils souhaitent tout naturellement bénéficier d'un traitement conforme a nos valeurs, les mêmes qu'ils sont allés combattre. En revenant en France pour y être jugé, avec la prison qui les attend n'étant qu'éphémère, ils n'auront qu'un désir : reprendre le combat. Leur retour n'est donc surtout pas souhaitable, ils doivent être remis, ans exception aux autorités des pays où ils ont sévi.


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