Doit-on encore considérer la Turquie comme allié et partenaire économique fiable ?

par Daniel MARTIN
mercredi 28 octobre 2020

 

Par un boycott des produits Français, le chef d’Etat Turc mobilise des pays Arabo-musulmans contre la France de façon insultante et mensongère. C’est inacceptable et pose désormais la question de l’alliance politique et militaire au sein de l’OTAN, ainsi que le partenariat économique avec ce pays et ceux qui lui ont « emboîté le pas ».

Des propos inacceptables et des sanctions à la Turquie d’Erdogan s’imposent

L’attitude de Mr. Erdogan, avec sa nouvelle marotte qui consiste à tenir des propos insultants et mensongers à l’égard du Président en présentant les Français comme un peuple islamophobe, est inadmissible. Boycotter également les produits Français devrait poser le problème du partenariat commercial avec la Turquie. Mais au-delà se pose préalablement le problème de son alliance politique et militaire au sein de l’OTAN.

De même, tant qu’Erdogan sera au pouvoir de la Turquie il faut stopper également les processus d’adhésion. Avec 83 millions d'habitants en 2020, la Turquie serait le deuxième pays le plus peuplé de l'UE derrière l'Allemagne ce qui lui donnerait une place importante dans les institutions européennes où le poids démographique des États est pris en compte dans les méthodes de prise de décision ;

Il faut également que l’aide de pré-adhésion à l’UE soit immédiatement suspendue. L'aide financière que l'UE a prévu d'octroyer à la Turquie de 2007 à 2020 au titre de l'instrument d'aide de pré-adhésion (IAP) s'élève à plus de 9 milliards d'euros.

Pourquoi ne pas se passer également du parapluie militaire des USA, en mettant fin à l’OTAN et isoler, ainsi militairement la Turquie ?

Doit-on maintenir l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) ? Pourquoi ne pas profiter des exigences qu’avait exprimé TRUMP sur le financement, lorsqu’il réclamait un effort supplémentaire de ses alliés Européens et exigeait qu’ils respectent l’engagement pris en 2014 de consacrer 2 % de leur PIB à leurs dépenses de défense en 2024. Quand Ensuite, c’était 4 % du PIB qu’il leur demandait de consacrer à la défense. Une quinzaine d’Etats membres, dont l’Allemagne, le Canada, l’Italie, la Belgique et l’Espagne, étaient sous la barre de 1,4 % en 2018 et seront incapables de respecter leur parole, ce qui ulcère le président américain. Toutefois pour se rapprocher de l’objectif des 2 % de leur PIB consacrés à la défense, l’Europe et le Canada sont tenus de verser 100 milliards de dollars (85 milliards d’euros) supplémentaires en 2020.

A son arrivée au pouvoir en 2017, Donald TRUMP ne se cachait pas qu’il souhaitait que les Européens se « débrouillent » pour assurer leur sécurité et ne cessait de « marteler » que les Américains n’ont pas à financer la défense des Européens. C’est l’unique sujet que le président républicain avait soulevé à propos de l’OTAN. Ainsi, la France n’aurait-elle pas en profiter pou ressortir de l’alliance militaire Transatlantique afin créer une dynamique permettant sa dissolution  ? Ce qui aurait eu pour effet la nécessité d’une mise en place d’une vraie défense Européenne. Elle n’aurait pas forcément coûté plus cher que l’actuelle part de financement de chacun des Etats de l’UE à l’OTAN. Une défense Européenne va s’avérer de plus en plus indispensable face aux effets de la crise écologique, des problème démographique, l’immigration économique et climatique, épuisement de l’eau et des énergies fossiles à accès facile, le tout agrémenter par la progression d’un islamisme politique et violent, dont la Turquie semble très bien s’accommoder pour agresser la France...

Tant qu’Erdogan et son parti musulman de l’AKP, avec l’extrême droite fascisante, exerceront le pouvoir en Turquie, les rapports normaux avec la France (et l’UE) seront compromis.

Ne pas réagir aux propos insultants et mensongers d’Erdogan, ce serait faire preuve d’une faiblesse que l’on risque de payer cher à terme, y compris avec les autres pays Européen. On ne peut laisser ce personnage prendre tranquillement la tête d’une coalition des pays Arabo-Musulmans dans une campagne de dénigrement et de boycott des produits Français, au prétexte que par le pétrole ils peuvent imposer leur propres règles sur fond cultuel d’islamisme politique et violent. Encore faudrait-il rappeler à ces éminents défenseurs du Coran et des écrits imputables au prophète, s’il est interdit de publier un portrait de Dieu, cela ne s’applique pas au prophète, car il n’est pas un Dieu, mais un homme.

La France, avec le soutien des autres pays Européens doit s’atteler au démantèlement de l’influence Turque d’Erdogan au sein des pays du monde musulmans, notamment en jouant sur les divergences entre Sunnites et Chiites. Si par son appartenance aux « frères musulmans » Erdogan peut compter sur l’Arabie Saoudite, le Qatar, le Koweit, il n’en va pas de même avec l’Iran (même s’il appelle au boycott des produits Français), l’Irak Chiites et la Syrie chiite-alaouite. Ne pas oublier que la Turquie et d’autres pays d’islam ont plus besoin de la France et de l’UE que la France et l’UE ont besoin d’eux. Même la Turquie, dont un désengagement économique de la France, bien qu’au début cela peut poser quelques problèmes, c’est surtout la Turquie qui en pâtirait le plus, il suffit d’observer quelques chiffres ci-après.

Aider l’opposition Turque d’Erdogan et surtout éviter de faire l’amalgame avec la diaspora Turque en France et dans l’UE

Il faut rendre impossible le rêve expansionniste de la Turquie par Erdogan. L’empire Ottoman ne peut renaître de ses cendres et dans leur intérêt, c’est Mr. Erdogan que les Turques doivent faire disparaître de la scène politique, grâce à un soutien fort qu’il convient d’apporter aux partis politiques d’opposition. Contrairement à ses amis d’Arabie Saoudite ou du Qatar il ne peut empêcher l’opposition d’exister et de s’exprimer, ainsi que d’avoir de plus en plus de soutien de la population. Même si la vie de l’opposition n’est pas aisée, elle existe et a marqué le pas, lors des dernières élections municipale de 2019, en remportant de nombreuses grandes villes...

Par ailleurs, entre des sanctions politiques et économiques à la Turquie de Erdogan, et le soutien à l’opposition, la diaspora Turque en France, comme dans les autres pays de l’UE, ne doit surtout pas faire l’objet d’amalgames vindicatifs comme si on la rendait complice de la politique du chef de l’État Turc. Ce serait injuste, inacceptable et de plus offrirait des arguments à Erdogan.

Avec Erdogan, la Turquie ne peut plus être considérée comme un allié politique et un partenaire économique fiable

On peut aussi s’interroger : Mr. Erdogan, qui n’a pas eu un mot de compassion lors de l’assassinat islamiste du professeur Samuel Paty, ne traduisait-il pas de sa part une sympathie à l’égard du criminel islamiste ?... Ce n’est pas une réaction tardive de sa part qui lèvera totalement le voile. Il est vrai que Mr. Erdogan était plus occupé à réfléchir aux invectives qu’il allait adresser au président Français, auquel il préconisait « des examens de santé mentale », avant de rajouter : « Quel est le problème de cette personne qui s’appelle Macron avec les musulmans et l’islam ? ». Ces insultes teintées d’allusions mensongères islamophobes avaient été prononcées dans son discours à l’adresse des délégués de son Parti de la justice et du développement (AKP, islamo conservateur).

Par les appels au boycott des produits Français, en cas de réaction de la France n’est-ce pas, la Turquie qui risque d’en faire les frais ?

Par rapport à l’appel au boycott des produits Français de la part de la Turquie, d’après CCI- France Turquie, en 2019, si les exportations françaises en Turquie reculent pour la 4ème année consécutive, les exportations Turques en France poursuivent leur progression depuis 7 ans.

Avec un total de 5,944 milliards d’euros, les exportations Françaises en Turquie ont reculé de moins 0,7% par rapport à 2018. Le recul des postes « Construction aéronautique », moins 30,9 %, c’était le 1er poste des exportations française en Turquie en 2018 et Automobile (construction et équipements), moins 11,1%, en est la principale raison. A l’exclusion des postes « Produits chimiques divers », « Coutellerie, outillage, quincaillerie et ouvrages divers en métaux », « Déchets industriels », « Métaux non ferreux » et « Machines diverses d'usage spécifique » les autres 17 principaux postes des exportations françaises en Turquie se tiennent bien et sont tous en hausse, ce qui confirmait la reprise au dernier trimestre 2019.

Si les exportations Française en Turquie reculent depuis 4 ans, les exportations Turques en France poursuivent leur progression en 2019, et ce pour la 7ème année consécutive. Avec un volume de 8,732 milliards d’€, soit un déficit pour la France de 2,788 Milliards d’euros, les exportations Turques ont enregistré une augmentation de plus 9,0% par rapport à 2018. Et cela en raison de la hausse des 3 principaux postes d’exportation : « Produits de la construction automobile », 1er poste avec 30,9% du total des exportations turques en France, ce qui représente une hausse de 9,6% par rapport à 2018, « Articles d'habillement » 2ème poste avec 14,0%, plus 6,7% et « Appareils ménagers » 3ème poste avec 5,1% ; plus 22,3%. La France occupe le 7 eme rang des exportations Turques. A lire  : https://www.ccift.com/actualites/n/news/les-echanges-commerciaux-franco-turcs-en-2019-sont-en-hausse-de-46-par-rapport-a-2018-en-raison-de.html

La France doit se désengager de certaines dépendances économiques

Pour se désengager de la dépendance économique de la Turquie, en particulier par rapport à l’industrie automobile, vêtements, et appareils ménagers, un besoin pressant de relocaliser et chercher d’autres pays partenaires économiques s’impose désormais,. Pour les pays qui se joignent à la Turquie pour boycotter les produits Français, Arabie-Saoudite, Qatar, Koweit, la dépendance du pétrole doit également être revue à la baisse. Les économies drastiques de pétrole qui seront imposées par le prolongement inévitable de la crise sanitaire du Covid-19, avec la réduction des mobilités, et les nouveaux rapport au travail, notamment par le télétravail, ainsi que la diversification des approvisionnements, doivent y contribuer...

L’UE doit reconsidérer la politique migratoire et cesser de se plier au chantage d’Erdogan sur les immigrés qui sont sur son sol

En 2019, la Turquie abritait encore près de 4 millions de réfugiés, essentiellement syriens, sur son territoire et fait ainsi office de « frontières extérieures » de l'Union européenne. Pour cette année, l'UE va soutenir, une nouvelle fois, le régime d'Erdogan à hauteur de 485 millions d'euros, ce qui correspond à la deuxième tranche des 3 milliards d'euros de facilités convenue au titre de l'aide aux réfugiés. Depuis 2016, l'UE a consacré 1,45 milliard d'euros aux réfugiés en Turquie. Au total, 1,5 million de réfugiés en Turquie bénéficient de ce programme humanitaire. En contrepartie de ce « plan d'aide social d'urgence » les autorités turques acceptent de garder tous les réfugiés tentant d'entrer en Europe par la Grèce. Cela n’empêche pas pour autant que des vagues d’immigrés entrent quand même en Europe.

Accepter de conserver sur son sol les immigrés, essentiellement Syriens, avec une forte probabilité d’opposants islamistes djihadistes au régime d’Assad, peut ainsi être un commerce juteux pour Erdogan, son parti et ses alliés d’extrême droite fascisants.

Aujourd’hui vu la situation, c’est avec la Syrie et son gouvernement que des relations diplomatiques doivent être rétablies et un accord trouvé pour le retour des migrants Syrien sur son territoire. A charge de cet Etat de gérer leur situation conformément au Droit international. « Décharger » la Turquie du poids des migrants, dont la grande majorité doit être « retournée « à leur pays d’origine permettrait de supprimer une aide juteuse de l’UE à Erdogan.

Pour conclure

Vu les déséquilibres des échanges existant, la réaction à laquelle la France ne semble désormais pouvoir échapper, non seulement cela ne pourra qu’être défavorable à l’économie Turque, mais peut aussi conduire à des sanctions européennes à son égard. Dans l’intérêt de la Turquie, la raison devrait imposer à Mr. Erdogan un peu de retenue dans ses déclarations et agissements contre la France. Mais rassurons nous, la situation écologique, climatique et démographique, dont découle de temps à autre des pandémies telle celle du Covid-19 aura raison des ambitions d’Erdogan.

 


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