Double pandémie, Covid-19 et virus de la folie

par Régis DESMARAIS
mercredi 22 avril 2020

L’évocation d’un risque de poursuites pénales vise des médecins qui essayent de soigner leurs patients atteints du Covid-19. L’empirisme et les tentatives de soins se heurtent à la règle sacralisée des essais en double aveugle. Une sorte de folie conduit au renversement des valeurs : sauver la vie est accessoire au respect de règles pourtant inappropriées aux situations d’urgence.

Depuis la nuit des temps, l’espèce humaine tente de survivre aux éléments. Inlassablement, elle s’adapte aux circonstances et quand elle le peut, elle modifie son environnement pour le rendre moins hostile. La médecine, cet art de guérir, a laissé ses premières traces trente siècles avant Jésus-Christ. Obstinément et inlassablement, des hommes et des femmes ont tenté à toute époque de guérir en inventant et adaptant des traitements. L’empirisme, les essais, l’observation et le souci permanent d’agir, parfois vite, pour sauver une vie qui peut si facilement s’éteindre, ont été les moteurs de la médecine.

La médecine de « laboratoire »

En 2020, l’humanité est confrontée à une pandémie mondiale. Un coronavirus qui frappe rapidement les hommes et peut se montrer redoutable pour 10% des contaminés. Ce n’est pas la première pandémie, sans doute pas la dernière, mais elle est redoutable car elle n’est pas seule. Un autre virus s’est répandu sur la Terre. Un virus répandu à l’échelle planétaire depuis des décennies, un virus dormant qui n’attendait qu’une pandémie pour se réveiller et hurler aux hommes de se taire et de plier le genou. Cette autre pandémie, aux conséquences funestes, valorise le conformisme, le mimétisme et le stéréotype élevé au rang de canon sacré de la pensée, ou de ce qu’il en reste.

Aujourd’hui, les observations de terrain et l’adaptation des traitements disponibles sont jetés aux oubliettes. Une règle, une seule s’impose aux médecins et aux chercheurs : le préalable impératif et incontournable des « essais conduits avec ce qu’on appelle un système randomisé en double aveugle où ni le prescripteur, ni le patient ne savent qui est soigné et qui reçoit le placebo ». Peu importe l’urgence, peu importe la vélocité du virus, peu importe le nombre de morts. Une pandémie se répand dans le monde et les chercheurs se placent en orbite au-dessus de la terre. Ils se délocalisent en un lieu aseptisé, intemporel, hors du temps, hors des hommes, hors des souffrances. La recherche médicale se met hors de l’humanité pour procéder à des « essais randomisé en double aveugle » car aveugle doit être le chercheur, aveugle aux urgences et sourd aux souffrances.

La litanie récitée par cœur du « système randomisé en double aveugle où ni le prescripteur, ni le patient ne savent qui est soigné et qui reçoit le placebo  » est permanente et automatique. Les conséquences de cette mise hors humanité de la Recherche sont parfois étonnantes et désarmantes. Tout récemment des médecins, en contact avec leurs patients, ont essayé d’adapter leurs prescriptions pour vaincre la maladie ou du moins ralentir sa marche destructrice. Ces médecins ont testé une combinaison de médicaments auprès de patients suspectés d’être atteints du Covid-19. Ce traitement s’appuie notamment sur l’association d’un antibiotique de la famille des macrolides avec une autre molécule habituellement prescrite dans le traitement de l’asthme, et le zinc. Les résultats se sont montrés encourageants : plus aucune hospitalisation n’a été effectuée. Les résultats sont là mais la méthode est empirique. Empirique ? Donc criminelle, interdite, honnie, non valide, non pertinente, impertinente. Un professeur de l’institut Pasteur de Lille a daigné jeter un œil sur cette démarche et mécaniquement, comme une boîte à musique qui rend fou, il a prononcé la formule de la secte de la modernité hors humanité : cette démarche empirique doit être confirmée par « des essais conduits selon un système randomisé en double aveugle où ni le prescripteur, ni le patient ne savent qui est soigné et qui reçoit le placebo ». La phrase est longue comme la durée de ces essais en double aveugle : les morts tombent à chaque syllabe !

L'intimidation des médecins de terrain

Le pire n’est pas atteint. Des bénévoles, soucieux d’aider à la mutualisation de ces essais et des résultats, ont signalé aux ordres professionnels des médecins, la nature et l’intérêt de cette démarche empirique conduite avec des médicaments, par ailleurs disponibles depuis longtemps sur le marché. Le 20 avril 2020, une réponse donnée à ces bénévoles est tombée comme le couperet de la guillotine, un couperet envoyé depuis l’espace où vivent hors humanité des experts déracinés. Cette réponse, presque digne des missives d’un Etat français installé sur les bords de l’Allier, est violente. Pour résumer, il est indiqué à ces bénévoles que les traitements administrés aux patients atteints du Covid-19 n’ont reçu aucune validation scientifique et ne répondent pas aux exigences réglementaires sur les essais cliniques (de nouveau la litanie). Mieux, ces bénévoles apprennent que ces médecins soucieux du serment d’Hippocrate, font fi de toute réglementation et encourent des sanctions disciplinaires voire des sanctions pénales. Cerise sur le gâteau, ces bénévoles sont informés que ces médecins ont été signalés.

Voilà comment on traite des médecins qui tentent de soigner leurs patients en prescrivant une combinaison de molécules anciennes et dont les effets secondaires sont documentés et connus. Vouloir sauver des vies en dehors de la règle des « essais conduits selon un système randomisé en double aveugle où ni le prescripteur, ni le patient ne savent qui est soigné et qui reçoit le placebo  » mérite le pénal et la mort sociale de ces étranges individus qui veulent devancer le virus pour le vaincre.

Le monde est fou.

Cette mélopée sacrificielle des « essais conduits selon un système randomisé en double aveugle où ni le prescripteur, ni le patient ne savent qui est soigné et qui reçoit le placebo » rend fou à force d’être entendue comme unique justificatif pour balayer tous les traitements possibles. Elle rend fou ceux qui l’entendent mais elle a déjà rendu fou ceux qui la prononcent sans en voir les horreurs et les vices. Il y a donc bien une autre pandémie parallèle à celle du Coronavirus, cette pandémie a disséminé une pathologie qui a façonné chez l'humain une attitude autodestructrice connue depuis de nombreuses années par les Amérindiens, c’est un virus « psychique » que les peuples natifs nomment wétiko, « terme créé pour désigner une personne ou un esprit malveillant qui terrorise les autres.  » Le rejet de tout ce qui n’entre pas dans «  un système randomisé en double aveugle où ni le prescripteur, ni le patient ne savent qui est soigné et qui reçoit le placebo » est particulièrement malveillant vis-à-vis de patients dont l’espérance de vie peut se mesurer en semaines.

Cette répétition inlassable de cette mélopée des essais en double aveugle sur toutes les lèvres me fait songer à ce film horrifique : l’Invasion des profanateurs. Des être humains n’ont plus d’humain que leur apparence physique. A l’intérieur de ces corps, des créatures d’un autre monde ont pris place. Cette ritournelle des « essais conduits selon un système randomisé en double aveugle où ni le prescripteur, ni le patient ne savent qui est soigné et qui reçoit le placebo » me parait de plus en plus rabâchée par des êtres qui ont perdu toute capacité de réflexion, d’adaptation à leur environnement et de compréhension de l’urgence à sauver des vies humaines. Le tragique accompagne nos heures de confinement.

Régis DESMARAIS


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