Douze à table !
par Yann Riché
mardi 20 mars 2007
Voilà officiellement douze candidats à la présidentielle. J’ai longtemps espéré que Le Pen n’y soit pas, je pense qu’il n’a rien fait en terme électoral pour occuper le terrain et avoir des élus locaux pouvant lui permettre d’avoir des parrainages. Le voilà qualifié, le voilà donc en jeu.
Comme je n’ai parié qu’avec moi-même (et même sur Agoravox) sur son absence, j’ai perdu. Et maintenant tout est clair pour les poules qualificatives.
Groupe 1 - A Gauche,
l’antilibérale ne pourra pas créer de surprise, trop de divisions, ils
représentent 1/3 des candidats (Besancenot, Laguillier, Buffet, Bové) -
ils représentent 10% des intentions de vote maximum. Schivardi étant
inclassable je l’ajoute à ce groupe du fait du soutien du parti des
travailleurs. Un groupe qui aurait pu compter dans l’union, mais c’est
dans la désunion qu’ils sont le plus unis.
Groupe 2 - Les candidats des
partis traditionnels représentent eux aussi 1/3 des candidats avec
Voynet, Royal, Sarkozy et Bayrou, à part Voynet, les trois autres
candidats trustent aujourd’hui presque 72% des intentions de vote
déclarées. Pourtant seuls 17% des Français font confiance à la
gauche et 21% dans la droite pour gouverner selon la dernière enquête
CEVIPOF.
Groupe 3 - A l’extrême droite,
De Villiers, Nihous (CNPT plutôt à droite de la droite) et Le Pen. Ce
groupe pèse environ 15% des intentions de vote actuelle. Avec comme
poids lourd Le Pen qui truste entre 12 et 14% à lui tout seul. Mais
"big problem" pour Le Pen, il réunit une forte majorité contre lui, il
est donc inéligible.
Donc trois groupes. Au sein-même de ces groupes les divergences sont
fortes. Si à l’extrême gauche et à l’extrême droite les unions se font
"contre", contre le libéralisme ou contre l’Europe, il ne se dégage pas
de points fédérateurs suffisants pour créer une dynamique politique.
Seul Le Pen s’en sort, si le personnage cultive l’outrance et le "goujadisme" (contraction de goujaterie et de poujadisme) enrobés dans un Français imagé, son point fort réside dans son discours contre le système, contre l’immigration et pour la restauration de l’ordre. Ce point là est très fort, car du désordre nous en voyons partout, de l’ordre assez peu, pour une raison simple la vie c’est le désordre. La société a donc pour objectif de gérer ce désordre au mieux. Avec l’ouverture du Monde le désordre semble plus grand car les interactions sont plus compliquées, plus nombreuses.
Le retour à un monde simple est donc une tentation forte. Ce monde simple c’est un monde à l’américaine, avec des cowboys et des indiens, un monde ou le bien affronte le mal, un monde où le fort est forcément un justicier qui défend les faibles, un monde où racaille rime avec canaille et bataille.
Un monde simple est un monde où celui qui travaille est forcément récompensé et celui qui ne travaille pas un fainéant. Un monde simple c’est un camp contre l’autre.
Mais même dans les western le spectateur descelle la complexité de l’homme. Au début les Westerns sont basiques, puis dans le temps ils se sont complexifiés, l’indien n’est plus un sauvage sanguinaire et le cowboy devient un "colonisateur" ou un homme pris dans la folie des hommes, le bon est moins bon, le méchant est moins méchant et les âmes sont plus grises.
Pour cette élection, il en va de même. Chaque camp à longtemps réussit à se fédérer autour d’un ou deux candidats. Par l’union de la gauche ou par alliance entre RPR et UDF. Chaque camp avait en face son "méchant".
Et depuis 2002, tout cela a changé, le diable, celui qui est plus méchant que le méchant, apparait au deuxième tour.
La crise politique date de cette époque, en tout cas elle éclate à cette époque. Jospin en fut une victime collatérale, l’a t-il à ce point oublié pour dire aujourd’hui que si Bayrou est élu nous vivrons une vraie crise politique ? Confondre la cause et la conséquence est encore plus affligeant. La fin de la Vème n’est pas l’enjeu premier de cette présidentielle, mais la Vème est belle et bien à terre. La VIe est donc à bâtir, c’est une question d’époque, les Français veulent se voir représentés.
Cette VIe nécessitera aussi la réforme du syndicalisme et celle des partis politiques. Simple question de bon sens. Simple question de démocratie la transparence en est la clé. Simple question d’aller dans le sens du dialogue pour éviter les conflits stériles, du moins les diminuer.
12 à table pour se partager le gâteau de l’opinion, pour se partager le corps électoral Français. Débat complexe à 12, cela tourne trop à la cacophonie. Mais pour le dessert il ne seront que 2. Au vu des trois groupes, c’est le premier groupe qui peut le plus monter pour prendre des voix sans doute sur les indécis et sur Royal. Le groupe 2 est celui qui a le plus de chance de voir ses réserves se réduire au profit des deux autres groupes et en particulier de Le Pen.
Donc même s’ils baissent, les trois favoris actuels et Le Pen seront toujours dans le top 4 (c’est là qu’un débat s’annonce nécessaire pour le premier tour ! (Amis des Web TV avez-vous la possibilité de l’organiser... ?), les scores étant aléatoires, voici objectivement les six positions finales possibles :
- Royal - Sarko : le duel annoncé
- Bayrou - Sarko : la surprise
- Le Pen -Sarko : l’embarras du choix de l’embarras
- Bayrou - Royal : deux challengers en final
- Bayrou - Le Pen : double tremblement de terre
- Le Pen - Royal : La chute du mur Sarko