Droits de douane !
par Aimé FAY
lundi 7 avril 2025
Les droits de douane sont des taxes, dites à l’importation, sur les marchandises qu’un pays achète à un pays étranger. Ces taxes augmentent le prix des marchandises. Le pays qui achète est nommé importateur. Celui qui lui vend est nommé exportateur.
Le montant des droits de douane est encaissé par les autorités douanières du pays importateur.
L’objectif principal des droits de douane - en première analyse, et au-delà de remplir les caisses de l’État, pour permettre une baisse des impôts ou, ce qui est plus logique, combler un déficit commercial – est de « protéger » l'économie du pays et/ou de favoriser sa réindustrialisation, en renchérissement le prix des importations,
En rendant les produits importés plus chers pour les consommateurs, le pays espère les encourager à changer leurs comportements et acheter des biens fabriqués dans leur pays.
Cependant, la préférence des consommateurs pour les produits importés subsistera tant que l’appareil productif du pays ne répondra pas spécifiquement à leurs besoins. Pour cette raison, l’État peut être amené à subventionner la création de nouvelles entreprises et/ou à favoriser le retour de celles parties produire dans des pays à bas coût. L’histoire économique récente montre que, dans une économie totalement mondialisée, cette solution a des effets modestes et coûte cher au budget de l’État, in fine, aux contribuables.
Par ailleurs, mettre des droits de douane élevés tous azimuts, c’est un peu comme si le pays voulait être autarcique. C’est une véritable aberration économique. Même la Corée du Nord, pays le plus fermé et l’un des plus pauvres de la planète, ne vit plus totalement en autarcie.
Rappelons que les droits de douane existent depuis la nuit des temps. Au moyen-âge le commerçant qui souhaitait vendre sa marchandise dans la ville ou la seigneurie d’à côté, devait s’acquitter d’un péage, nommé octroi. Certaines marchandises pouvaient être exemptées : le blé et la farine par exemple.
Rappelons aussi la guerre entre la France et la Hollande (1672-1678). Colbert, ministre de Louis XIV, avait mis en place des tarifs douaniers protectionnistes entre 1664 et 1667 pour limiter l’influence économique des Provinces-Unies hollandaises. La paix de Nimègue mit fin à ce différend commercial, le 10 août 1678.
Comment sont calculés les droits de douane ?
- Forfaitairement, quand il s’agit d’une taxe fixe sur chaque produit entrant sur le territoire ;
- Forfaitairement aussi, quand il s’agit d’une taxe fixe en fonction du poids du produit ;
- Ad valorem, quand la taxe est exprimée en pourcentage de la valeur monétaire de la marchandise importée.
Leur calcul est une affaire de spécialistes, d’adultes responsables.
Quelles sont les conséquences possibles, si les exportateurs et les importateurs ne peuvent réduire suffisamment leurs marges bénéficiaires afin d’absorber tout ou partie des surcoûts tarifaires, sans mettre en péril leur entreprise ?
- Représailles des pays exportateurs ! Les pays exportateurs vont réagir en imposant à leur tour des droits de douane similaires. Ces représailles seront d’autant plus importantes que les droits de douane seront élevés et jugés contraires au droit international, c'est-à-dire à l’OMC, créé en 1995. Organisation mondiale du commerce, remplaçant le GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) du 30 octobre 1947, inspiré par les États-Unis ;
- Risque de guerre commerciale ! Faute de négociations gagnant / gagnant, ce sera un « jeu » perdant / perdant, dont la responsabilité est du fait du pays importateur !
- Inflation ! Elle sera d’autant plus forte dans le pays importateur, que les droits de douane seront élevés et toucheront la plupart des marchandises importées. Le pouvoir d’achat des consommateurs en sera affecté, surtout celui des plus modestes !
- Baisse du taux de change de la monnaie du pays importateur par rapport à la devise de facturation de la marchandise ! Cette baisse va renchérir le coût des marchandises importées, et donc aggraver l’inflation. Par ailleurs, il n’est pas exclu que la Banque centrale des pays exportateurs fasse baisser le cours de sa monnaie pour contrer la baisse de la devise du pays importateur ! Possibilité d’une guerre des taux de change !
- Hausse des taux d’intérêt ! Pour réduire l’inflation, la Banque centrale du pays va appliquer une démarche orthodoxe, c'est-à-dire : augmenter le taux d’intérêt auquel elle prête sur le marché monétaire, notamment. Face à l’augmentation de son taux, les banques commerciales, présentent sur ce marché, vont le répercuter sur les prêts et crédits faits à leurs clients. Donc réduire la demande d’investissements ;
- Réaction négative des marchés financiers. Cela va entraîner une baisse des bourses du pays importateur et celles aussi des pays exportateurs. Cette baisse sera d’autant plus importante et durable que la volonté du pays importateur sera inébranlable, durable et emprunte d’incertitude, d’imprévisibilité et d’irrationnel. Certaines entreprises ne pouvant plus faire appel à ces marchés pour financer leur croissance, réduiront leurs investissements, voire licencieront, avant de fermer ;
- Refroidissement du climat des affaires internationales. Cela va obérer la croissance économique de tous les pays concernés, et même planétaires si la hausse des droits de douane impacte la plupart des pays ;
- Risque de stagflation ! C'est-à-dire : hausse du chômage + inflation = récession avec de l’inflation !
- Risque de perdre des partenaires acquis de longue date ! Les pays exportateurs vont rapidement devoir trouver de nouveaux débouchés s’ils ne veulent pas voir leur croissance économique fortement pénalisée. De nouvelles alliances vont se former ;
- In fine : affecter durablement les liens de confiance, tant commerciaux que diplomatiques, des pays exportateurs visà-vis de l’administration du pays importateur !
On l’aura compris, la fixation du montant des droits de douane est une affaire complexe. Ses conséquences peuvent échapper au gouvernement qui les a installés, si les taux ressortent de calculs politiciens et s’éloignent des fondamentaux économiques.
Rappelons ici, l’erreur commise par les États-Unis d’Amérique, juste après le krach boursier de l’automne 1929.
Deux politiciens américains, conservateurs et protectionnistes : le sénateur de l'Utah Reed Smoot et le représentant de l'Oregon Willis C. Hawley, eurent l’idée, en juin 1930, d’augmenter les droits de douane sur 20 000 marchandises achetées par les importateurs américains. Cette idée fut adoptée par le Sénat américain sous le nom de « Hawley-Smoot Tariff Act ou Smoot-Hawley Tariff Act », et fut signée par le Président Herbert Hoover, un homme ayant un optimisme à toute épreuve. En mars 1930, il proclame : « la prospérité est au coin de rue ! »
La loi « Smoot/Hawley » fut l’un des facteurs qui transformèrent la crise boursière de 29 en récession mondiale puis en Grande Dépression, et amena la Seconde Guerre mondiale !
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