Du Caravage de Toulouse aux tableaux de Loches
par Emile Mourey
lundi 18 avril 2016
Un chef-d'oeuvre du Caravage retrouvé dans un grenier (Paris Match). Le Caravage retrouvé en France est-il vrai ? (Le Figaro). Des oeuvres d'art tombées du ciel (le Point). Qu'en est-il des tableaux de Loches ? (Nouvelle République).
Suite à ces publications et après le débat citoyen qui a suivi la publication de mes deux précédents articles sur Agoravox, que penser de tout cela ?
Primo... Qu'à mon avis, le tableau de Toulouse, intitulé "Judith décapitant Holopherne" est bien un Caravage authentique, qu'il s'agit d'une première version de qualité, exécutée vers 1599, suite à une commande de 1598, que cette version a probablement été refusée par le commanditaire, que la dite version a été vue en 1607, à Naples, au domicile du peintre Frison, disciple du maître, lequel en a fait une copie de qualité très moyenne, et enfin, qu'il ne peut s'agir que du tableau retrouvé à Toulouse qu'un lointain ancêtre de la famille aurait ramené d'Italie.
Secundo... Que ce n'est pas la seule fois que Caravage se serait vu refuser un tableau par le commanditaire. Dans cette hypothèse, le tableau de la Galerie de Rome serait une deuxième version, la version définitive à laquelle Caravage aurait apporté des modifications pour satisfaire le dit commanditaire.
Tertio... Qu'en ce qui concerne les deux tableaux de Loches dont l'attribution à Caravage est discutée, il y a lieu de procéder à un raisonnement.
Ce raisonnement, le voici.
Primo. Vu l'importance
Secundo. Il faut bien se persuader que Caravage était une star de l'époque, et que l'accrochage d'un de ses tableaux dans une église était un évènement qui attirait les foules pieuses. L'arrivée sur le marché d'un outsider, en la personne de Guido Reni, apportait un intérêt supplémentaire et un esprit de compétition qui faisait vivre l'actualité. C'est ainsi qu'au David et la tête de Goliath de l'un fait pendant celui de l'autre où il est probable qu'ils se sont représentés.
Tertio. Dés lors que l'on admet que Guido Reni a travaillé dans l'atelier de Caravage et qu'après y avoir tout appris, il l'a quitté, de deux choses l'une, ou bien cette séparation s'est faite en bons termes, ou bien, elle s'est faite dans la douleur et la rivalité, ce qui est le plus probable.
Quarto. Et voilà bien la difficulté qui se pose à l'expert. Comment attribuer une oeuvre à l'un ou à l'autre si l'élève copiait le maître pour se faire la main d'abord, puis pour le concurrencer. Quelle fiabilité serait une investigation poussée si, à cette époque, ils peignaient tous deux de la même façon, s'ils avaient les mêmes trucs d'atelier, les mêmes produits, les mêmes toiles et les mêmes pinceaux ?
En haut, le souper à Emmaüs, de la National Gallery, Londres, par Caravage.
En dessous, la copie que je propose d'attribuer à Guido Reni, église Saint-Antoine, Loches. La tête du Christ a été amincie et une lampe à huile suspendue semble avoir été rajoutée.
L'autre tableau de Loches, intitulé "l'incrédulité de Thomas" faisant pendant, et ayant été acheté en même temps, semble-t-il, ne pourrait donc être également qu'attribué à Guido Reni.
Telles sont mes propositions prudentes.
Emile Mourey, 18 avril 2016